Abidjan, 07 avr 2025 (AIP)- La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a rendu, vendredi 04 avril 2025 à Abuja, son arrêt dans l’affaire de Dorothy Bebe contre l’Etat du Nigeria concernant des allégations de violations des droits humains liées à des violences sexuelles, aux droits reproductifs et à l’accès à la justice.
La requérante, Dorothy Bebe, citoyenne nigériane originaire de l’État de Benue, a intenté une action en justice contre la République fédérale du Nigeria, invoquant des violations de ses droits humains fondamentaux. L’affaire fait suite à une agression sexuelle perpétrée à Abuja par un certain Emmanuel, alors mineure à l’époque des faits.
Suite à cette agression, elle est tombée enceinte et n’a pas pu accéder à des services d’avortement médicalisé en raison du cadre juridique nigérian, qui criminalise l’avortement dans la quasi-totalité des circonstances.
Mme Bebe a également affirmé que sa tentative d’obtenir justice auprès des forces de l’ordre s’était heurtée à la culpabilisation de la victime et à l’inaction. Elle a affirmé que le manque d’accès à un soutien juridique, médical et psychologique a exacerbé ses souffrances, entraînant une stigmatisation sociale à long terme et des difficultés économiques.
Dans son arrêt motivé, la Cour a déterminé que sur la compétence, elle a rejeté l’objection du Nigeria concernant sa compétence, affirmant sa compétence pour connaître de l’affaire, car elle concernait des violations présumées des droits humains.
Sur la recevabilité, l’affaire a été jugée recevable, Mme Bebe étant clairement identifiée comme la victime et aucune affaire parallèle n’étant pendante devant une autre instance internationale.
Sur le fond, la Cour a pris acte de l’évolution des normes internationales en matière de droits humains relatives au droit à la santé, y compris les droits reproductifs. Elle a examiné les obligations du Nigeria au titre de divers instruments relatifs aux droits humains, notamment le Protocole de Maputo, qui garantit l’accès à un avortement médicalisé en cas de viol, d’inceste et de risques pour la santé.
La Cour a estimé que la jurisprudence de la CEDEAO exige des preuves concrètes pour étayer les allégations de violations des droits humains. Elle a réaffirmé que les allégations générales sont insuffisantes. Bien que le cadre juridique nigérian en matière d’avortement soit contraire à l’article 14 (2)(c) du Protocole de Maputo, la requérante n’a pas fourni de preuves crédibles démontrant que l’État lui a activement refusé l’accès à un avortement sans risque ou à des soins médicaux.
La Cour a jugé que la violation du droit à la santé du requérant par le défendeur, tel que prévu à l’article 16 de la Charte africaine, n’a pas été établie. La violation du droit à la protection de la famille, des droits des femmes, des personnes âgées et des personnes handicapées par le défendeur, tel que prévu à l’article 18 de la Charte africaine, à l’article 14(2)(c) du Protocole de Maputo et aux articles 4, 16 et 27 de la Charte africaine relative aux droits et au bien-être de l’enfant, n’a pas été établie.
(AIP)
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