Abidjan, 10 sept 2024 (AIP) – Plus de sept mois après l’amendement de certains de ses articles attentatoires à la liberté de la presse, au moins huit journalistes ont été arrêtés, poursuivis ou détenus sous le coup de la loi sur la cybercriminalité au Nigeria, rapporte Reporters sans frontières (RSF).
Dans un communiqué de presse transmis à l’AIP, lundi 9 septembre 2024, l’organisation condamne l’utilisation abusive de cette législation pour persécuter les journalistes et appelle les autorités à leur garantir un environnement de travail sûr.
“Le fait de ne pas respecter la nouvelle disposition de la loi – qui continue par ailleurs de poser problème par son caractère flou – confirme la volonté des autorités de bâillonner le journalisme d’investigation, qui participe à révéler les problèmes de corruption et de gouvernance au Nigeria. Ce travail d’intérêt public doit être protégé. Si l’amendement de cette loi sur la cybercriminalité était un pas positif, son application n’est à ce jour pas garantie. RSF appelle au respect de la loi amendée, et invite les autorités à travailler avec les organisations locales pour améliorer la protection des journalistes”, estime Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
La loi, adoptée en 2015, a été amendée en février dernier, notamment pour son article 24. Régulièrement utilisé pour arrêter les journalistes exerçant en ligne, il avait été jugé en 2022 par la Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) comme étant incompatible avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, pourtant ratifiée par le Nigeria.
En juillet, le Parlement s’est engagé à prendre des mesures pour que la liberté de la presse soit garantie, avec une motion en ce sens présentée par le député Clement Jimbo du parti présidentiel. Contacté par RSF, il assure toutefois que la loi cybercriminalité ne pose pas de problème depuis son amendement et pointe du doigt “les agences de sécurité qui s’appuient sur la loi de 2015 ignorant la version amendée”.
En effet, malgré la suppression de certains passages liberticides, cet article prévoit toujours de lourdes sanctions, allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement, pour “toute personne qui envoie sciemment ou intentionnellement un message ou un autre élément au moyen de systèmes ou de réseaux informatiques […] qu’il sait être faux, dans le but de provoquer une violation de la loi et de l’ordre public, de constituer une menace pour la vie, ou de provoquer l’envoi d’un tel message”.
Le Nigeria occupe la 112e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.
(AIP)
cmas