Abidjan, 18 avr 2025 (AIP) – Jadis cantonnée aux seuls paysans baoulé émigrés, la fête de Paquinou s’est imposée au fil des années comme un événement d’envergure nationale, mêlant traditions, retrouvailles familiales, et opportunités économiques. Aujourd’hui, elle mobilise l’ensemble de la communauté baoulé, des anciens aux plus jeunes, aussi bien dans les villages qu’en milieu urbain.
Au-delà de la fête, Paquinou est devenue une occasion privilégiée de réflexion collective et d’initiatives communautaires. Mme Akissi Kouamé, membre d’une association de ressortissants de la région du Gbêkê, le souligne avec conviction : « Paquinou rassemble tout le monde. C’est le moment idéal pour lancer des projets utiles à notre communauté. »
À Yopougon Maroc, Kouamé Rachelle, vendeuse de vêtements, voit en cette célébration un moment de joie et de partage. Pour elle, les liens familiaux et sociaux se renforcent à travers les différentes activités festives. « Paqui-nou est avant tout une période de retrouvailles, de partage et de célébration. On mange, on danse, puis on organise des réunions après la fête », témoigne-t-elle avec enthousiasme.
Même engouement chez Konan Bénédicte, couturière à Yopougon Niangon Nord, qui s’active pour honorer ce rendez-vous culturel en retournant dans son village natal. « La célébration au village est plus enrichissante. C’est l’occasion de redécouvrir notre culture, que nos enfants ne connaissent pas toujours », confie-t-elle.
Cette année, elle prévoit de se rendre à Pakouabo, à une vingtaine de kilomètres de Bouaflé, accompagnée de son fils de deux ans.
« Depuis le début de la semaine, des convois partent d’Abidjan vers les villages. L’ambiance là-bas est vraiment unique, c’est pourquoi nous y allons », ajoute-t-elle, tout sourire.
Mais si les villages restent le cœur de la célébration, les villes comme Abidjan ne sont pas en reste. Pacôme Kouassi, journaliste au quotidien Le Mandat, observe que la ferveur reste vive, même loin des terres ancestrales. « Même en ville, l’ambiance est conviviale. Les associations se retrouvent dans les maquis baoulé pour communier dans la simplicité », note-t-il.
Pour le sociologue Dr Amalaman Djédou Martin, enseignant à l’UFR des Sciences sociales de l’Université Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo depuis 2013, les jeunes générations citadines perçoivent Paquinou comme une simple fête, un moment de réjouissance collective. Toutefois, précise-t-il, pour les anciens et les aînés sociaux, Paquinou revêt une signification plus profonde.
« C’est une commémoration du retour d’exode des Baoulé de la Basse-Côte et des zones forestières vers le pays baoulé. Elle permet de retrouver les siens, de raffermir les liens de fraternité et de parenté, et de contribuer au développement des villages », explique-t-il.
Face à la notoriété croissante de cette célébration, un plaidoyer est adressé aux ministères de la Culture et du Tourisme, afin que le néologisme ivoirien Paquinou soit labellisé et inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO, à l’instar du Djéguélé (balafon sénoufo) ou de la ville historique de Grand-Bassam.
Entre enracinement culturel et modernité, Paquinou incarne aujourd’hui une dynamique identitaire forte, au point que des voix s’élèvent pour qu’elle soit reconnue comme patrimoine culturel immatériel. Cette aspiration à une reconnaissance officielle témoigne de l’importance que revêt cette fête pour la communauté baoulé et pour la mémoire collective ivoirienne.
(AIP)
sn/zaar
Reportage réalisé par Nessenou Simon