Dabakala, 1er août 2025 (AIP) –Autrefois réservée à une production marginale, la culture du souchet, connu sous le nom de « pois sucré ou Tchôgon » en langue Malinké, séduit désormais une nouvelle génération de jeunes exploitants agricoles du département de Dabakala, lassés des incertitudes liées aux cultures de rente classiques.
Dans les plaines sèches et sablonneuses de Kongobanadougou, Sokala Sobara et Tagbonon de Bamarasso, souffle un vent nouveau sur l’agriculture locale à travers cette culture. Le souchet apparaît aujourd’hui comme une solution face à la double peine que subissent de nombreux paysans face à l’instabilité des prix du riz ou du coton, et aux effets croissants de la sécheresse.
Fofana Karim, ancien riziculteur de Kongobanadougou, en est un exemple vivant. « La sécheresse nous ruine et nos récoltes de riz ne trouvent plus facilement preneurs. Avec le souchet, je gagne jusqu’à 1,5 million de francs CFA par hectare, sans avoir besoin d’engrais ni de pesticides », explique-t-il avec fierté.
Résistant à la chaleur, n’exigeant ni intrants chimiques ni irrigation poussée, le souchet se révèle être une culture frugale mais lucrative. Dans un contexte de changement climatique, il représente une option durable, peu exigeante, et adaptable à des zones agricoles souvent marginalisées.
Même sans encadrement officiel ou politique publique dédiée, la filière du souchet s’organise de manière informelle mais dynamique. Vendu en vrac aux abords des routes, dans les marchés locaux, les bars ou les maquis, le produit connaît une demande croissante, notamment en raison de ses vertus nutritionnelles.
Riche en fibres, en magnésium, en phosphore et en vitamine E, le souchet est apprécié autant pour son goût sucré que pour ses bénéfices pour la santé. Utilisé sous forme de boisson (le fameux lait de souchet ou horchata), de farine ou consommé cru, il séduit les consommateurs urbains et les adeptes d’une alimentation naturelle.
Au-delà de son intérêt économique, la culture du souchet transforme en profondeur les habitudes agricoles locales. De plus en plus de jeunes exploitants y voient une opportunité d’indépendance financière, voire un tremplin pour sortir de la précarité. « Aujourd’hui, je vis mieux qu’avant. Je n’attends plus le cacao ou le coton. J’ai mon champ de souchet et je vends directement ce que je produis », affirme Ouattara Idrissa, un producteur de Tagbonon Bamarasso.
Loin d’être une simple culture de substitution, le souchet prend des allures de modèle agricole résilient, à fort potentiel de développement local.
Mais ce succès naissant pourrait s’essouffler sans un cadre structuré. L’absence de coopératives, de mécanismes de transformation, de facilités d’exportation ou de valorisation du produit limite encore la montée en gamme de cette filière prometteuse. Un appui technique, une stratégie nationale et des investissements ciblés pourraient permettre à la Côte d’Ivoire de tirer pleinement profit de ce « poids sucré », en l’érigeant au rang de culture de rente alternative durable.
(AIP)
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