Abidjan, 31 août 2025 (AIP) – Le Conseil constitutionnel, institution centrale de l’État de droit en Côte d’Ivoire, a connu depuis 1960 une évolution marquée par des réformes successives, des crises politiques et un rôle de plus en plus déterminant dans l’arbitrage démocratique.
Créé à l’indépendance par la Constitution de 1960, le Conseil constitutionnel était alors chargé de veiller à la régularité des élections présidentielle et référendaires, ainsi qu’à la conformité des lois à la Constitution. Il s’agissait d’un organe à compétence limitée, fonctionnant surtout comme un garant formel du système politique dominé par le parti unique.
En 1990, avec l’avènement du multipartisme, l’institution prend une importance nouvelle. Le premier scrutin présidentiel pluraliste organisé la même année met en lumière son rôle dans la validation des candidatures et la proclamation des résultats. Le Conseil constitutionnel est alors perçu comme un acteur clef de la transition démocratique.
La Constitution de 2000 élargit ses prérogatives. Le Conseil est désormais compétent pour statuer sur la régularité des élections présidentielles et législatives, contrôler la constitutionnalité des lois, et recevoir le serment du président de la République. Cette réforme survient dans un contexte politique tendu, marqué par des débats sur l’éligibilité des candidats.
Les crises électorales de 2010-2011 constituent un tournant majeur. Le Conseil constitutionnel, présidé à l’époque par Paul Yao N’Dré, proclame la victoire de Laurent Gbagbo, tandis que la Commission électorale indépendante (CEI) donne Alassane Ouattara vainqueur. Ce conflit institutionnel plonge le pays dans une grave crise post-électorale. À la suite de la résolution du conflit, l’institution est réformée afin de renforcer sa crédibilité et son impartialité.
Sous la Constitution de 2016, le Conseil constitutionnel conserve son rôle de juge électoral suprême et de gardien de la Constitution. Il valide les candidatures à l’élection présidentielle, tranche les contentieux électoraux et proclame les résultats définitifs. Ses décisions, rendues en 2020 lors de la présidentielle marquée par un boycott de l’opposition, illustrent encore son rôle controversé mais incontournable.
Depuis juillet 2023, le Conseil constitutionnel est présidé par Chantal Nanaba Camara, magistrate hors hiérarchie. L’institution est ainsi dirigée pour la première fois par une femme, dotée d’une riche expérience. Elle est appelée à arbitrer des enjeux cruciaux, notamment la recevabilité des candidatures, l’examen des parrainages, le traitement des réclamations et la proclamation des résultats définitifs.
En soixante-cinq ans, le Conseil constitutionnel ivoirien est passé d’un organe institutionnel discret à un acteur central du jeu politique. Son rôle demeure essentiel dans la consolidation de l’État de droit et dans la régulation de la vie démocratique.
(AIP)
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