Reportage réalisé Kassoum Diarrassouba, correspondant de presse
Tiassalé, 27 juin 2025 (AIP) – Dans des bas-fonds à Tiassalé, sur la route menant à Divo, des étangs sont désormais noyés sous des eaux stagnantes. Ce qui devait être une récolte prometteuse ressemble désormais à un paysage de désolation. Les pluies diluviennes survenues au mois de juin ont transformé des hectares de champs de riz en véritables lacs, anéantissant pour la deuxième, voire la troisième fois depuis le début de la saison, les espoirs de dizaines de producteurs.
Le paradoxe de trop ou pas assez d’eau
Le paysage qui s’offre à l’œil à la sortie ouest de la ville est édifiant. Des carrés entiers de rizières, transformés en véritables étangs, affichent des jeunes plants flétris ou totalement submergés. N’Dri N’Goran Dominique, l’un des exploitants affectés, qui ne cache pas son désarroi, contemple ses parcelles submergées avec amertume. Ses plants de riz, ainsi que ceux de ses frères, flottent désormais dans une eau brunâtre qui refuse de se retirer.
“C’est la troisième fois que nous perdons tout”, confie-t-il, incarnant l’amertume d’une dizaine de producteurs qui exploitent chacun un hectare en moyenne dans cette parcelle aménagée.
À quelques mètres de là, Djabo Soumaïla observe, le regard vide, ses tiges de riz arrivées à maturité, mais désormais couchées sous les eaux de ruissellement. Un spectacle qui résume à lui seul le cruel paradoxe climatique que vivent ces agriculteurs qui, après avoir souffert de la sécheresse l’année dernière, subissent aujourd’hui les affres d’un déluge imprévisible.
L’autosuffisance alimentaire en péril
Cette situation met en lumière un enjeu déterminant pour la Côte d’Ivoire, à savoir l’autosuffisance alimentaire, particulièrement en riz. Le directeur départemental de l’Agriculture, du Développement rural et des Productions vivrières de Tiassalé, Ouattara Housséini, ne cache pas sa désolation.
“Le ministère avait accompagné ces producteurs en début de campagne avec l’espoir d’une bonne récolte”, explique-t-il, tout en soulignant l’attachement des autorités du pays à cette autosuffisance rizicole. Mais la nature en a décidé autrement. Ces inondations, a relevé M. Ouattara, s’expliquent par les changements climatiques.
“Depuis 2018, de telles pluies n’étaient plus tombées”, évoque-t-il, établissant un contraste saisissant avec l’année précédente où les producteurs des plateaux rizicoles avaient été victimes de la faiblesse des précipitations.
Face à cette imprévisibilité climatique, le vice-président de la coopérative exploitant l’espace aménagé, Ablé Kouamé Koffi, observe les jeunes plants flasques qui émergent des parcelles d’où l’eau commence à se retirer. “Ils ne sont plus bons qu’à être détruits”, affirme-t-il avec fatalisme.
Dans ce tableau sombre, quelques lueurs d’espoir subsistent toutefois. Certains producteurs, dont les parcelles de riz sont arrivées à maturité, espèrent encore une baisse des pluies qui leur permettrait de procéder à la récolte et au séchage des grains.
Pour éviter que de telles catastrophes se reproduisent, le directeur départemental de l’Agriculture propose aux producteurs de s’adapter à cette nouvelle donne climatique. Sa recommandation claire est relative à la réalisation de drains pour faciliter l’évacuation de l’eau lors des prochaines mises en place des cultures.
Cette suggestion technique impose à l’agriculture ivoirienne la réalité claire de composer désormais avec un climat devenu imprévisible, en oscillant entre sécheresse et inondations. L’enjeu n’est plus seulement de produire, mais de produire de manière résiliente, en anticipant les caprices d’une météo de plus en plus extrême.
À Tiassalé, les riziculteurs apprennent à leurs dépens que l’autosuffisance alimentaire ne dépend plus seulement de la volonté politique ou des techniques agricoles, mais aussi de la capacité à s’adapter aux nouveaux défis climatiques. Une leçon amère, mais essentielle, pour l’avenir de l’agriculture ivoirienne.
(AIP)
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