Bangolo, 25 juin 2025 (AIP)-Plusieurs femmes de Bangolo ont partagé, mardi 24 juin 2025, des témoignages sur les effets néfastes des produits dépigmentants, mettant en lumière les risques sanitaires et sociaux liés à cette pratique encore largement répandue.
Derrière ce phénomène, se cachent souvent des histoires personnelles marquées par la souffrance, l’exclusion ou la recherche d’une solution à un mal-être. C’est le cas de Soumahoro Fanta, commerçante, qui raconte comment tout a commencé pour elle.
« Moi, c’est pas à cause de garçon que mon visage est devenu clair. Tout a commencé à partir du moment où j’ai eu des boutons. Alors une camarade m’a recommandé une crème qui pourrait résoudre le problème », confie-t-elle.
Elle admet que, même si les boutons ont quasiment disparu, sa peau est désormais marquée par deux teintes différentes, ce qui lui vaut moqueries et remarques désobligeantes dans son entourage.
« Je ne peux plus arrêter parce que, quand je tente de stopper, les boutons remplissent encore mon visage », ajoute-t-elle, déplorant son incapacité financière à consulter un dermatologue.
Pour Guéi Stéphanie, c’est une humiliation professionnelle qui a été le déclencheur. « Je cherchais du travail et je suis allée dans un maquis-bar qui avait besoin d’une serveuse. Le patron m’a dit carrément qu’il voulait des filles claires pour ce boulot afin de faire marcher son coin », raconte-t-elle.
Cette remarque l’a profondément troublée, au point de lui faire passer une nuit blanche. Le lendemain, elle prend la décision de se dépigmenter, une décision qu’elle regrette amèrement aujourd’hui.
Son père, choqué par sa transformation subite due aux produits cosmétiques agressifs, manifeste depuis une grande colère. Rejetée, elle se réfugie chez sa grand-mère à Bangolo, où elle doit encore faire face à des critiques en raison d’une odeur désagréable que dégage sa peau.
« Je suis à la recherche d’un peu d’argent afin de consulter un médecin et régler le problème définitivement. Car je veux me réconcilier avec mes parents et mon entourage », affirme-t-elle, le visage empreint de remords.
De son côté, Dao Clémentine, la quarantaine révolue, raconte que c’est dans le cadre de son association de femmes paysannes que son mal-être a pris naissance. « Toutes les fois que je me rendais à nos réunions du mois, il y a des camarades qui se cachaient pour se moquer de moi », explique-t-elle.
Une amie de sa fille a fini par lui dire clairement que certaines membres de l’association la tournaient en dérision à cause de la teinte noire de sa peau. Poussée par sa fille, elle se procure alors des produits cosmétiques au marché, qui lui causent malheureusement des vergetures.
Face à ces témoignages, le médecin chef du Centre de santé urbain (CSU) de Bangolo-Carrefour, Dr Gui Charles Hervé, appelle à une régulation stricte du commerce des produits éclaircissants.
« Les dommages qui découlent de l’utilisation de ces matières corrosives sont nombreux et variés. Au niveau esthétique, il s’agit bien souvent de l’apparition sur le corps de taches blanches, de vergetures. Il y a aussi des risques d’amincissement et de décoloration de la peau », explique-t-il.
Il précise également que les conséquences médicales sont lourdes : les utilisateurs de ces crèmes et gels s’exposent à des infections cutanées, des troubles de la cicatrisation, des complications rénales ou neurologiques. D’autres maladies peuvent en découler, comme l’hypertension artérielle, le diabète ou encore des troubles oculaires.
Le phénomène ne se limite pas aux femmes. Certains jeunes hommes de Bangolo affichent également les signes visibles et parfois les odeurs caractéristiques d’une dépigmentation volontaire, une pratique pourtant fortement déconseillée par la majorité de la population.
(AIP)
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