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Abengourou, 09 juil 2025 (AIP)-Situé à environ 60 kilomètres sur l’axe Abengourou-Bettié, dans la région de l’Indénié-Djuablin, le village d’Apprompron Afêwa, peuplé de plus de 10 000 âmes, est un véritable carrefour agricole. Riche d’un sol fertile et d’une population résolument engagée dans l’agriculture, ce bourg puise sa force dans l’action collective, notamment à travers la coopérative COOPAYAAF, pilier incontournable de son développement local.

Pourtant, malgré son dynamisme et son fort potentiel agricole, Apprompron Afêwa fait face à une série de défis majeurs qui entravent son développement. Parmi les plus préoccupants figurent la pénurie chronique d’eau potable, l’accès limité et instable à l’électricité, la dégradation avancée des routes rurales, les effets de plus en plus visibles du changement climatique, ainsi que la progression alarmante de l’orpaillage clandestin qui freinent ces efforts de modernisation du village.

Une coopérative, moteur de progrès local

La Coopérative agricole de café-cacao d’Apprompron Afêwa (COOPAYAAF) ne cesse d’insuffler un vent d’espoir dans ce village rural. Sous l’impulsion de ses membres, elle a réalisé de nombreuses infrastructures communautaires essentielles.

« La COOPAYAAF a construit un centre de santé. L’établissement sanitaire reste sous-équipé et peine à répondre aux besoins croissants d’une population en constante augmentation. Elle a aussi réhabilité l’école primaire 1, construit une cantine scolaire de 300 places ainsi qu’un préau pour la vaccination au dispensaire », énumère fièrement Kacou Serge, témoignant de l’impact tangible de la structure sur la vie quotidienne des habitants.

Dans un élan d’innovation économique, la coopérative a également mis en service une boulangerie moderne, une usine de transformation de manioc et un pont hévéa, construit conformément aux recommandations du Conseil hévéa-palmier à huile. Un collège est actuellement en construction grâce au soutien du conseil régional, l’établissement pourrait ouvrir ses portes dès la rentrée scolaire 2025-2026.

L’eau potable, une ressource toujours inaccessible

Malgré ces efforts louables, le manque cruel d’eau potable demeure un frein majeur au bien-être des habitants. Le château d’eau, censé desservir le village, est toujours inachevé. En conséquence, la population dépend principalement de forages privés, souvent coûteux et insuffisants.

« Le manque d’eau est criant. Nos femmes souffrent. Nous dépendons de quelques forages privés », déplore Nanan N’Drama Ernest, porte-canne du village.

« Il faut tout le temps aller chercher de l’eau loin, c’est pénible pour nous », renchérit Adou Kouassi Boussou Monique, fille du village.

Face à cette pénurie persistante, la voix des femmes s’élève pour demander l’intervention de la Société de distribution d’eau en Côte d’Ivoire (SODECI), afin d’assurer une distribution équitable et continue de l’eau potable.

Le porte-canne du village d’Apprompron Afêwa, N’Draman Ernest

Une électrification incomplète et anarchique

Sur le plan énergétique, la situation est également préoccupante. Bien que le village soit partiellement électrifié, l’extension du réseau ne suit pas la croissance démographique et l’expansion du village.

« Certains habitants tirent des fils sur plus de 600 mètres pour avoir la lumière », explique le trésorier de COOPAYAAF. Yacouba Traoré.

Les coupures fréquentes, parfois durant trois jours d’affilée, et la baisse de tension récurrente, compliquent davantage la vie quotidienne. Pour Kadio Pascal, ces installations incomplètes et précaires font que le villageest  à moitié plongé dans l’obscurité.

Le président Koffi N’Gruman Guillaume en appelle au gouvernement pour une électrification complète.

L’orpaillage clandestin, une menace pour la survie agricole

Le danger le plus immédiat reste l’orpaillage clandestin qui s’étend à grande vitesse. Cette activité illicite provoque une pollution des cours d’eau, une déforestation massive et une disparition progressive des terres agricoles.

« Il n’y a plus de terrain pour cultiver le maïs ou le riz. Nos bas-fonds sont détruits par l’orpaillage », s’alarme Moussa Koné, riziculteur.

L’une des unités de transformation du manioc en farine de qualité installé dans l’usine

Ce phénomène détourne également les jeunes de l’agriculture, entraînant une crise de main-d’œuvre dans les plantations de cacao, d’hévéa et d’autres cultures vivrières.

« Aujourd’hui, un planteur avec plus de trois hectares ne trouve personne pour nettoyer ou récolter son champ », témoigne Amoikon Basile, producteur de cacao.

« Nos terres doivent nourrir, pas être saccagées », affirme fermement Koffi N’Gruman, qui invite à une sensibilisation face au « fléau destructeur de terre et de forêt ».

La menace est écologique, économique et pour la sécurité alimentaire, fait remarquer Konan Martial. L’instituteur de 43 ans a souligné que le maïs et le riz autrefois cultivés en abondance dans le village ont disparu.

L’agroforesterie : une alternative verte face au changement climatique

Face à la dégradation des sols et aux aléas climatiques de plus en plus intenses la chaleur et pluies irrégulières, entrainant baisse de la production agricole, érosion des sols et la fragilisation des moyens de subsistance, des familles COOPAYAAF misent sur une agroforesterie, « la solution verte », promue à travers un pacte paysan-environnement.

Ce programme vise à reboiser, à planter des arbres d’ombrage à côté des vergers de cacao et à restaurer les écosystèmes locaux. La stratégie est d’atténuer les effets des sécheresses et inondations de plus en plus fréquentes et de préserver la biodiversité agricole au profit du producteur.

Des routes rurales délaissées, un désenclavement attendu

L’état déplorable des routes rurales isole le village. Les pistes rurales sont oubliées ou mal entretenues et, impraticables en saison des pluies, entravant ainsi l’accès aux services de base, la mobilité des personnes, et surtout l’écoulement des produits agricoles vers les marchés.

Le village d’Appromprom Afewa

« La route, c’est notre calvaire », confie le porte-canne du village.

« En ce moment meme, à Bokakokoré, l’eau passe sur le pont du fleuve Manzan, coupant totalement l’accès », déplore N’Draman Sanh, consultant agricole.

« Nous plaidons pour un reprofilage lourd, en attendant un bitumage complet de l’axe Abengourou-Bettié, pour un désenclavement total du village et la relance de l’économique locale.

Commune ou sous-Préfecture : un plaidoyer pour le développement d’Apprompon Afêwa

À Apprompon Afêwa, les voix s’élèvent de plus en plus pour réclamer un nouveau statut administratif à la hauteur de l’évolution du village. Pour Séraphin Koualé, le temps est venu d’ériger Apprompon Afêwa en commune ou en chef-lieu de sous-préfecture

« Nous, populations, pensons que notre village a atteint une taille importante L’idéal pour nous, c’est la communalisation, parce que c’est la commune qui pourrait véritablement impulser le développement d’Apprompon Afêwa et des villages environnants », affirme le porte-canne du village Nanan N’Drama Ernest,

Un point de vue partagé par le PCA Koffi N’Gruman. « On a l’impression que sans sous-préfecture, il ne peut pas y avoir de commune. C’est pourquoi nous envisageons la création d’une sous-préfecture comme une étape, une porte d’entrée. Mais, pour nous, la vraie priorité reste la commune », précise M. Koffi. Cela, poursuit-il permettrait au village de disposer d’une meilleure autonomie et de ressources propres pour son essor.

(AIP)

nam/fmo

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