Abidjan, 19 mai 2025 (AIP)- La Côte d’Ivoire s’impose comme un exemple remarquable de résilience en Afrique subsaharienne dans un contexte économique mondial marqué par les incertitudes. Sa capacité à maintenir une croissance soutenue malgré les turbulences externes mérite une analyse approfondie pour comprendre les ressorts de cette performance exceptionnelle.
Le PND 2021-2025 : Un catalyseur stratégique de résilience
La mise en œuvre du Plan national de développement (PND 2021-2025) joue un rôle central dans le renforcement de la résilience économique ivoirienne. Ce plan, lancé par le gouvernement en 2021, vise non seulement la croissance économique, mais également la transformation structurelle de l’économie pour la rendre moins vulnérable aux chocs externes. Les investissements stratégiques dans les infrastructures, l’industrialisation, le capital humain et la gouvernance ont déjà produit des résultats tangibles, comme en témoignent les progrès sociaux et économiques enregistrés. Cette approche holistique du développement contribue à renforcer les fondamentaux de l’économie et sa capacité d’adaptation face aux contingences extérieures.
Une croissance robuste dans un environnement international instable
La Côte d’Ivoire confirme sa position de locomotive économique régionale avec un PIB nominal qui a atteint 47 790,9 milliards de FCFA en 2023, enregistrant une progression significative de 9,2% par rapport aux 43 771,2 milliards de FCFA de 2022. Cette performance est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte mondial où de nombreuses économies peinent à retrouver leur dynamisme d’avant-crise.
Les prévisions pour 2024 et 2025 témoignent d’une confiance solide dans la trajectoire économique du pays, avec des taux de croissance anticipés de 6,1% et 6,3% respectivement. Ces projections surpassent nettement les moyennes mondiales (3,2%) et régionales pour l’Afrique subsaharienne, illustrant la capacité du pays à naviguer avec succès dans un environnement international complexe.
Les fondements structurels de la résilience ivoirienne et une diversification sectorielle équilibrée
Cette résilience économique ne relève pas du hasard mais résulte d’une combinaison de facteurs structurels et de choix stratégiques judicieux.
Si la Côte d’Ivoire reste le premier producteur mondial de cacao et de noix de cajou, sa croissance économique repose désormais sur une base plus diversifiée. L’expansion de 6,5% enregistrée en 2023 a été principalement portée par les secteurs secondaire et tertiaire, réduisant ainsi la vulnérabilité traditionnelle aux fluctuations des cours des matières premières agricoles. Cette diversification constitue un rempart efficace contre les chocs exogènes affectant les marchés internationaux.
Pour 2024, les analystes prévoient une contribution positive accrue du secteur primaire, notamment grâce à la hausse attendue de l’agriculture d’exportation et vivrière, ce qui devrait renforcer davantage l’équilibre sectoriel de l’économie nationale.
Une politique budgétaire maîtrisée
La gestion prudente des finances publiques représente un autre pilier de la résilience ivoirienne. Le déficit budgétaire a été significativement réduit, passant de 6,8% du PIB en 2022 (2 982 milliards de FCFA) à 5,2% en 2023 (2 508,1 milliards FCFA). Cette consolidation budgétaire, réalisée sans compromettre les investissements stratégiques, témoigne d’une discipline financière remarquable.
Parallèlement, l’encours de la dette publique reste contenu à 58,1% du PIB en 2023, bien en-deçà du seuil communautaire de 70%, malgré les besoins de financement importants liés au PND 2021-2025. Le pays conserve ainsi un risque de surendettement qualifié de “modéré”, préservant ses marges de manœuvre financières face à d’éventuels chocs externes.
Une maîtrise progressive de l’inflation
Dans un contexte mondial inflationniste, la Côte d’Ivoire est parvenue à réduire son taux d’inflation de 5,2% en 2022 à 4,4% en 2023, soit une baisse de 0,8 point. Cette performance s’explique notamment par la diminution des prix des produits alimentaires, fruit d’une politique agricole attentive à la sécurité alimentaire intérieure parallèlement aux cultures d’exportation.
Un système bancaire robuste
Le secteur bancaire ivoirien s’est montré particulièrement résilient face au resserrement monétaire de la BCEAO et à la fin des facilités exceptionnelles de refinancement instaurées pendant la crise du COVID-19. La croissance du crédit au secteur privé a même rebondi spectaculairement, passant de 7,9% en 2022 à 18,9% en 2023, soutenant ainsi l’investissement privé comme moteur de croissance.
Les défis persistants
Malgré ces performances remarquables, quelques points de vigilance demeurent. Le déficit du compte courant s’est légèrement creusé à 8,1% du PIB en 2023 contre 7,7% en 2022, reflétant les déficits structurels des services et des revenus primaires. La diversification des exportations et la montée en valeur des produits transformés localement demeurent des enjeux cruciaux pour réduire cette vulnérabilité externe.
Par ailleurs, la structure de la dette publique, dominée à 70,8% par l’euro et à 11,9% par le dollar américain, expose potentiellement le pays aux fluctuations des taux de change, bien que la parité fixe entre l’euro et le FCFA atténue ce risque pour la majorité de l’endettement.
La Côte d’Ivoire démontre qu’une économie africaine peut maintenir une trajectoire de croissance solide malgré les turbulences de l’environnement international. Cette résilience repose sur un équilibre subtil entre diversification économique, discipline budgétaire, stabilité financière et investissements stratégiques orientés vers le long terme.
Pour consolider ce modèle, le pays devra poursuivre ses efforts de transformation structurelle, notamment en accélérant l’industrialisation liée à la transformation locale des matières premières agricoles et en renforçant sa position dans les chaînes de valeur régionales et mondiales. C’est à cette condition que la première puissance économique de l’UEMOA pourra transformer sa résilience conjoncturelle en une robustesse structurelle durable, capable de résister aux défis d’un monde de plus en plus imprévisible.
(AIP)
kp