Séguéla, 22 mai 2025 (AIP) – Dans le quartier Battesti de Séguéla, dame Siata Doumbia, d’environ 70 ans, mère de quatre enfants, vend des fruits sur une petite table, devant sa cour commune. Derrière son sourire discret, se cache une histoire de douleur, de rejet… et de résilience. Elle a combattu, durant huit longues années, une maladie invisible mais dévastatrice : la fistule obstétricale.
Cette pathologie, considérée comme l’une des plus graves lésions liées à l’accouchement, résulte d’un travail prolongé non assisté. Elle provoque une communication anormale entre le vagin et la vessie, voire le rectum, entraînant des fuites urinaires ou fécales incontrôlables. Siata en a souffert dans son corps, mais aussi dans son âme.
Rejetée par son entourage, abandonnée par son époux qui a pris une seconde épouse, dame Siata Doumbia a vécu des années d’humiliation. « J’étais considérée comme maudite, plus que malade. J’ai même pensé à mettre fin à mes jours », confie-t-elle, la voix chargée d’émotion. Chaque matin, elle se réveillait dans un lit trempé, sans comprendre pourquoi. L’odeur persistante l’excluait des cérémonies, des conversations et même de la compassion de son voisinage. Certains allaient jusqu’à la traiter de sorcière.
Son seul refuge, elle le trouvait auprès de sa fille, Sénigbè Sacko, qui, sans mesurer l’ampleur du mal, lui témoignait un amour inébranlable. Mais l’ombre du désespoir s’étendait.
Un espoir inespéré
Un jour, alors qu’elle était soignée pour le paludisme, un infirmier l’oriente vers l’Alliance des religieux pour la santé intégrale et la promotion de la personne humaine en Côte d’Ivoire (ARSIP). C’est le déclic. Elle découvre qu’une chirurgie réparatrice peut lui rendre sa dignité.
En 2023, grâce à une campagne de réparation financée par l’Agence coréenne de coopération internationale (KOICA) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), elle est opérée. « Elle a été identifiée, prise en charge et guérie », confirme Dosso Moussa, point focal de l’ARSIP à Séguéla.
Depuis, dame Siata a retrouvé une vie normale. Mieux, elle a bénéficié d’un appui pour lancer une activité génératrice de revenus. « Aujourd’hui, ceux qui me méprisaient me saluent avec respect. Je marche la tête haute », déclare-t-elle fièrement.
Consciente que d’autres femmes vivent encore dans l’ombre de la honte et du silence, elle lance un appel :
« À mes sœurs qui souffrent : ne vous cachez plus. Il y a des soins. Parlez, demandez de l’aide. La guérison est possible. »
Les autorités sanitaires de Séguéla poursuivent les efforts de sensibilisation pour qu’aucune femme ne soit condamnée à l’isolement à cause de la fistule obstétricale. Le combat continue.
(AIP)
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