Gboguhé (Daloa), 21 sept 2025 (AIP)- Dans le village de Batéguédea 2, localité de la sous-préfecture de Gboguhé, département de Daloa, l’installation d’une cantine moderne, fruit d’une synergie d’acteurs du développement, a permis d’inverser une tendance alarmante : de nombreux enfants abandonnaient l’école pour travailler dans les plantations de cacao. Grâce à la cantine, qui assure chaque jour un repas équilibré, la fréquentation scolaire a fortement progressé.
L’expérience de Batéguédea 2 illustre le rôle stratégique de l’alimentation scolaire dans la lutte contre le travail des enfants. Ainsi, une quarantaine d’enfants identifiés comme exerçant des travaux dangereux ont été réintégrés dans le système éducatif au cours des deux dernières années dans la localité de Gboguhé.
Cet acquis démontre que la cantine scolaire n’est pas seulement un outil de nutrition, mais également une politique de protection de l’enfant et de renforcement du capital humain. L’expérience de Batéguédea 2, en conjuguant l’action de l’État, des coopératives et des communautés, constitue un modèle reproductible dans d’autres zones rurales confrontées aux mêmes défis.
Un village rural sans cantine scolaire, la cause d’un fort taux d’abandon à l’école
Le village Batéguédéa 2 est situé dans la sous-préfecture de Gboguhé, dans la région du Haut-Sassandra (département de Daloa). Implanté sur l’axe Man-Daloa, à 23 kilomètres de Daloa, il faut parcourir environ six kilomètres de piste pour y accéder.
Composé d’une cinquantaine de campements et d’environ 1 500 habitants, ce village a longtemps été confronté à un problème d’abandon scolaire, compromettant l’avenir de nombreux enfants. Chaque année, des dizaines d’élèves y quittent prématurément l’école.
En 2021-2022, sur les 297 élèves inscrits à l’École primaire publique (EPP) de Batéguédéa 2, 57 ont abandonné les cours. En 2022-2023, ce sont 58 et de 2023 à 2024, ce sont 11 élèves qui ont quitté l’école pour un effectif scolaire avoisinant 200 élèves. Pour le directeur de l’école, Dianka Ruffin, la construction de cette cantine durant l’année scolaire 2024-2005, a beaucoup contribué au maintien des élèves dans les classes.
Selon M. Dianka et des acteurs locaux de l’éducation dans cette localité, l’abandon des classes était en grande partie lié à l’absence de cantine scolaire, obligeant les enfants à parcourir entre 5 et 15 kilomètres aller-retour pour rentrer chez eux à midi afin de se restaurer, un parcours à la fois épuisant et démotivant.
« La plupart de nos enfants vont loin, dans les campements. Ils parcourent quatre, cinq, et même plus de six kilomètres à pied pour se rendre en classe, c’est vraiment éloigné. Donc à midi, il faut que les enfants retournent à la maison pour aller manger. Cette situation, nous l’avons vécu au quotidien. Elle a fait baisser le taux de fréquentation », a-t-il expliqué.
Quand les enfants abandonnent l’école en raison de la distance souvent importante entre leur domicile et l’établissement, ils retournent aider leurs parents dans les travaux agricoles, notamment dans la culture du cacao, qui est prédominante dans la région. Ce phénomène, qui constitue un frein à la scolarisation, a contribué à renforcer le travail des enfants dans l’agriculture, a-t-il soutenu.
Une ancienne cantine construite en 2000 n’est jamais entrée en service, car ne répondant pas aux normes de construction exigées par le ministère de l’Éducation nationale.
Déterminés à changer les choses, les autorités locales, le chef du village, les parents d’élèves et les jeunes, comme un seul homme, se sont mobilisés dès 2022 pour solliciter l’appui de partenaires en vue de la construction d’une cantine, cette infrastructure déterminante pour le maintien des enfants à l’école.
« Pour l’année scolaire 2023-2024, nous avons émis le besoin d’avoir une cantine en raison de l’abandon récurrent des cours par les élèves », soulignait encore Dianka Ruffin, qui insiste sur l’importance de ce projet pour la survie scolaire des enfants.
Ce plaidoyer a porté ses fruits auprès de l’Entreprise coopérative des jeunes agriculteurs de Daloa (ECOJAD), située à l’ancien corridor sur la route d’Issia.
