Lakota, 12 nov 2025 (AIP) – À 21 kilomètres de Lakota, dans la sous-préfecture du même nom, le village de Tagrouparehoin, électrifié depuis 2019, connaît une révolution silencieuse mais profonde. Sous l’impulsion de son chef, Me Dakouri Roger, cette localité rurale se transforme en un modèle de développement communautaire, alliant tradition et modernité.
Tagrouparehoin, le village qui se réinvente

Longtemps perçu comme un hameau sans repères, le village de Tagrouparehoin s’offre aujourd’hui aux visiteurs dans toute sa simplicité et sa transformation. Dès l’entrée, l’aménagement rural soigné saute aux yeux : rues propres, espaces assainis, et une organisation qui tranche nettement avec le souvenir laissé par une visite d’il y a quelques années.
Autrefois dépourvu de signalisation, le village arbore désormais une dizaine de panneaux d’adressage. Les rues ont des noms, les intersections sont identifiables, et la circulation se fait avec plus de fluidité, régulée par des dos d’âne stratégiquement placés. Au cœur du village, un rond-point aménagé symbolise cette volonté de structuration, rare en milieu rural en Côte d’Ivoire.
Pour le chef du village, Me Dakouri Roger, cette métamorphose est le fruit d’une ambition collective. Entouré de sa notabilité, depuis sa résidence, il révèle son ambition de faire de son village une référence.
« Nous voulons hisser Tagrouparehoin au rang de village développé. » Cette ambition se traduit par des actes concrets, portés par une communauté soudée et tournée vers l’avenir.

Sécurité et gouvernance : le village innove avec la vidéosurveillance
Tagrouparehoin vient de franchir une étape inédite en matière de sécurité locale. Pour la première fois, des caméras de surveillance ont été installées aux principales entrées du village, marquant une volonté affirmée de lutter contre le vandalisme et les actes de banditisme.
« Même depuis Abidjan, je garde un œil sur ce qui se passe dans ma communauté », confie le chef du village, les yeux rivés sur sa tablette. Pour lui, cette initiative technologique vise avant tout à dissuader les comportements inciviques tels que les vols, les dégradations ou les dépôts sauvages. Me Dakouri poursuit en précisant que plusieurs caméras déjà achetées restent à être installées encore à divers endroits stratégiques du village.
La mesure semble porter ses fruits. Le vice-président de l’association des jeunes du village, Doukré Serges Roland, souligne que la présence visible des caméras rassure les habitants. Mais, au-delà de la sécurité, c’est toute la gouvernance locale qui s’en trouve transformée.
Me Dakouri milite pour une gestion collégiale du pouvoir traditionnel, intégrant les notables, les jeunes et les femmes dans les processus décisionnels. Une vision partagée par le président du développement du village, Djaki Okou Franck, qui insiste sur l’importance de la concertation et de la participation collective dans les affaires communautaires.
« La jeunesse est régulièrement associée aux décisions de la chefferie », confirme M. Doukré, illustrant une dynamique nouvelle où tradition et modernité se conjuguent pour bâtir un avenir plus serein.

Intégration des communautés allochtones et allogènes, levier puissant de stimulation du développement local
Au fil de notre visite à Tagrouparehoin, un constat s’impose : le village vibre d’une activité commerciale soutenue, portée par une diversité communautaire harmonieuse. Boutiques de marchandises diverses, échoppes d’alimentation générale, garages de réparation de motos (…), le tissu économique local est animé par des membres des communautés allochtones et allogènes, parfaitement intégrés. Ce dynamisme est renforcé par la présence de plusieurs sociétés coopératives agricoles, installées en toute quiétude dans cette zone à forte production de cacao, une preuve supplémentaire que Tagrouparehoin est devenu un pôle rural structuré et attractif.
Ouattara Fousseni, propriétaire d’un garage, incarne cette intégration réussie. « Avec mon tuteur, nous nous entendons bien. Même quand des dissensions surviennent, nous trouvons la force de régler pacifiquement nos différends », confie-t-il.
L’épouse d’un commerçant, Diallo Assetou, abonde dans le même sens, « Je n’ai jamais eu de problème avec mes parents dida », affirme-t-elle avec le sourire. À Tagrouparehoin, les différences culturelles ne sont pas un frein, mais une richesse partagée au quotidien, constate-t-on en, observant la vie communautaire des habitants qui, par ailleurs manifestent une volonté d’accroître leur savoir.
L’alphabétisation : une soif de savoir

