Divo, août 2024 (AIP) – Ils sont âgés de 12 à 18 ans, pour les plus jeunes d’entre eux. Ce sont des enfants conducteurs de tricycles à bagages dans la ville de Divo, visibles sur toutes les artères de la ville et même des campagnes. Nombreux parmi eux ne sont pas scolarisés et font de ce métier de conducteur de tricycles à bagages leur gagne-pain. Mais, il existe une catégorie particulière parmi ces adolescents qui se livrent à ce métier. Ce sont des élèves qui en font un job de vacances pour pouvoir avoir de quoi préparer la rentrée scolaire, afin de venir en aide aux parents, en dépit des risques encourus sur les routes. Nous avons suivi quatre d’entre eux.
Aucun permis de conduire mais ils arrivent à s’en sortir avec le boulot de conducteur de tricycle
Loukou Chris est âgé de 15 ans et est admis en classe de troisième. Il déclare avoir appris à conduire sur le tas avec son grand frère et s’être approché d’un « tonton du quartier », propriétaire du tricycle, pour lui demander du travail pour les vacances. Il a alors commencé à le seconder en l’aidant à charger et à décharger les bagages des clients, pendant que son « tonton du quartier » se charge de la conduite. Mais, malade ce jour-là, Loukou Chris a pris la relève, comme cela arrive par moment, pour aller faire des livraisons pour des clients.
Dans la matinée du samedi 27 juillet 2024, il avait à faire quatre voyages, pour la livraison de briques du quartier Bada au quartier Dioulabougou, sur un chantier de construction d’une salle de classe dans une école primaire. Avec son ami âgé de 14 ans, Loukou Chris charge les briques et arrivé sur le chantier, il décharge avec d’autres enfants sur le site. Ceux-ci, encore plus jeunes, âgés entre 10 et 12 ans, l’aident bénévolement, risquant par moment de se blesser avec ces charges visiblement lourdes à porter par eux.
Selon le jeune élève débrouillard, chaque livraison est payée 1500 FCFA. Il aura donc pour l’ensemble de la livraison 6000 FCFA. « Par jour, mon patron me donne entre deux et trois milles francs CFA », confie Chris.
De son côté, N’dri Kouamé Joël, 17 ans, est en classe de 3ème, et travaille avec son ami Koffi Koffi Madoché, en classe de 3ème.. Ils sont basés au marché de Konankro et aident les femmes commerçantes à charger leurs bagages, souvent du vivrier, depuis les gares et les champs, pour des livraisons au marché de Konankro.
« Mes parents sont au campement. Comme on est en vacances, je me débrouille un peu. Ce que je gagne je garde et ma maman complète à la rentrée pour payer les frais de scolarité et les fournitures », déclare N’dri Joël, assis sur un tricycle, à la gare improvisée de tricycles près du marché, attendant dans un esprit bon enfant avec des amis un ou une cliente.
Quant à Koffi Madoché, âgé de 17 ans, explique pratiquer ce job depuis 2019, quand il ne faisait qu’aider au chargement des bagages avant d’apprendre progressivement, sur le tas, à conduire. Il dit se débrouiller ainsi, même pendant l’année scolaire mais, surtout pendant les week-end quand il a du temps libre.
« Mes parents sont au village. Pour la période des vacances, quand je finis au bout des trois mois, je peux avoir 60 à 70 000FCFA pour aider mes parents à payer ma scolarité et mes fournitures », confie Koffi Madoché.
Les tricycles que conduisent Joël et Madoché appartiennent à des connaissances à eux qu’ils surnomment tantôt « tonton du quartier », tantôt « vieux père », pour désigner, dans le jargon ivoirien, une personne plus âgée, un adulte.
Quant à Zinago Ange Brice Junior, âgée de 18 ans, il est aussi en classe de 3ème,
Il soutient conduire les tricycles depuis l’âge de 16 ans, en ayant appris à le faire sur le tas avec des amis plus âgés. « C’est mon vieux père du quartier qui m’a donné pour que je me débrouille avec pendant ces vacances. Ce n’est pas tous les jours que ça marche. Par jour je peux avoir trois à six mille francs de recettes », note Zinago Ange, qui précise parvenir chaque année à économiser 75 à 80 000 FCFA pour la rentrée scolaire.
Risques « maîtriser » dans la circulation et au niveau des forces de l’ordre, selon les jeunes conducteurs de tricycles
Ces adolescents répondent tous de façon décontractée, ne pas être en grand danger sur les routes, même s’il y a des risques d’accident dont ils sont conscients.
« Il y a des risques en roulant, c’est risqué, mais c’est prudence. Quand je roule je fais attention et il y a des endroits où j’évite de passer pour réduire les risques d’accident », confie Zinago Ange, qui déclare n’avoir fait aucun accident à ce jour.
De même répondent Loukou Chris, N’dri Joël, et Koffi Madoché. Aucun d’eux n’a encore fait d’accident de la route.
Les tricycles que roulent ces jeunes gens n’ont souvent pas de pièces. Tous expliquent craindre d’être arrêtés au contrôle par les forces de l’ordre mais, il faut s’acquitter du droit de circuler pour, selon eux, pouvoir travailler dans la journée. Ce droit de circuler s’élève à 1000FCFA par jour, ont confié les jeunes conducteurs.
Un risque d’accident pourtant réel chaque jour sur les routes à Divo
Selon les statistiques livrées par le commandant du Centre de protection civile (CPC), Ltd Atta Kobenan, sur 450 accidents enregistrés à Divo en 2022, l’on a relevé l’implication de motos et tricycles dans 400 de ces accidents.
Pour 2023, il y a eu au total 577 accidents de la circulation enregistrés par le CPC, avec une prise en charge de 1250 victimes, dont 32 décès, 60 à 80% de ces accidents sont le fait des motos et motocyclistes, dont nombreux parmi eux sont des adolescents sans permis de conduire.
« Que la peur du gendarme revienne sur nos routes. Il faut que nous ayons des actions fortes pour inspirer cette peur aux usagers de la route », a soutenu le directeur départemental du Transport de Divo, Jean Yves Messet au cours d’une rencontre sur la sécurité routière à la préfecture de Divo, au mois de janvier.
(AIP)
fmo
Un reportage de Jean-Marie KOFFI
Chef du bureau régional de Divo