Inauguration d’une cantine scolaire moderne à Batéguédéa 2: la coopérative ECOJAD offre un nouvel espoir à l’école primaire
Le 23 janvier, l’École primaire publique (EPP) de Batéguédéa 2 a inauguré une cantine scolaire moderne, réalisée grâce au soutien de la coopérative ECOJAD. La cérémonie a réuni les autorités éducatives locales, des chefs communautaires et des représentants de la coopérative.

La nouvelle cantine, d’une capacité de 300 places, comprend un réfectoire spacieux, une cuisine équipée, un magasin de stockage et un préau, offrant un cadre adapté pour la restauration des élèves. ECOJAD a également fourni un approvisionnement en vivres pour une année, comprenant plus de 15 sacs de riz, des pâtes alimentaires, un congélateur, ainsi que 300 couverts et bancs. Cet appui a permis le fonctionnement de la cantine dès février 2025.

« C’est une bouffée d’oxygène pour nous. Merci à la coopérative ECOJAD qui nous a déjà beaucoup aidés. En 2020, nous avons bénéficié d’un forage avec 10 robinets, de six latrines pour les élèves et deux pour les enseignants. Aujourd’hui, nous avons une cantine fonctionnelle », s’est réjoui le directeur de l’EPP Batéguédéa 2, Dianka Ruffin.
Cette réalisation a été rendue possible grâce à l’implication d’un parent d’élève, Zationo Nazario, délégué de la coopérative ECOJAD, engagé pour l’éducation dans son village natal.
« Cette inauguration est un signe fort dans la lutte contre l’abandon scolaire à Batéguédéa 2. La cantine permet de retenir les enfants à l’école en leur garantissant une restauration adaptée, tout en libérant les parents qui peuvent se consacrer à leurs activités agricoles », a souligné le directeur général de la coopérative, Fofana Adama.
ECOJAD ne limite pas ses actions à Batéguédéa 2. Consciente que la faim et la pauvreté favorisent l’abandon scolaire, elle a construit six cantines scolaires dans la région de Daloa. Chaque cantine est entièrement équipée et reçoit un stock de vivres pour une année.
« Ces cantines favorisent les inscriptions scolaires, y compris le retour volontaire d’enfants déscolarisés », a précisé M. Fofana.
Le parent d’élève Zationo Nazario a relevé l’appui de la coopérative et du conseil café-cacao.
« Grâce à la coopérative, nous avons obtenu un magasin de stockage, des latrines, un petit château d’eau, une cantine et l’accès à l’eau potable. Le Conseil du café-cacao a aussi apporté son appui », a-t-il ajouté.
Le président du conseil de gestion de l’école, Kipré Anderson, a, quant a lui, exprimé sa gratitude à l’egard des partenaires, surtout la coopérative qui a fait beaucoup pour l’école et les enfants de la communauté.
Pour le conseiller cantines scolaires à l’Inspection de l’enseignement primaire public (IEPP) de Gboguhé, Bamba Bakary, cette initiative est capitale.
« Quand il n’y a pas de cantine, les enfants qui rentrent à midi ne reviennent pas et finissent dans les travaux champêtres. La cantine contribue donc directement au maintien des élèves à l’école », soutient-il.
Selon l’inspecteur Fofana Lanciné, l’IEPP de Gboguhé compte actuellement 52 écoles, dont 19 dotées de cantines autorisées et quatre classes passerelles avec cantines.
Le soutien d’ECOJAD ne s’arrête pas là. Suite à un concours remporté par les élèves, la coopérative a également offert un tricycle ambulancier pour faciliter l’évacuation sanitaire des enfants et des parents d’élèves vers les structures hospitalières.
ECOJAD, un acteur engagé dans la lutte contre le travail des enfants et du soutien scolaire à Daloa
L’Entreprise coopérative des jeunes agriculteurs de Daloa (ECOJAD) s’illustre dans la lutte contre le travail des enfants dans les plantations de cacao, tout en favorisant la scolarisation et l’insertion professionnelle des jeunes.

Créée en 2005, ECOJAD regroupe aujourd’hui plus de 3 300 producteurs, dont 220 femmes, et intervient dans plusieurs sous-préfectures de la région, notamment à Gboguhé.
