Abidjan, 15 dec 2024 (AIP)- Créé en 2015 et rattaché au ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, le Programme de Protection des Enfants et Adolescents Vulnérables (PPEAV) a pour mission de garantir un environnement sûr à tous les enfants. Il vise à prévenir et à réduire toutes les formes de violence et d’exploitation dont ils peuvent être victimes, en développant des mécanismes de protection efficaces, tant au niveau étatique que privé. Le PPEAV intervient également sur le terrain pour apporter une aide concrète aux enfants en difficulté et collabore avec d’autres institutions pour élaborer une politique nationale de protection des groupes vulnérables. Dans cet entretien, le directeur coordinateur du PPEAV, Sylvain Kra, nous présente le partenariat avec le CAD et ses implications dans la mise en œuvre des actions du programme. (Interview)
Comment identifiez-vous les enfants que vous mettez sous tutelle au Centre Amigo Doumé ?
Depuis 2022, la ministre Nassénéba Touré mène des opérations de maraude d’urgence pour retirer les enfants des rues. Ces enfants, souvent confrontés à des parcours de vie difficiles, sont recueillis dans des centres de transit du PPEAV comme celui de Yopougon Toits-Rouges. La place de ces enfants ne se trouve pas dans la rue, chaque enfant est mieux dans la cellule familiale. Notre rôle est de recueillir ces enfants, procéder à leur resocialisation pour rejoindre leur famille, pour apprendre un métier ou retourner à l’école.
Comment sont organisés ces centres de transit?
Ces centres comportent des dortoirs avec des salles d’eau, une salle multimédia, un préau et un petit espace vert. Ces enfants y sont pris en charge pendant six mois à un an maximum, le temps de retrouver leur famille car la place de l’enfant est dans sa famille. Les encadreurs sont composés de travailleurs sociaux, de pédopsychiatres, de toxicologues, de personnel d’appui, etc.
Que deviennent ces enfants sortis de ces centres?
Aussi, nos centres de transit ne sont pas si spacieux et les enfants, après entrevue tout au long de leur séjour, manifestent le désir d’apprendre un métier. Ainsi, après enquête, nous avons trouvé le Centre Amigo Doumé (CAD), un établissement catholique bâti sur plus de sept hectares qui a pratiquement la même cible et les mêmes objectifs que nous. Nous avons ainsi établi un partenariat avec ce cadre apaisant situé à Yopougon Niangon Lokoa, pour la prise en charge des enfants que nous recueillons. Ce centre est composé d’ateliers de menuiserie, ferronnerie, d’élevage et d’agriculture, de classes d’alphabétisation, de dortoirs, d’une salle multimédia, d’un grand terrain de football… avec un pan sur la lagune ! Tout cela répondait à une très grande partie de nos besoins.
Quelle est la contribution du PPEAV aux enfants placés au Centre Amigo Doumé ?
Notre assistance comprend deux volets, à savoir, une contribution financière pour la prise en charge totale, c’est-à-dire, hébergement, repas, médicale, vestimentaire, forfait pour les équipements d’apprentissage et pour les formateurs des différents ateliers, et ensuite, la réinsertion socio-professionnelle (recherche/retour en famille, placement/stage chez des maîtres-artisans pour parfaire leur apprentissage, embauche dans des entreprises et/ou des particuliers, et suivi) après leur séjour qui dure deux ans. Pour cette cohorte actuelle de 30 enfants, le montant s’élève à quatre millions de Francs CFA par trimestre, soit 20 millions FCFA/an. Cette contribution doit être revue à la hausse, vu le paquet d’activités énumérées, des réalités, des difficultés économiques, de la cherté de la vie, etc.
Y a-t-il des résultats probants de ce partenariat avec le CAD ?
Les résultats sont probants et pour aller encore plus loin, nous sommes prêts à aller rencontrer des structures et/ou les inviter à visiter les sites propres au PPEAV et ceux de nos partenaires, pour mieux comprendre nos activités, afin de les concrétiser en actes. Nous avons 80% de réinsertion familiale et professionnelle réussie. Ce centre est d’un grand soulagement pour nous car les pensionnaires reçoivent également des enseignements sur le Divin, un accent sur le civisme et les normes sociales. Le pourcentage de cas d’échec (20%) est composé de fugues, d’enfants qui, malgré toutes les médiations, replongent dans la rue, ou refusent de retourner en famille… Notons que ces cas doivent être inversés, car nous devons relever le challenge. Tout citoyen a droit au bonheur, et c’est notre leitmotiv pour arriver au principe de « zéro enfant dans la rue » dans notre pays. Les enfants constituent le devenir de la nation, un principe qui est bien au-delà des différences socio-économiques et culturelles.
En terme de données concrètes, combien d’enfants ont été pris en charge par le PPEAV ?
Depuis septembre 2022, cette opération d’urgence du PPEAV a enregistré 552 enfants en situation de rue retirés des rues d’Abidjan, pris en charge psychologiquement, socialement et financièrement; 84 en rupture sociale, dont 18 filles et 266 garçons, ont été réintégrés dans leurs familles respectives à Abidjan et à l’intérieur du pays. À l’issue des médiations menées auprès de leurs parents, 99 utilisés à des fins de mendicité par des adultes ont été réunifiés dans leurs différentes communautés.
En outre, 87 en rupture sociale, dont sept filles et 63 garçons, ont été placés dans des établissements de protection des ONG partenaires, 67 s’adonnant au commerce ambulatoire ont été interceptés et ramenés en famille après des séances de sensibilisation sur les dangers qu’ils encourent, 22 filles impliquées dans la prostitution ont été sensibilisées sur leur activité et conduite en famille.
Quels sont les défis particuliers dans la mise en œuvre de votre mission?
Notre défi est de sensibiliser les parents sur ce phénomène des enfants dans la rue. Aussi, la communication parents-enfants doit être instaurée dans les familles, car les adolescents doivent pouvoir faire confiance en leurs parents, leurs tuteurs…Ils doivent avoir un modèle de réussite digne, qui les poussera plus haut dans la vie. Dans le cas contraire, ils sont exposés à la drogue, aux violences basées sur le genre, la délinquance, etc.
De nombreux besoins également?
Nos besoins sont multiformes, à savoir, des vivres et non vivres, des équipements pour les différents ateliers (bois, barres de fer, semences agricoles, poussins, porcelets… et les accessoires connexes à chaque atelier pour le cas d’Amigo Doumé par exemple. Aussi, il faut des efforts financiers pour renforcer/recruter davantage d’encadreurs sur nos différents sites…
Les enfants dans la rue sont nombreux et nous faisons de notre mieux pour multiplier les maraudes pour les sortir de leur situation de précarité, de vulnérabilité. Il faut les protéger. Cette prise en charge peut être estimée au bas mot à plus d’un million FCFA/an par enfant. Le besoin financier est énorme et spécifique à chaque enfant. Nous demandons l’aide de personnes de bonne volonté, de fondations à soutenir cet idéal qui est d’assister les enfants et les adolescents à s’éloigner du vandalisme, de la drogue, des crimes, etc. Et par-delà, faire d’eux de futurs citoyens heureux et responsables.
(AIP)
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