Un autre phénomène discret mais imprégnant qui attire l’attention à Tagrouparehoin est l’essor de l’alphabétisation chez les adultes. Dans le village, hommes et femmes, longtemps restés en marge du système éducatif, rejoignent avec enthousiasme les bancs de l’école primaire publique (EPP) pour apprendre à lire, écrire et compter.
Les salles de classe, autrefois réservées qu’aux enfants, accueillent désormais, durant les jours non-ouvrables, des adultes motivés, désireux de mieux comprendre le monde qui les entoure. À l’origine de cette dynamique se trouve un programme d’alphabétisation lancé, il y a trois ans, par une coopérative agricole locale à destination des femmes rurales. Mais cette année, l’initiative a pris une nouvelle dimension avec la reprise du projet par l’État, dans le cadre du programme national d’alphabétisation.
Le directeur de l’école primaire publique du village, Gnohou Olivier, également coordinateur du projet, relève l’enjeu de ce programme. « En milieu rural, l’alphabétisation est essentielle pour autonomiser les populations, améliorer leur qualité de vie et stimuler le développement local », soutient-t-il, soulignant voir dans ce programme un véritable levier de progrès social, économique et culturel.
Selon les statiques de cette année, 32 adultes, dont 30 femmes, sont inscrits aux niveaux 1 et 2, contre 65 femmes l’année précédente. Une baisse qui s’explique, selon les encadrants, par des contraintes sociales, mais qui n’entament en rien la détermination des apprenants.
Une quadragénaire et mère de sept enfants, Yohoré Madeleine, témoigne avec fierté : « Lire, écrire et compter me permet de mieux comprendre mes droits, de prendre des décisions éclairées et de participer activement à la vie communautaire ». Pour elle, comme pour beaucoup d’autres, l’alphabétisation est une clé vers l’émancipation. « Les femmes alphabétisées gagnent en confiance et peuvent mieux gérer leurs activités économiques et familiales », ajoute Mme Yohoré.
La vision d’avenir du chef de village pour Tagrouparehoin

Dans ce village en pleine mutation, Me Dakouri Roger, son chef, incarne une nouvelle génération de chefs traditionnels visionnaires, pragmatiques et profondément engagés dans le développement durable. Greffier de profession, il a su insuffler une dynamique nouvelle dès sa prise de fonction en 2023, transformant sa localité en un véritable laboratoire de modernisation en milieu rural.
Sa gouvernance repose sur la concertation avec les cadres du village et une ambition claire, à savoir faire de Tagrouparehoin un modèle de développement inclusif. « Un chef de village doit incarner une vision, soutenue par l’aspiration au progrès de toutes les communautés vivant sur son territoire », affirme Me Dakouri.
Parmi ses premières mesures, Me Dakouri s’est attaqué à la vente anarchique des forêts, source de paupérisation pour les villageois privés de terres cultivables. Il milite pour une gestion responsable des ressources et encourage les jeunes à s’investir dans les cultures vivrières et de rente, afin de renforcer une autonomisation économique locale.
Le chef Dakouri Roger relève également que sa politique vise le renforcement de la construction de maisons en dur pour tout le village, l’extension du lotissement du village, la construction de logements pour les instituteurs et l’installation de forages d’eau potable pour compléter le puits existant. Pour Me Dakouri, « Diriger, c’est avoir des rêves ».
À travers cette expérience, Tagrouparehoin démontre qu’avec la volonté, l’unité et une vision claire, même les localités les plus reculées peuvent devenir des pôles de progrès social et économique. A travers ses initiatives en matière de sécurité, d’aménagement, d’intégration communautaire, d’éducation et de gouvernance, Tagrouparehoin ne se contente plus d’exister, mais il inspire.
Ce village, autrefois discret, trace désormais sa propre voie vers le développement, porté par une vision collective et un leadership éclairé. Il se construit, pas à pas, avec fierté.
(AIP)
ob/jmk/fmo
Un reportage de Ouattara Bafani,
Correspondant de l’AIP à Lakota

