Korhogo, 26 sept 2025 (AIP) – En poste depuis janvier 2025, le médiateur délégué pour la région du Poro, Michel Séka, mène une mission à double dimension : rapprocher l’administration des citoyens par la médiation et contribuer au renforcement de la cohésion sociale.
À quelques semaines de l’élection présidentielle du 25 octobre, il multiplie les actions de sensibilisation des populations contre les rumeurs, les discours de haine et le repli communautaire. Dans cet entretien, il revient sur le rôle du Médiateur de la République, les types de conflits auxquels il est confronté dans la région du Poro et ses attentes pour un scrutin apaisé.
Depuis quand exercez-vous vos fonctions dans la région du Poro et quelles sont vos principales missions ?
Je suis en poste dans la région du Poro depuis janvier 2025, mais précédemment médiateur délégué de la région du Sud Comoé. Le médiateur de la République est une autorité administrative indépendante au service du citoyen. L’Organe de médiation a deux missions principales :
Régler par la médiation, sans préjudice des compétences reconnues par les lois et les règlements aux autres institutions et structures de l’Etat, les différends de toute nature et contribuer au renforcement de la cohésion sociale. La mise en œuvre de ces missions révèlent le Médiateur de la République sous deux angles : Un protecteur des droits du citoyen et Une sentinelle de la paix sociale.
Quels types de conflits vous sont le plus souvent soumis ?
L’Organe de médiation au niveau de la région du Poro reçoit diverses réclamations ou plaintes des citoyens. Certaines relèvent de notre compétence, d’autres non. Par exemple, les cas d’incompétence sont les affaires opposant exclusivement des personnes physiques ou morales privées ; les conflits individuels de travail entre employeurs et salariés (régis par le code du travail), ou ceux déjà pendants devant une juridiction ou ayant fait l’objet d’une décision de justice.
En revanche, nous sommes compétents dans la médiation des conflits liés à la chefferie traditionnelle, au foncier (intra et intercommunautaire) ou encore à la délimitation des villages et des conflits qui opposent parfois des communautés aux sociétés minières.
Comment s’exerce concrètement votre médiation vis-à-vis de l’administration publique ?
Le médiateur de la République est un intercesseur gracieux entre l’Administration et les administrés. Il reçoit ainsi toutes les plaintes des usagers qui seraient victimes d’abus, d’arbitraire, d’erreur, d’omission ou de laxisme de l’Administration dans l’accomplissement de sa mission de service public.
L’Organe de médiation a deux mécanismes d’intervention encadrés par une procédure confidentielle : La saisine et l’auto saine du médiateur. En cas de saisine, le médiateur sollicite par écrit ou tout autre moyen, l’avis des administrations ou des personnes mises en cause et de toute personne ressource. Un délai de réponse obligatoire est fixé à un mois maximum.
Le Médiateur peut, en cas de besoin, organiser de rencontres séparées ou communes avec les parties pour la manifestation de la vérité. Il y a également la possibilité pour le médiateur de la République de procéder à des vérifications sur place dans les locaux de l’Administration mise en cause.
En cas de requête fondée après examen de la requête ou la réclamation, des recommandations sont faites à l’Administration concernée pour la restauration des droits du citoyen. Le Médiateur de la République dispose du pouvoir d’injonction lui permettant d’imposer un délai déterminé pour la prise des mesures nécessaires au rétablissement du citoyen dans ses droits.
En cas de non-respect de l’injonction, un rapport spécial adressé par le médiateur au Président de la République aux fins de lui proposer de donner à l’Administration concernée, toute instruction qu’il juge utile ou possibilité de publier la recommandation.
En cas d’accord amiable entre les parties, il y a la rédaction d’un procès-verbal de médiation signé par les parties, et ce procès-verbal vaut renonciation à toute action judiciaire portant sur le même objet, la même cause, entre les mêmes parties.
Au niveau du renforcement de la cohésion sociale, le médiateur met en œuvre une stratégie essentiellement basée sur trois piliers à savoir le rapprochement de l’Institution des populations, la mise en place de comités de veille et de suivi de la situation de la cohésion sociale, l’implication de l’organe de médiation dans la prévention des violences liées aux élections.
Quelles sont les problématiques spécifiques à la région du Poro ?
En lien avec nos missions, les principaux défis concernent la gouvernance locale avec les problèmes de chefferie, le foncier et la gestion des ressources naturelles. Nous notons également des difficultés de cohabitation entre éleveurs et agriculteurs, des divergences religieuses qui peuvent fragiliser la cohésion sociale. A cet effet, l’organe de médiation mène des actions visant à consolider la paix dans la région et également renforcer la résilience des populations face aux défis de l’extrémisme violent.
Vous êtes engagé dans une campagne nationale de sensibilisation. Quels en sont les objectifs ?
Cette vision est portée par le médiateur de la République, Adama Toungara et traduite dans un plan d’actions pour des élections apaisées et sans violences en 2025.
L’objectif du plan d’actions est de consolider la paix en Côte d’ivoire. Dans la région du Poro, nous réalisons des activités de sensibilisation des populations dans les quatre départements afin de lutter efficacement contre les discours de haine, les rumeurs et les fausses informations pendant les périodes électorales. Des messages sur la responsabilité et la contribution de chaque acteur à la création d’un environnement électoral apaisé sont relayés par les radios de proximité.
Justement, les rumeurs et fausses informations circulent beaucoup, notamment sur les réseaux sociaux. Comment y répondez-vous ?
En Côte d’Ivoire, les réseaux sociaux sont usités sur le plan socio- politique pour informer les populations. En outre, ils sont utilisés comme vecteurs de manipulation prisés pour distiller des rumeurs.
A l’approche des élections, certaines rumeurs sont créées, très souvent de façon intentionnelle dans le but de discréditer un adversaire politique, provoquer une vraie psychose durant un processus clé, créer des troubles et enfin fragiliser la cohésion sociale.
Face à cette situation, notre mission est de jouer un rôle de premier plan dans la prévention et la gestion des conflits liés à l’organisation des élections. Nous sensibilisons particulièrement les jeunes, très présents sur les réseaux sociaux sur le fait que la rumeur n’a pas de source vérifiable et se reconnaît par des expressions comme « on dit que » ou « il paraît que ». Nous exhortons également les populations à vérifier les faits et informations susceptibles de menacer la cohésion sociale auprès des autorités administratives, coutumières ou religieuses avant de les relayer ou diffuser.
Quel message souhaitez-vous adresser aux populations à l’approche de l’élection présidentielle du 25 octobre 2025 ?
Je voudrais rappeler que les élections sont un symbole de démocratie et non un moment de division. Après les élections, la vie continue. Nous devons donc préserver l’Intérêt supérieur de la Nation, au-delà des appartenances politiques, ethniques, religieuses ou communautaires. J’invite chacun à être un artisan de paix, à promouvoir les valeurs de fraternité, de tolérance et de solidarité. La Côte d’Ivoire a besoin d’élections apaisées pour consolider les acquis démocratiques et poursuivre son développement harmonieux.
(AIP)
ss/fmo
Interview réalisée par Soro Sionfolo
Chef du bureau régional de Korhogo