Abidjan, 12 mars 2025 (AIP) – Kouakou Affoué Modeste, surnommée Faveur, est une femme déterminée et engagée dont le parcours illustre à la fois l’adaptabilité et le profond désir de servir les autres. Titulaire d’un Brevet de technicien supérieur (BTS) en informatique, option développement d’applications, obtenu en 2015, elle s’est vite rendu compte que le travail de bureau ne lui correspondait pas. En 2018, elle prend une décision audacieuse: quitter son emploi, s’installer à Bingerville et réfléchir à son avenir. C’est là qu’un événement inattendu la mène sur un tout autre chemin. Confrontée à un besoin urgent dans son quartier, elle décide de s’investir dans la salubrité, un domaine où elle évolue aujourd’hui avec passion depuis trois ans. À travers cette interview, à l’occasion de la célébration de la Journée des droits de la femme (JIF), Faveur partage son parcours, ses motivations et sa vision du rôle des femmes dans la société.
AIP: Bonjour Faveur, merci de nous accorder cet entretien. Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes devenue assistante en salubrité ?
Kouakou Affoué Modeste: Bonjour, merci à vous. Mon parcours dans ce métier a commencé après mon arrivée à Bingerville. J’étais en pleine réflexion sur ma vie, car je ne me sentais pas épanouie dans l’informatique. Un jour, j’ai remarqué un problème dans mon quartier, la disparition d’un bac à ordures compliquait la gestion des déchets. Les habitants devaient parcourir de longues distances à pied pour jeter leurs ordures, ce qui m’a profondément touchée.
J’ai alors proposé à mes voisins de rassembler leurs déchets afin qu’un jeune homme les collecte. Malheureusement le jeune homme ne s’est pas présenté pour le ramassage. Je me suis retrouvée à le faire pour respecter la promesse que j’avais faite à mes voisins. Peu à peu, cette initiative a pris de l’ampleur. Les gens ont commencé à me rémunérer pour ce service, et j’ai réalisé à quel point cela répondait à un réel besoin. C’est ainsi que je suis devenue assistante en salubrité.
AIP: Qu’est-ce qui vous motive dans ce métier ?
KAM: Ce qui me motive avant tout, c’est l’impact positif que j’ai sur la vie des autres. Au début, j’avais des doutes, car ce n’était pas du tout le métier que j’avais imaginé pour moi. Mais avec le temps, j’ai découvert combien il était gratifiant de contribuer à la propreté de mon environnement et au bien-être de la communauté. Voir des habitants soulagés de ne plus avoir à gérer seuls ce problème me donne une grande satisfaction.
AIP: Comment votre entourage a-t-il réagi à votre choix de carrière ?
KAM: Au départ, ma famille m’a soutenue, notamment mes parents et mes sœurs. Cependant, lorsqu’ils ont pris conscience de la pénibilité du travail, ils ont ressenti de la compassion pour moi. Aujourd’hui, ils sont fiers de mon engagement, car ils voient l’impact positif de mon travail. Quant à mes voisins, ils me considèrent comme une véritable solution à leurs problèmes de déchets. Je suis devenue une personne de référence dans le quartier.
AIP: Pensez-vous que ce métier est différent pour une femme par rapport à un homme ?
KAM: Je ne pense pas qu’il y ait une différence fondamentale. Ce qui compte, c’est la qualité du service rendu. Toutefois, je crois que les femmes apportent une sensibilité et une attention aux détails qui font la différence. Par exemple, je veille à ce que les déchets soient bien organisés et que l’espace reste propre même après la collecte. C’est une question de respect envers les habitants et l’environnement.
AIP: Le 8 mars marque la Journée internationale des droits des femmes. Que représente cette journée pour vous ?
KAM: Pour moi, cette journée est un moment clé pour rappeler l’importance des droits des femmes et reconnaître leur contribution à la société. Les femmes jouent un rôle essentiel dans tous les domaines : au sein des familles, dans le monde professionnel et dans la communauté. Elles apportent des idées, des solutions et une approche aux défis du quotidien. Le 8 mars est une occasion de célébrer leurs avancées et de poursuivre la lutte pour l’égalité.
AIP: Quelle est, selon vous, la place de la femme dans la société aujourd’hui ?
KAM: La place de la femme ne se limite plus aux tâches domestiques, même si celles-ci restent importantes. Aujourd’hui, les femmes sont actives dans tous les secteurs : éducation, politique, économie, et bien d’autres encore. Elles sont intelligentes, réfléchies et capables d’apporter des solutions concrètes aux problèmes sociaux. Par exemple, face à la problématique des enfants des rues, la sensibilité maternelle des femmes peut jouer un rôle clé dans la recherche de solutions durables. La femme a sa place partout où elle peut contribuer à améliorer la société.
Un dernier mot pour conclure ?
KAM: Je voudrais simplement rappeler que chaque femme a le droit de choisir ce qui la rend heureuse et épanouie. Pour moi, c’est de servir ma communauté à travers mon métier. Même si ce n’était pas mon rêve initial, j’en suis fière, car ce qui compte, c’est d’être utile et de faire une différence, aussi petite soit-elle. Merci

Kouakou Affoué Modeste, alias Faveur, est un exemple de résilience et d’engagement. Son parcours illustre que la vie peut prendre des chemins inattendus, mais avec détermination et altruisme, il est possible de s’épanouir tout en servant les autres. À travers son travail en salubrité, elle démontre que chaque métier a sa noblesse et que les femmes ont un rôle crucial à jouer dans tous les aspects de la vie sociale.
(AIP)
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