D’octobre 2024 à mai 2025, la localité de Gboguhé a produit 519 tonnes de cacao, contre près de 700 tonnes lors de la campagne précédente. L’on constate une baisse significative du volume, due principalement au changement climatique et à l’attaque de nombreuses parcelles par le swollen shoot (maladie du cacao). Cette situation oblige les producteurs à arracher les pieds infectés afin d’éviter la contamination du reste de la plantation.
Selon l’adjoint Durabilité au sein de la coopérative, Kouassi Kobenan Henri Joël, deux causes majeures de cette diminution sont, d’une part, le changement climatique qui réduit drastiquement les précipitations ou entraîne un dérèglement du calendrier agricole, et d’autre part, la propagation du swollen shoot.
Toutefois la démarche de cette coopérative va bien au-delà de la production agricole. La coopérative est profondément engagée dans la promotion d’un cacao durable en œuvrant pour le bien-être des producteurs et de leurs familles, le respect des droits humains et de l’environnement, a indiqué le directeur général de la coopérative ECOJAD, Fofana Adama.
« Notre coopérative a quatre grands objectifs notamment promouvoir un cacao durable, améliorer les conditions de vie de nos membres, lutter contre le travail des enfants dans les plantations, et soutenir la scolarisation des enfants en zone rurale », a précisé M. Fofana.
Dans ce cadre, La coopérative s’appuie sur trois catégories d’agents de proximité. Les relais communautaires sont chargés de la sensibilisation, du suivi et de la remédiation en matière de travail des enfants. Les coachs agricoles, eux, analysent les parcelles et prescrivent des recommandations destinées à améliorer les rendements. Enfin, les brigades veillent à l’application de ces recommandations sur le terrain.

Les relais communautaires sensibilisent les membres sur les dangers et l’illégalité du travail des enfants, identifient les cas exposés à des travaux dangereux (débroussaillage, port de charges lourdes, manipulation de machettes ou de pesticides, défrichage, abattage d’arbres, conduite de motos, etc.) et accompagnent les familles concernées.
« Nous sensibilisons les élèves pour qu’ils transmettent le message à leurs parents. Nous allons à leur rencontre pour leur expliquer que la place de l’enfant est à l’école et non dans les plantations », a raconté Zaritionon Tindio Konaté, relais communautaire. Les alertes répétées sur l’abandon scolaire ont conduit à des actions concrètes.
« Nos rapports signalaient l’absence de cantine et le découragement des enfants, qui arrivaient à midi sans rien à manger. Beaucoup abandonnaient l’école. Grâce à l’implication du président de section, M. Zartionon, ces préoccupations ont été relayées au sein de la coopérative », a-t-elle poursuivi.
Le résultat est visible. « Une classe passerelle a été mise en place dans le cadre du programme ‘École pour tous’. Nous avons même retrouvé des enfants ayant abandonné l’école pour les sensibiliser à nouveau. Aujourd’hui, ces enfants ont repris le chemin de l’école. L’effectif scolaire a nettement augmenté, notamment grâce à la cantine et à l’accès à l’eau potable. »
Depuis 2017, ECOJAD a mis en place le Système de suivi et de remédiation du travail des enfants (SSRTE), comptant 20 agents permanents couvrant 114 communautés regroupées en 17 sections. Relais communautaires, coaches agricoles et brigades de manœuvre travaillent ensemble pour détecter, retirer et réinsérer les enfants exposés à des travaux dangereux.
« À partir de 5 ans, l’enfant est interrogé avec l’accord des parents sur les activités qu’il pratique. En cas de travaux dangereux, une fiche de captage est remplie et des solutions sont recherchées pour éviter son retour au champ », a soutenu l’agent relais communautaire, Sitionlon Gboritchia Aïcha.
Ainsi, depuis 2017, environ 300 enfants ont été retirés du travail dangereux. Certains sont réinsérés dans le système scolaire, d’autres orientés vers la formation professionnelle. Sur les deux dernières années, 46 enfants ont été réintégrés dans des parcours scolaires. selon le directeur général d’ECOJAD, Fofana Adama.
La coopérative finance la scolarisation ou la formation pendant deux ans : frais d’inscription, fournitures scolaires, vélo pour les déplacements, matériel et équipement pour les apprentis, ainsi qu’une ration alimentaire quotidienne pendant la formation.
