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Abidjan, 25 sept 2025 (AIP)-Avec une population estimée à plus de 29 millions d’habitants, les Ivoiriens sollicitent quotidiennement l’administration pour obtenir des informations ou des documents officiels. Mais les usagers se heurtent souvent à des lenteurs, à un manque de clarté sur les procédures ou encore à l’absentéisme des agents. Pour corriger ces dysfonctionnements, le gouvernement a mis en place en 2017 l’Observatoire du service public (OSEP). Huit ans plus tard, qu’en est-il de son efficacité ?

Se rapprocher des citoyens

Pour faire face à ces nombreux dysfonctionnements, le gouvernement a installé en février 2018, l’Observatoire du service public (OSEP). Cet organisme a pour mission de recueillir les plaintes, les observations, les suggestions et les demandes d’informations des citoyens. Objectif : améliorer la qualité du service public offert par les administrations publiques ivoiriennes aux usagers. « C’est une première dans notre administration publique. En effet, la plupart des rapports publiés relevait que la question de la prise en charge des préoccupations des usagers n’était pas suffisamment traitée par les pouvoirs publics. En créant l’OSEP en 2017, le gouvernement marquait ainsi sa ferme volonté de s’ouvrir davantage aux préoccupations des usagers, de mettre l’accent sur leur satisfaction au cœur de ses priorités. Dès lors, l’usager devient un acteur clé qui participe au processus d’amélioration du service public », avait expliqué, Pascal Abinan Kouakou, alors ministre de la Modernisation de l’Administration et de l’innovation du service public.

Les usagers peuvent saisir l’OSEP via un call center, une plateforme en ligne ou sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram) ou les bornes tactiles dans ces différentes représentations. Pour se rapprocher des citoyens, plusieurs centres ont été ouverts à Abidjan et les 31 régions administratives du pays. A ce jour, on enregistre 33 cellules focales de proximité (CFP-OSEP) dont deux à Abidjan.

Cérémonie de remise de bornes tactiles, de lettre de mission aux préfets de régions et aux cellules focales de proximité de l’OSEP par la ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique, Anne Désirée Ouloto en compagnie du secrétaire permanent de l’OSEP,  Lucien Kouakou, le 03 avril 2023 à l’ENA.

Plaintes record en 2021

Entre 2018 et 2024, l’OSEP a enregistré près de 70000 requêtes des usagers du service public, avec plus de la moitié des cas seulement en 2021 (38518 requêtes, soit 55,29%). Il peut s’agir de demandes d’information, de suggestions, de réclamations ou de plaintes. Après son installation en 2018, l’OSEP a initié dès février 2019 une vaste campagne de sensibilisation auprès du public sur l’ensemble du territoire. Les populations ont donc commencé à saisir les différentes cellules de l’observatoire pour tenter de trouver des réponses aux problèmes qu’elles rencontrent dans l’accès aux services publics. Résultats : les plaintes des usagers ont connu une nette progression pour atteindre un pic en 2021 avec plus de 36000 plaintes, soit 94% des préoccupations enregistrées.

Au nombre des administrations ayant reçu le plus de plaintes, le ministère de la sécurité arrive en tête avec plus 13000 plaintes, suivi des ministères des Transports et de la Fonction publique.

A partir de 2022, on constate une chute drastique des plaintes. L’une des raisons, selon l’OSEP, est la délocalisation de son siège du Plateau (centre des affaires) à Cocody-Angré, rendant difficile l’accès à ses canaux de saisine (centre d’appel, portail en ligne, etc.). Mais la prise en compte des préoccupations des usagers pourrait également expliquer cette baisse. Comme le montre plusieurs témoignages.

L’OSEP, l’ultime recours 

Mariam Sanogo, 35 ans, a introduit en 2018 une demande à l’Office national de l’état civil et de l’identification de Côte d’Ivoire (ONECI) pour l’obtention de sa carte nationale d’identité. Ses nombreux déplacements à l’office au Plateau (plus de 15 au cours de la même année) n’ont rien changé. Une attente qui lui cause d’énormes préjudices : « N’ayant pas de pièce d’identité, je n’arrive à postuler aux concours de la fonction publique, je ne peux pas faire d’opération bancaire. Bref, je ne suis plus une citoyenne ivoirienne », déplore-t-elle.

 

C’est au comble du désespoir qu’une de ses amies l’informe de l’existence de l’OSEP. Elle saisit l’observatoire en 2022. Trois mois seulement après, elle a obtenu sa pièce d’identité, là où aucune issue ne se présentait depuis 4 ans. « Je n’y croyais plus et je me suis dit en même temps que je n’avais plus rien à perdre. Et aujourd’hui, grâce à l’OSEP, je suis détenteur d’une carte nationale d’identité. Mieux, je suis une citoyenne à part entière », se réjouit-elle.

