Abidjan, 02 oct 2025 (AIP) – La filière café-cacao, pilier central de l’économie ivoirienne, poursuit sa mutation sous l’effet des réformes conduites par le Gouvernement et mises en œuvre par le Conseil du café-cacao. L’annonce par le président de la République, Alassane Ouattara, mercredi 1er octobre 2025, du prix bord champ record – 2 800 FCFA le kilogramme pour le cacao et 1 700 FCFA pour le café – à l’ouverture officielle de la campagne principale 2025-2026, marque un tournant qui conforte les producteurs dans leur rôle moteur de l’économie nationale.
Des revenus en forte croissance, malgré les disparités
Selon le directeur général du Conseil du café-cacao, Koné Brahima Yves, ces prix records s’inscrivent dans une dynamique de consolidation des acquis. Les revenus cumulés des producteurs de café et de cacao se sont établis, au 30 juin 2025, à 2 967,272 milliards FCFA, en hausse de 70,75 % par rapport à l’exercice 2023-2024 qui avait généré 1 737,748 milliards FCFA.
Ce bond spectaculaire est principalement imputable au cacao, dont les revenus sont passés de 1 663,973 milliards FCFA entre octobre 2023 et juin 2024 à 2 930,024 milliards FCFA sur la même période en 2024-2025, soit une progression de 76,09 %. Le café, en revanche, a subi une contraction sévère : 37,248 milliards FCFA contre 73,775 milliards un an plus tôt, soit une baisse de 49,51 %, conséquence directe de la chute de la production.
Les prix bord champ garantis expliquent en grande partie cette évolution. Le cacao s’est négocié à 1 800 FCFA/kg lors de la campagne principale 2024-2025, en hausse de 80 % par rapport aux 1 000 FCFA/kg de 2023-2024, et à 2 200 FCFA/kg durant la campagne intermédiaire, soit une progression de 22,22 % par rapport à l’année précédente. Le café a connu également une revalorisation, passant de 900 FCFA/kg en 2023-2024 à 1 500 FCFA/kg en 2024-2025, soit une augmentation de 66,67 %.
Production : le cacao se redresse, le café décroche
Après une baisse brutale de 25,31 % en 2023-2024, qui avait ramené la production de cacao à 1,67 million de tonnes, la tendance s’est inversée en 2024-2025. Sur la période allant d’octobre 2024 à juin 2025, la production déclarée a atteint 1 578 743 tonnes contre 1 528 943 tonnes un an plus tôt, soit une hausse de 3,26 %. Les exportations suivent cette dynamique, avec 1 507 588 tonnes écoulées contre 1 488 741 tonnes en 2023-2024, soit une progression de 1,27 %.
Le café, à l’inverse, a subi une crise sévère. La production a chuté de 69,71 %, tombant de 81 972 tonnes à seulement 24 832 tonnes sur la même période, en raison de conditions climatiques défavorables en début d’année 2024. Les exportations ont été réduites de plus de moitié, passant de 56 515 tonnes en 2023-2024 à 24 657 tonnes en 2024-2025, soit une baisse de 56,37 %.
Transformation industrielle : un cap stratégique
La stratégie nationale vise à accroître la part de cacao transformée localement de 30 % en moyenne à plus de 50 % à long terme. Au 30 juin 2025, le taux de transformation s’élevait déjà à 39 %, correspondant à 536 017 tonnes de fèves transformées. L’entrée en activité du complexe industriel TRANSCAO PK 24 d’Akoupé-Zeudji, inauguré le 26 juin 2025 et doté d’une capacité de 50 000 tonnes, a permis de porter la capacité installée globale à environ 1 115 000 tonnes.
Pour le café, les capacités de torréfaction restent limitées, oscillant entre 7 000 et 19 000 tonnes, avec une moyenne annuelle de 14 000 tonnes. Durant la campagne 2024-2025, le volume transformé a atteint 11 164 tonnes, soit un taux de transformation de 66 %, chiffre artificiellement élevé en raison de la chute de la production.
Durabilité et investissements sociaux : un levier de modernisation
Le Conseil du café-cacao ancre désormais la filière dans une logique de durabilité articulée autour de trois piliers : une meilleure rémunération grâce à la traçabilité et à la norme ARS 1000, la préservation de l’environnement via l’agroforesterie et la lutte contre la déforestation, et enfin le respect des droits humains avec un accent sur l’élimination du travail des enfants.
Le Système national de traçabilité (SNT) illustre cette ambition: sur un million de cartes produites, 900 000 ont déjà été distribuées aux producteurs, et 1 000 coopératives ont été équipées et formées à l’achat digitalisé.
En parallèle, le Fonds d’investissement en milieu rural (FIMR) a, entre 2012 et 2025, financé la réhabilitation de 10 949 km de pistes agricoles, distribué 279 000 kits scolaires, 28 000 tenues scolaires et 35 000 tables-bancs, construit 395 classes et 354 logements de maîtres, installé 1 896 pompes hydrauliques et 160 stations solaires, remis 194 ambulances et électrifié 33 villages et cinq centres de santé. Ces investissements traduisent l’engagement de l’État en faveur du développement local et de l’amélioration des conditions de vie des communautés productrices.
Jeunesse et avenir de la filière
Le recensement des producteurs (RPCCV 2021) révèle un vieillissement préoccupant de la population paysanne, avec un âge moyen de 44 ans. Les jeunes de 18 à 35 ans ne représentent que 15,37 % des producteurs et exploitent 12,71 % des superficies. La participation féminine reste faible, avec seulement 5 % de femmes.
Le niveau d’éducation constitue un autre défi: plus de 61 % des jeunes producteurs n’ont aucun niveau scolaire, 1 % seulement ont accédé au supérieur, et le reste se situe entre primaire et secondaire. L’inclusion financière reste limitée : 55,5 % des jeunes n’utilisent pas les services financiers formels, seuls 0,49 % recourent aux banques, 0,33 % à la microfinance, mais 38,68 % utilisent déjà le mobile money.
Pour Koné Brahima Yves, l’avenir de la filière dépendra de la capacité à attirer et à former une nouvelle génération d’agriculteurs. « La jeunesse constitue la clé de la durabilité et de la compétitivité future de notre cacao. Il faut transformer cette faiblesse en opportunité en créant un environnement favorable à leur insertion », a-t-il insisté.
Leader mondial du cacao, la Côte d’Ivoire ambitionne désormais de consolider son rang en alliant productivité, valeur ajoutée et durabilité. Les réformes menées par le Conseil du café-cacao, renforcées par l’annonce présidentielle des prix record, traduisent la volonté nationale de bâtir une filière moderne, équitable et respectueuse des standards internationaux, au service d’une prospérité partagée.
(AIP)
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