« Quand nous les retirons du travail champêtre, nous demandons d’abord à l’enfant (avec l’accord du parent) s’il souhaite retourner à l’école ou apprendre un métier s’il a au moins 14 ans », a expliqué Yao Kouassi Guillaume, agent de suivi et de remédiation. Afin d’assurer une prise en charge durable, la coopérative finance la scolarisation ou la formation pendant deux ans notamment les frais d’inscription dans des établissements privés, les fournitures scolaires, un vélo pour les enfants qui doivent parcourir 4–5 km, ou bien l’achat du matériel et l’équipement (machines à coudre, outillage de mécanicien, etc.) pour les apprentis. Pendant la formation professionnelle, la coopérative prend en charge les maîtres-artisans et verse une ration alimentaire quotidienne (500 FCFA) aux stagiaires. Ce sont 46 enfants qui ont bénéficié de scolarisation durant ces deux dernières années.
La coopérative utilise également une application de suivi — chaque enfant capté est suivi tous les trois mois pendant au moins six mois (trois visites de contrôle) et reste sous observation tant que nécessaire. Si l’enfant reprend des activités dangereuses, il réintègre le dispositif de remédiation.

Elle intervient en outre pour compenser la main-d’œuvre manquante.
« Quand un enfant est retiré, la brigade remplace la main-d’œuvre. La coopérative paie la moitié, le producteur l’autre moitié. Quel parent ne voudrait pas voir son enfant aller à l’école ou apprendre un métier ! », a souligné l’adjoint durabilité, Kouassi Kobenan Henri Joël.
Synergie État–coopératives–partenaires : un modèle intégré de lutte contre le travail des enfants
Batéguédéa 2, longtemps confronté à l’abandon scolaire, est aujourd’hui au cœur d’une dynamique de protection de l’enfant portée par une coopération étroite entre l’État, les coopératives, les ONG et les partenaires internationaux.
Ayant mis en place un Système de suivi et de remédiation du travail des enfants (SSRTE), ECOJAD collabore directement avec la sous-préfecture, le centre social et l’Inspection primaire publique de Gboguhé, tous, membres du comité local du Système d’observation et de suivi du travail des enfants en Côte d’Ivoire (SOSTECI), créé par décret en janvier 2020. Ce mécanisme national assure la veille, l’alerte précoce et l’orientation des cas vers les structures compétentes.
« Avant, plusieurs ONG intervenaient de manière dispersée. Le gouvernement a voulu harmoniser les initiatives avec le SOSTECI, en mettant en place des comités locaux de protection de l’enfance (CLPE)) dans les sous-préfectures et villages », a expliqué le sous-préfet de Gboguhé, Jean-Paul Akou, qui préside le CLPE de la localité.

Il a salué l’engagement des coopératives et ONG à Gboguhé, dans la mise en place de cantines scolaires et l’appui logistique.
Concrètement, cette collaboration prend la forme de réunions mensuelles avec le sous-préfet de Gboguhé pour dresser un état des lieux, partager les cas identifiés et coordonner les réponses adaptées : réinsertion scolaire, prise en charge sociale, voire mesures judiciaires. Les cas graves (pires formes de travail, mariages forcés, exploitation) sont directement orientés vers les centres sociaux et le Service de la protection de la jeunesse (SPJ), en lien avec le comité local du SOSTECI. Cette approche « public-privé » répond aux recommandations nationales visant à relier les systèmes de surveillance des coopératives aux comités SOSTECI déployés sur le terrain.
Les enfants identifiés dans les plantations bénéficient d’une prise en charge individualisée. Avec le CLPE, ces enfants bénéficient d’une réponse coordonnée, notamment la réinsertion scolaire, l’orientation vers des classes passerelles ou vers la formation professionnelle.
Au niveau d’ECOJAD, certains sont réinsérés dans le système scolaire, d’autres sont orientés vers la formation professionnelle. Dans les deux cas, ECOJAD finance les frais de scolarité ou d’apprentissage, fournit le matériel nécessaire et assure une ration alimentaire quotidienne pendant deux ans.
« Si l’enfant n’a pas à manger à midi, il se désintéresse de l’école et retourne au champ », a souligné l’agent de suivi et de remédiation, Yao Kouassi Guillaume.
Cette prise en charge intégrée, associée au suivi régulier des agents communautaires et aux structures étatiques, garantit une réinsertion durable.
