Abidjan, 13 oct 2025 (AIP)- À l’approche de l’élection présidentielle du samedi 25 octobre 2025, la Côte d’Ivoire entre dans une période décisive. Si les états-majors politiques affûtent leurs armes, une partie de la jeunesse, pourtant majoritaire dans la population, semble en retrait. Entre désintérêt, peur, volonté de changement et résignation, les jeunes ivoiriens ne parlent pas d’une seule voix. Portraits croisés.
Désintérêt ou simple lassitude ?
Pour certains jeunes, la politique reste un sujet lointain, voire irritant. C’est le cas d’Adama Comoé, stagiaire en informatique dans une mutuelle à Abidjan.
« La présidentielle ne m’intéresse pas du tout. Je n’ai jamais aimé ce sujet », tranche-t-il, la voix couverte par la pluie battante au Plateau.
« La politique, c’est trop brouillon », ajoute-t-il en se frottant machinalement l’œil droit, un tic révélateur de son agacement.
Adama affirme s’informer exclusivement via les réseaux sociaux, mais rejette toute forme d’engagement politique. « La violence ne m’intéresse pas », conclut-il, catégorique.
Engagés pour un changement
À l’opposé, d’autres jeunes voient dans ce scrutin un levier d’influence citoyenne. Evariste Kouadio, économiste de 27 ans, refuse de rester en marge. « Il est essentiel de s’intéresser à la présidentielle, car le président ne gouverne pas pour une seule personne », affirme-t-il calmement.
Conscient du déficit d’information qui touche une frange importante de la jeunesse, il déplore une communication gouvernementale insuffisante. « Beaucoup de réalités liées à la gouvernance sont occultées. Les jeunes ignorent ces enjeux parce que l’information ne leur parvient pas ».
Même constat chez Francis Niagne, analyste programmeur de 33 ans. « On entend beaucoup de bruit, mais on espère que cette élection apportera un souffle nouveau », a-t-il exprimé.
Malgré des réserves, Francis se montre tout de même optimiste. « Si je suis disponible, je voterai. Mais ceux qui n’ont pas tiré les leçons de 2010-2011 pourraient chercher à reproduire les mêmes erreurs », a-t-il spécifié.
La peur comme frein à l’engagement
La peur reste vivace chez certains jeunes. Elle freine l’engagement, voire l’envie de voter. Hervé (prénom d’emprunt), métis d’une trentaine d’années, confie craindre pour son intégrité physique s’il s’investissait en politique, surtout en période électorale.
Même prudence du côté d’Anicet Kouassi, pompiste de 40 ans. « Oui, je compte voter pour un avenir meilleur. C’est notre devoir. Mais on se méfie. On se souvient trop bien de 2010… », a-t-il soutenu.
Selon d’Anicet Kouassi, la peur persiste, bien que tempérée. « On a un peu peur, mais ça va. Je me contente de voter. Le reste, ça ne m’intéresse pas », a-t-il ajouté.
Un avenir politique incertain, mais des perspectives législatives
Evariste Kouadio, tout en s’engageant pour la présidentielle, se projette déjà vers les législatives. Il compte s’inscrire sur les listes électorales pour y participer, même s’il doute de l’impact direct de la présidentielle sur ce scrutin.
L’un des visages marquants de la jeunesse engagée, Jean-François Kouassi, alias « JFK », sociologue et autoproclamé « candidat des jeunes », a vu sa candidature rejetée par le Conseil constitutionnel, faute d’avoir atteint l’âge minimum requis (35 ans).
Analyse d’un politologue
Pour Dr. Armand Yao, politologue et enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, la situation actuelle est le reflet d’un déséquilibre structurel dans l’espace politique ivoirien.
« La jeunesse représente plus de 70 % de la population, mais elle est peu représentée dans les sphères décisionnelles. L’absence d’alternatives crédibles ou de renouvellement générationnel alimente le désintérêt », a affirmé Dr Yao.
Selon lui, une pédagogie politique adaptée est nécessaire. « Si les partis veulent vraiment mobiliser la jeunesse, il faut sortir du discours paternaliste et instaurer une communication bidirectionnelle, transparente et inclusive », a-t-il recommandé.
Entre espoir, crainte et indifférence, la jeunesse ivoirienne reste tiraillée à l’approche de la présidentielle 2025. Alors que certains voient dans le vote un acte civique majeur, d’autres préfèrent s’en tenir à l’écart, désabusés ou méfiants. Dans ce contexte, le scrutin du samedi 25 octobre s’annonce crucial, non seulement pour désigner un nouveau président, mais aussi pour redéfinir la place des jeunes dans la vie politique nationale.
(AIP)
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