Comme Mariam Sanogo, de nombreux citoyens ont eu recours à l’OSEP pour résoudre des difficultés rencontrées dans la délivrance de documents administratifs. Amara Tuo vit à Korhogo (dans le nord du pays) lorsqu’il perd son frère en 2013. Sa famille et lui achèvent les procédures administratives en juin 2015 afin de permettre aux ayants-droits de bénéficier du capital-décès. « Mais jusqu’en 2021, soit 6 ans après avoir déposé tous les dossiers à la Caisse générale de retraite des agents de l’Etat (CGRAE), aucun paiement n’a été effectué par ladite structure qui ne nous donnait aucun motif valable », relate-t-il.

Mais tout va changer très vite : « C’est à cette date que j’ai entendu parler de l’Observatoire du service public et j’y ai déposé une requête. L’OSEP à son tour a saisi la CGRAE et c’est son directeur régional qui m’a appelé. En moins de deux semaines, la famille a reçu totalement le capital-décès de notre frère défunt. L’action de l’OSEP a littéralement soulagé toute la famille et nous lui sommes véritablement reconnaissant », témoigne Amara Tuo. Qui invite les usagers en difficulté à ne pas hésiter à recourir à ce « formidable outil ».

Les labyrinthes de l’administration, Aisha Madoussou Koné les connais très bien. Elle crée l’Association pour la sensibilisation sur le développement rural et les énergies renouvelables (ASDERA) en 2016. Mais elle a dû attendre au moins 5 ans pour obtenir son agrément de fonctionnement. « Jusqu’en 2021, malgré toutes mes démarches, je n’arrivais toujours pas à obtenir mon agrément ministériel. J’ai dû saisir l’OSEP et c’est finalement la direction générale de l’administration du territoire (DGAT) qui m’a appelé deux semaines après pour que j’apporte des documents complémentaires. Et moins d’un mois plus tard, j’ai reçu finalement mon agrément », raconte-elle. Pour elle, le rôle de « médiation » de l’observatoire est très utile car cela « fait bouger les lignes » au niveau des administrations.

Un service public qui fait sa mue

Ce travail d’écoute et de recueil des préoccupations des usagers des services publics offre une bouée de sauvegarde à ceux qui n’avaient pas de réponses à leurs demandes et ne savaient pas à quel saint se vouer. Grâce à une communication trimestrielle sur les sollicitations des citoyens, le gouvernement a pris la pleine mesure de la situation et tente d’améliorer l’accès aux services publics. Depuis 2023, des instructions ont été données au ministre chargé de la Fonction Publique et à l’ensemble des ministres concernés à l’effet de prendre les mesures appropriées « pour généraliser la création de directions de la qualité dans toutes les administrations, en vue d’une gestion proactive des dysfonctionnements constatés, et d’accélérer le processus de simplification et de numérisation des procédures administratives, conformément aux recommandations de l’OSEP ».

Aujourd’hui, les administrations essaient d’améliorer leurs prestations pour offrir un meilleur service aux usagers. L’ONECI s’est par exemple dotée de bureaux à l’intérieur du pays pour rapprocher les populations des centres d’enrôlement et réduire le temps d’attente pour la délivrance de la carte nationale d’identité. Résultat : la CNI peut être délivrée aujourd’hui en 10 jours à peine. Au niveau du ministère de la Construction et de l’Urbanisme, l’Attestation de droit d’usage (ADU) a été instaurée pour faciliter et sécuriser l’acquisition de l’attestation de concession définitive (ACD) et mettre fin aux nombreux conflits fonciers.

En tout état de  cause, en aidant les populations à faire face aux nombreux dysfonctionnements dans l’accès aux services publics, l’OSEP a réussi à s’afficher comme l’interlocuteur direct des usagers. Ces résultats lui ont valu en 2021 le prix national d’excellence de l’administration publique la plus performante et la plus innovante. A travers les communications trimestrielles régulières du ministre de la fonction publique, il permet au gouvernement d’améliorer sa politique en faveur des populations. Toutefois, l’OSEP ne dispose pas de prérogatives de coercition ou de sanction à l’instar d’autres structures comme la CAIDP qui ont un pouvoir d’injonction et de sanction. Cela pourrait permettre à l’observatoire d’accroitre son impact sur l’amélioration des prestations et le rendement des services publics en côte d’ivoire.

(AIP)

Gnana Brou Louis

Coll/Hubert-Armand Assin

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