Cette synergie a permis à plusieurs dizaines d’enfants de Batéguédéa 2 et des villages voisins de quitter les plantations pour reprendre le chemin de l’école.
« Grâce à ECOJAD, j’ai reçu cette année une brouillette et des cahiers pour ma fille. Cela m’a beaucoup aidé, car je n’ai pas eu à débourser d’argent. Ma fille va à l’école régulièrement », témoigne Yavo Korbia, planteur de cacao et de café à Batéguédea.
Au-delà de l’action locale, la coopérative bénéficie du soutien de partenaires internationaux grâce à des certifications (Rainforest Alliance, Fairtrade, Bio) et au partenariat avec la Fondation Tony’s Chocolonely.
« Ces certifications nous permettent de recevoir régulièrement des primes, soit tous les trois mois, soit tous les six mois, en fonction des programmes », précise l’adjoint durabilité d’ECOJAD, Kouassi Kobenan Henri Joël. Ces fonds financent des projets communautaires, le suivi des enfants et le soutien direct aux producteurs, notamment pour remplacer la main-d’œuvre des enfants retirés des champs.
La Fondation Tony’s Chocolonely verse en outre une prime de revenu vital, anciennement appelée prime additionnelle, destinée à améliorer les conditions de vie des familles et à renforcer les actions de protection des enfants.
« Ceux qui laissent encore leurs enfants travailler dans les champs doivent comprendre que ce n’est plus possible. L’école est essentielle. Si tu ne sais ni lire, ni écrire, c’est difficile de vivre », insiste le planteur Yavo Korbia.
Ainsi depuis sa création, ECOJAD a financé 36 projets communautaires, parmi lesquels : la construction d’une école à Bandiahi, la réhabilitation de l’école primaire de Ziguedia, l’équipement de salles de classe en tables-bancs, la réalisation de forages motorisés et de pompes villageoises, la construction d’un logement pour enseignant, ainsi que la mise en place de six cantines scolaires à Bateguedea, Gboprouya, Luenoufla, Woroyiri, Ziguedia et Zahia.

Pour le sous-préfet Jean-Paul Akou, ces initiatives constituent un modèle reproductible.
« Le gouvernement fait des efforts constants pour améliorer les conditions de vie. Mais la contribution de chacun est indispensable. Si chaque acteur joue sa partition, nous pourrons bâtir ensemble un système éducatif de qualité et protéger nos enfants », a-t-il soutenu. Cette implication des partenaires locaux et des acteurs éducatifs s’inscrit pleinement dans la vision du gouvernement.
Le gouvernement invite à la mobilisation pour un approvisionnement durable des cantines scolaires

La Côte d’Ivoire a célébré le 24 avril, à Abidjan-Plateau, la 10e édition de la Journée africaine de l’alimentation scolaire (JAAS), l’occasion pour le gouvernement et ses partenaires de lancer un plaidoyer en faveur d’un approvisionnement durable des cantines scolaires, outil indispensable de lutte contre l’abandon scolaire et le travail des enfants.
De 277 cantines scolaires en 1989, le pays en compte aujourd’hui 5 602. Pourtant, seules 36 % des écoles primaires publiques disposent d’une cantine, a relevé le directeur des cantines scolaires, Jérôme Kobon Ayékoé. Il a indiqué que dans les établissements appuyés par l’État, moins de la moitié des élèves (47,33 %) bénéficient d’un repas quotidien, contre 93 % dans les écoles soutenues par le Programme alimentaire mondial (PAM). Le budget national, limité, ne couvre en moyenne que 26 jours de repas sur les 120 prévus, laissant un déficit de 94 jours.
Face à ce constat, la ministre de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation, Mariatou Koné, par la voix de sa représentante, Sepou Kakou, a exhorté les collectivités décentralisées, le secteur privé et les partenaires techniques à renforcer leur engagement.
« Investir dans l’alimentation scolaire, c’est bâtir un avenir prospère où chaque enfant a accès à une alimentation saine et nutritive », a-t-elle déclaré.
Le président du Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC), Dr Aka Aouélé, a plaidé pour « un modèle de cantine durable alliant nutrition, citoyenneté alimentaire et protection de l’environnement », appelant à relier les cantines aux producteurs locaux, notamment les femmes et les jeunes.
