Reportage réalisé par Roger Taukla AIP Bouaké
Bouaké, 17 nov 2025 (AIP) – Après plus d’une décennie de ralentissement provoqué par les crises politico-militaires, Bouaké enregistre depuis quelques années une reprise progressive de ses activités économiques. La ville, longtemps confrontée à la fermeture d’unités industrielles, à la baisse des investissements et à une montée du chômage, voit émerger de nouveaux signes de redynamisation portés par les petites et moyennes entreprises (PME) et la relance du secteur agricole.
Durant les années de crise, la deuxième ville du pays avait perdu une grande partie de son poids économique : départ d’investisseurs, dégradation d’infrastructures, effondrement de plusieurs filières. L’activité commerciale et industrielle avait nettement ralenti, affectant l’ensemble de la région du Gbêkê.
Les PME, principal levier de reprise
Les petites et moyennes entreprises constituent aujourd’hui l’un des moteurs de la relance locale. Elles interviennent dans les secteurs du commerce, de l’artisanat, du transport, du bâtiment et des travaux publics, ainsi que dans la transformation de produits agricoles. Elles offrent des opportunités d’emploi pour de nombreux jeunes et femmes.
Malgré les difficultés d’accès au financement, ces PME ont pu s’adapter en valorisant les ressources locales, en modernisant leurs procédés ou en créant de nouvelles filières. Selon le directeur régional du Commerce et de l’Industrie de Gbêkê, Fadiga Mamadou, la reprise de l’activité s’est amorcée progressivement après l’amélioration du climat sécuritaire. Le commerce alimentaire a été l’un des premiers secteurs à retrouver un niveau d’activité significatif.
Les mesures de régulation engagées par les autorités ont ensuite permis de réduire l’informalité, de renforcer le contrôle des prix et d’assainir le marché local.

Un cadre réformé qui attire de nouveaux investissements
Le ministère du Commerce et de l’Industrie a conduit plusieurs réformes visant à renforcer la sécurité des opérateurs économiques et à améliorer l’environnement des affaires. Ces actions ont encouragé le retour de groupes industriels et commerciaux qui avaient quitté la ville.
L’augmentation du nombre de fonctionnaires en poste, la hausse de la consommation locale et les financements obtenus auprès de bailleurs ont contribué à soutenir cette dynamique de reprise.
Bouaké renforce ainsi son positionnement de pôle commercial régional. L’extension de zones d’activités, la modernisation de certains marchés et la réduction des pratiques informelles témoignent de cette évolution.
La construction d’une nouvelle zone industrielle de 1 000 ha à Kpangbambo illustre également les ambitions industrielles de la ville, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, du textile et de la transformation de produits agricoles.
Un commerce en mutation
La relance se manifeste également à travers l’installation de nouvelles enseignes commerciales telles qu’Auchan ou China Mall. Plusieurs entreprises opérant dans la transformation du beurre de karité ou la fabrication de produits cosmétiques renforcent leur présence à Bouaké.
Le président régional de la Chambre de commerce et d’industrie, Dr Paul Dakuyo, estime que les indicateurs économiques de la ville connaissent une évolution favorable, marquée par un regain d’intérêt des industriels.
Le secteur bancaire accompagne cette dynamique, avec l’implantation de nombreux établissements tels qu’Orabank, BDU-CI, UBA, BOA, BICICI, Société générale, Banque Atlantique, Afriland First Bank, BHCI, ainsi que plusieurs institutions de microfinance. Cette présence accrue facilite l’accès aux services financiers pour les opérateurs économiques.
Le commerce de gros, particulièrement actif, s’appuie sur un réseau de camions transportant des produits vivriers, des unités de transformation et des dépôts de matériaux de construction. L’achèvement prochain du grand marché couvert de 10 000 places devrait renforcer cette activité.

L’agriculture, un pilier toujours central
L’agriculture demeure un secteur essentiel de l’économie locale. La région produit du riz, du maïs, de l’igname, de la mangue, du coton et de l’anacarde. Des programmes tels que le PNIA ou les projets PROPACOM, PPCA, PRORIL, PRO2M et MCA-CI contribuent à la modernisation de la filière, notamment à travers la mécanisation, l’irrigation et l’accompagnement des coopératives.
Le directeur régional de l’OCPV, Norbert N’Guessan, souligne que les crises ont désorganisé la commercialisation des produits vivriers. Les marchés restructurés et les convois organisés ont ensuite permis de stabiliser l’approvisionnement local.
Le marché de gros d’intérêt national et les cinq nouveaux marchés de proximité en construction dans le Gbêkê faciliteront la distribution des produits. L’OCPV prépare en outre le lancement d’une plateforme digitale, E-grenier, pour moderniser les transactions agricoles.
Complémentarité entre PME et agriculture
L’interaction entre agriculture et PME soutient la reprise économique. Les exploitants fournissent les matières premières tandis que les entreprises locales assurent leur transformation, leur conditionnement ou leur distribution. Ce modèle favorise la création de chaînes de valeur locales et d’emplois.

Des avancées tangibles mais des défis persistants
Les évolutions observées à Bouaké incluent la reprise des investissements, la modernisation des infrastructures, la diversification des activités, la création de zones d’activité, l’amélioration de l’accès aux services financiers.
Cependant, plusieurs défis subsistent, notamment la nécessité de renforcer les infrastructures routières, l’amélioration de l’accès au financement pour les PME, la formation professionnelle adaptée aux besoins des entreprises, la sécurité foncière pour les agriculteurs, la lutte contre l’informalité.
Perspectives
Bouaké, longtemps marquée par les effets des crises, évolue vers une nouvelle phase de développement économique. Les initiatives publiques, combinées au dynamisme du secteur privé et aux performances agricoles, contribuent à repositionner la ville comme un pôle en croissance. Les autorités locales projettent, à moyen terme, de renforcer son rôle industriel et commercial au niveau national.
(AIP)
Rk/kp

