Par Simon Benjamin Bassole
Abidjan, 19 avr 2025 (AIP) – Alors que l’Église universelle célèbre le mystère pascal de la Résurrection du Christ, une expression originale de cette solennité s’épanouit en terre ivoirienne : Pâquinou. Célébrée par le peuple baoulé, cette tradition culturelle transfigure la Pâques chrétienne en une fête communautaire, où ferveur religieuse et identité culturelle s’unissent dans une symbiose sacrée.
Cette année, plusieurs paroisses en Côte d’Ivoire s’apprêtent à vivre Pâquinou comme une véritable expérience de foi incarnée, ancrée dans les rites baoulé mais illuminée par l’esprit pascal.
A la paroisse sainte Anne de Port-Bouët, une 13ᵉ édition sous le sceau de la diversité
Le lundi de Pâques, la paroisse Sainte Anne de Port-Bouët célèbrera la Galilée pascale en présence de Monseigneur Raymond Ahoua, évêque de Grand-Bassam. Selon le secrétaire à l’organisation, Konan Marthurin, cette 13ᵉ édition sera marquée par une messe multilingue chantée en dida, godié et néo, peuples invités d’honneur cette année.
À l’issue de la célébration eucharistique, des stands gastronomiques mettront en valeur les mets traditionnels de ces communautés. L’après-midi sera consacré à des prestations de danses folkloriques, à la découverte des pratiques culturelles, et se clôturera par la traditionnelle passation de flambeau entre peuples.
À sainte Thérèse de l’enfant Jesus, une Pâquinou religieuse au cœur du soixantenaire paroissial
La paroisse Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, située dans le diocèse d’Abidjan, célébrera la 17ᵉ édition de sa Pâquinou religieuse le dimanche 4 mai 2025, en marge de son soixantième anniversaire. Selon Oka Hortense, présidente de la Fraternité baoulé, l’objectif est de revivre l’esprit de Pâquinou tel qu’au village, dans un cadre ecclésial.
Une messe entièrement célébrée en langue baoulé ouvrira les festivités. Des chefs traditionnels seront mis à l’honneur, tandis que des expositions culinaires, une kermesse et des danses traditionnelles enrichiront cette célébration à la croisée de la foi et de la culture.
Une édition décalée pour un souffle spirituel renouvelé saint Joseph de Yopugon-gare
La paroisse Saint Joseph de Yopougon-Gare célèbrera, quant à elle, sa 12ᵉ édition de Pâquinou le lundi de Pentecôte, comme l’explique Tokou François, membre du comité d’organisation. Ce report vise à offrir aux fidèles, mobilisés par les festivités du trentenaire paroissial, un temps de recueillement avant une nouvelle effusion spirituelle.

Placée sous le thème : « Pâquinou vivante, accueillante et joyeuse dans l’effusion de l’Esprit Saint », cette édition verra la participation de l’artiste Guy Roger, lors d’une messe concélébrée en langue baoulé. Le retour du groupe Sothéca, très attendu, promet d’enflammer l’assemblée, tandis que les fidèles arboreront des pagnés traditionnels aux motifs symboliques.
Une spiritualité enracinée dans la culture
Dans ces trois paroisses, la liturgie pascale se conjugue à l’expression traditionnelle dans une harmonie sacrée. Le vin, à la fois symbole eucharistique et d’allégresse, accompagne les mets traditionnels, actualisant le banquet céleste dans le langage culturel baoulé.
« Pâquinou, c’est l’incarnation de notre foi dans notre patrimoine culturel », confie M. Konan, paroissien de Sainte Anne de Port-Bouët.
Ici, la prière, la danse et le partage deviennent autant d’actes de foi et des leviers de développement communautaire.
Le Christ ressuscité s’incarne dans la culture baoulé
Loin de s’opposer, la doctrine chrétienne se propose d’illuminer toutes les cultures, comme le souligne le Père Alphonse Yao Kouadio, l’un des précurseurs de la Pâquinou religieuse.
La Pâques célèbre la résurrection du Christ tandis que la Paquinou est une initiative culturelle baoulé greffée sur cette solennité, sans en altérer la substance théologique.

Pour le Père Yao, la lumière pascale n’est pas exclusive, elle est destinée à éclairer toutes les cultures :
« Comme tout Israël se rassemblait à Jérusalem pour célébrer la Pâques, les Baoulés se retrouvent au cœur du pays pour célébrer Paquinou. Ce n’est pas un hasard, mais une divine coïncidence. », éclaire-t-il.
Dans cette vision théologique, le Christ ressuscité s’incarne dans la culture baoulé, à travers la messe, la gastronomie, les jeux et les chants. Sanctifiée par l’Eucharistie, la culture devient un vecteur de foi, une expression locale de l’universalité du message chrétien.
« Paquinou peut devenir un cadre de réflexion paroissiale, un moment où l’on joint l’utile à l’agréable. Notre culture fait partie de tout ce que la résurrection renouvelle et restaure. Paquinou christianisée en est une humble illustration », conclut-il.
(AIP)
bsb/kam