Les autorités visent d’ici à 2030 une couverture d’au moins 80 jours de repas pour 60 % des élèves, à travers la réhabilitation des cantines, la promotion des circuits courts et la digitalisation de la chaîne d’approvisionnement.
L’expérience de la cantine scolaire de Batéguédea 2 illustre ainsi le rôle quoi que important de l’alimentation scolaire dans la lutte contre le travail des enfants. Avant son installation, de nombreux élèves abandonnaient les cours faute de repas, préférant rejoindre leurs parents dans les plantations de cacao. Depuis la mise en place de la cantine, avec l’appui des autorités locales et des partenaires dont ECOJAD, la fréquentation scolaire a nettement augmenté. Par les actions communes des partenaires locaux et des acteurs éducatifs, plusieurs enfants identifiés comme en situation de travail dangereux à Daloa, ont pu être réintégrés dans le système éducatif. Cet exemple démontre que la cantine scolaire n’est pas seulement un service de nutrition, mais un outil de protection de l’enfant et de réduction du travail infantile, à la fois en offrant un repas quotidien et en renforçant le lien entre école, famille et communauté.
Encadré 1
ECOJAD plaide pour un appui accru de l’État face aux défis du travail des enfants à Daloa
Engagée dans la lutte contre le travail des enfants, ECOJAD multiplie les actions sociales mais appelle à un soutien renforcé de l’État pour relever des défis persistants.
Active dans 114 communautés réparties sur les sous-préfectures de Gboguhé, Gadouan et Bédiala, la coopérative a permis la réinsertion scolaire et professionnelle de nombreux enfants grâce à la prise en charge des frais de scolarité, des fournitures et d’une ration alimentaire durant deux ans. Toutefois, ce soutien reste insuffisant.
« Souvent, après deux ans, les parents ne peuvent plus suivre, et l’enfant revient à zéro », a rregretté ouassi Kobenan Henri Joël, adjoint durabilité d’ECOJAD.
La coopérative déplore également l’absence d’accompagnement étatique pour les enfants en apprentissage, dont certains sortent du programme sans avoir achevé leur formation.
« Un enfant capté à 17 ans sort du programme à 18 ans, même s’il n’a pas terminé sa formation professionnelle. L’État doit mettre un système pour les accompagner à finir, faire des stages et être embauchés », plaide M. Kouassi.
La limitation géographique des interventions, restreintes aux zones couvertes par le Conseil café-cacao de Daloa, constitue d’autres freins.
ECOJAD plaide enfin pour la valorisation de l’agriculture auprès des jeunes, à travers la création de plus de centres de formation agricole et l’intégration de modules dans les curricula scolaires.
Avec les projets communautaires réalisés, la coopérative estime que seule une synergie renforcée avec l’État et d’autres acteurs locaux, permettra de pérenniser les acquis et d’assurer une insertion durable des enfants retirés du travail.
Encadré 2
Le directeur de l’EPP de Batéguédea 2 plaide pour la construction d’une clôture scolaire
Le directeur de l’École primaire publique (EPP) de Batéguédea 2, Dianka Ruffin, a lancé un plaidoyer pour la construction d’une clôture autour de l’établissement, afin d’assurer la sécurité des élèves, des salles de classe et des vivres de la cantine scolaire.
Selon lui, l’absence de clôture expose l’école à plusieurs risques.
« Les bœufs et moutons se baladent librement dans la cour et des passagers la traversent chaque jour. En plus d’une atteinte à la sécurité, cela perturbe le déroulement des cours », a-t-il dénoncé.
La situation est particulièrement préoccupante pour les plus jeunes.
« L’école accueille des enfants à la maternelle. Quand ils finissent les cours à 11 h, la maîtresse, Ouraga Marie Josiane, est obligée d’accompagner ses 30 élèves, dont 10 filles, jusqu’au village, pour garantir leur sécurité et éviter que les parents ne soient tentés de les retenir à domicile », a ajouté M. Dianka.
Pour lui, la construction d’une clôture constitue une mesure urgente afin de renforcer la protection des enfants, de préserver les infrastructures et d’assurer un meilleur cadre d’apprentissage.
(AIP)
eaa/fmo
Un dossier réalisé par Adrienne Ehouman
Journaliste à la rédaction centrale

