Reportage d’Amani Kouakou Robert
Zuénoula, 20 juin 2025 (AIP)-Par un matin calme de juin, le soleil perce doucement la canopée qui borde la piste latéritique menant à Zraluo, un village situé à 9 km de Gohitafla, dans le département de Zuénoula. Jadis isolée par son délabrement et le silence de ses couloirs vides, l’unique structure de santé de ce village renaît, portée à bout de bras par un personnel engagé et une population qui a refusé de baisser les bras.
À l’entrée du centre, un panneau à la peinture écaillée indique sobrement : « Centre de santé rural de Zraluo ». Mais derrière l’aspect modeste des murs, une autre réalité s’écrit. Ici, les voix ont remplacé le silence, les pleurs de nourrissons attestent des naissances locales et les allées ne désemplissent plus.
Une reprise en main conduite avec humilité par un personnel engagé
« En 2018, j’ai trouvé un bâtiment presque désert. Peu de patients, aucun dynamisme et une population méfiante », se souvient l’infirmier d’État et actuel responsable du centre, Kouadio Kouadio Lucien. Dans sa blouse immaculée, l’homme affiche la sérénité de ceux qui ont su reconstruire dans la durée cette infrastructure sanitaire.
Il ne lui a pas suffi d’être présent, il a fallu aller au contact des villageois, dialoguer avec les chefs, expliquer l’importance du suivi médical, surtout pour les femmes enceintes et les enfants. Une patiente régularité qui finira par porter ses fruits.
Aujourd’hui, deux infirmiers et deux sages femmes assurent la permanence des soins. Parmi eux, Yamba Ahotto Cynthia épouse Brou, sage-femme infatigable, sillonne les hameaux pour sensibiliser sur les consultations prénatales et les accouchements en milieu sécurisé.
Dans la petite salle d’attente ombragée par un manguier, les patients se succèdent. « Le paludisme est encore très présent. On en traite environ 80 cas chaque mois. Mais les gens viennent désormais. Ils savent qu’on est là », affirme Kouadio pour le modèle de résilience et d’action solidaire de la population de Zraluo dans la Marahoué.
Le PBF : un souffle nouveau, mais insuffisant
Le centre a bénéficié d’un appui technique du Programme de financement basé sur la performance (PBF) qui a permis l’achat de matériel médical de première nécessité. Toutefois, les défis restent encore nombreux. Pas de salle d’hospitalisation, une maternité encore partiellement équipée et un besoin criant de locaux supplémentaires pour les consultations spécialisées.
« Nous faisons ce que nous pouvons, mais les urgences graves sont encore difficiles à gérer ici », confie l’infirmier, avec l’espoir de voir d’autres partenaires se joindre à l’effort.
Si les structures manquent, la solidarité, elle, abonde. Lorsqu’un robinet fuit, des villageois viennent réparer. Quand un lit médical manque, les familles cotisent. Et quand l’ONG Jeunesse unie pour le développement de la Marahoué (JUDEMAR) organise une remise de kits de maternité, tout le village répond présent.
Ce samedi 14 juin 2025, ils étaient nombreux, femmes, chefs coutumiers, jeunes leaders… tous réunis dans la cour du centre pour dire oui à une santé accessible. « Aujourd’hui, nous sommes bien suivies ici même à Zraluo. C’est un grand soulagement », confie la responsable des femmes du village, Bolo Lou Tanan, les bras chargés de kit de couches et de savons.
Une fierté retrouvée dans le regard des anciens
Assis sur une chaise en bambou, le chef du village, Doubi Bi, observe avec fierté le va-et-vient devant le centre. « Il y a quelques années, nous devions aller jusqu’à Gohitafla ou Zuénoula pour une simple consultation. Aujourd’hui, nos femmes accouchent ici. C’est une bénédiction », se plait-il à l’affirmer.
Cette reconnaissance, le président de JUDEMAR, Didi Bi Tra Sylvain, la partage pleinement. « Ce centre est la preuve que lorsque les communautés et les soignants se soutiennent, le développement devient concret », souligne M. Didi Bi
« Nous ne faisons pas de miracles. Mais nous sommes là, chaque jour, pour accompagner la vie », glisse l’infirmier avant de retourner dans la salle de soins. Derrière lui, un enfant entre, tenant la main de sa mère.
Ouvert en 1996 mais longtemps délaissé, le centre de santé de Zraluo est aujourd’hui un pôle de soins pour plusieurs villages environnants. Il contribue à la réduction des maladies endémiques, à la lutte contre la mortalité maternelle et renforce la confiance dans le système de santé de proximité.
(AIP)
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