Abidjan, 15 oct 2025 (AIP) – A l’occasion de la Journée internationale de la canne blanche, dédiée à la sensibilisation sur l’autonomie et les droits des personnes aveugles ou malvoyantes, célébrée chaque 15 octobre, le président de l’association Galaxie handicap solidarité, Kah Félix Boguinard, plaide pour la vulgarisation de cette journée à travers toute la Côte d’Ivoire, afin de favoriser l’autonomie et l’inclusion sociale des personnes aveugles et malvoyantes.
Dans un entretien accordé à l’AIP, M. Kah, lui-même non-voyant, et également fondateur de l’association française « Neanseloane » (qui signifie en langue Wê « le handicap n’est pas une fatalité »), revient sur les missions de son organisation et les défis auxquels sont confrontées les personnes en situation de handicap visuel.
AIP : Qu’est-ce qui a motivé la création de votre organisation ?
Kah Félix : Ma motivation vient de ma propre expérience. Je suis aveugle et j’ai constaté qu’il existe un grand besoin d’insertion pour les personnes handicapées en Côte d’Ivoire. Vivant en France, pays où l’intégration des personnes handicapées est plus avancée, j’ai pu mesurer l’importance du rôle des associations dans l’accompagnement des politiques publiques. C’est dans cet esprit que Galaxie Handicap Solidarité a été créée, pour contribuer à l’inclusion sociale des personnes handicapées en Côte d’Ivoire.
AIP : Quels sont les principaux objectifs de votre association ?
Kah Félix : Nos objectifs portent sur l’éducation, la formation professionnelle, l’insertion socio-économique, ainsi que l’accès à la culture, aux loisirs et au sport. Nous accompagnons également les familles vivant avec des personnes en situation de handicap.
AIP : Quelles sont vos actions à l’occasion de la Journée internationale de la canne blanche ?
Kah Félix : Cette journée est une occasion de sensibiliser la population à la reconnaissance et à l’usage de la canne blanche, qui est à la fois un outil de mobilité et un symbole d’identité pour les personnes non-voyantes. En Afrique, la canne blanche est encore très peu vulgarisée, notamment dans les zones rurales où beaucoup d’aveugles dépendent encore d’un guide. Grâce à la canne, ils peuvent pourtant se déplacer seuls et gagner en autonomie.
AIP : Quelle est la signification de cette journée pour votre organisation ?
Kah Félix : Instituée aux États-Unis en 1964, la Journée internationale de la canne blanche rend hommage à James Biggs, un Anglais considéré comme l’inventeur de la canne blanche après la Première Guerre mondiale. Pour nous, cette journée est l’occasion de rappeler que la canne blanche est un instrument essentiel d’autonomie et que nos pays doivent la promouvoir afin que les aveugles soient considérés comme des citoyens à part entière et non entièrement à part.
AIP : Quelles améliorations souhaitez-vous dans les politiques publiques en faveur des personnes aveugles ?
Kah Félix : Des progrès ont été faits, notamment dans le domaine de l’éducation, mais l’inclusion scolaire et professionnelle reste limitée. Nous appelons à plus d’efforts dans la formation professionnelle, à la création de postes adaptés et à une meilleure accessibilité des espaces publics. Dans certains pays, il existe déjà des cannes électroniques connectées, qui détectent les obstacles ou les trous. Ces innovations devraient être progressivement introduites chez nous.
AIP : Quels sont les principaux défis quotidiens des personnes aveugles ?
Kah Félix : Le défi majeur, c’est la mobilité. Les infrastructures ne sont pas toujours adaptées, et il n’existe pas suffisamment d’aides humaines formées pour accompagner les non-voyants. La canne blanche peut pallier cette difficulté, mais elle ne suffit pas si l’environnement reste inaccessible. L’autre défi, c’est l’accès à la formation et à l’emploi pour permettre à chacun de devenir économiquement autonome.
AIP : Quelles sont vos attentes principales ?
Kah Félix : L’État agit quotidiennement dans les domaines de l’éducation et de l’autonomie, mais la formation professionnelle reste un défi. Ce n’est pas faute à l’État, car il lui est difficile d’identifier seul les besoins spécifiques. C’est à nous, personnes handicapées, via nos associations, de collaborer avec l’État pour démontrer que certains métiers sont accessibles. Par exemple, un aveugle peut exercer des professions comme l’élevage ou la kinésithérapie.
Ainsi, notre association Galaxie et ses partenaires prévoient de créer une école de kinésithérapie et des centres ruraux de formation à l’élevage. Autrefois, à l’Institut des aveugles, sous la direction des Suisses, les aveugles pratiquaient l’élevage, le maraîchage et la vannerie. Aujourd’hui, même sans forêt pour le rotin, d’autres matériaux permettent de poursuivre la vannerie, comme le montre Amidou Ouédrago à Tiassalé, qui utilise des cordes pour fabriquer des chaises.
AIP : Quel message à l’endroit des populations ?
Kah Félix : Je veux exprimer ma gratitude à la population ivoirienne, qui, depuis la création de l’école des aveugles en 1975, participe à l’insertion des personnes handicapées. Mais la mission n’est pas achevée. Il faut encore changer les mentalités, surtout en milieu rural. Un aveugle autonome peut être productif, citoyen et contributeur à l’économie nationale. Plusieurs d’entre nous travaillent et paient leurs impôts : c’est la preuve que le handicap n’est pas une fatalité.
(AIP)
apk/zaar
Interview réalisée par Philomène Kouamé