Gagnoa, 02 avr 2024 (AIP)- Gérant de journaux papier dans la ville de Gagnoa depuis 2017, Alain Roland Kouakou Yao, la quarantaine entamée, a expliqué dimanche 04 avril 2024 à l’AIP, les déboires de cette activité, depuis que selon lui, les réseaux sociaux et la presse numérique ont gagné du terrain face à la presse papier, plombant ainsi ces ventes, jusqu’à les faire chuter de manière drastique.
Comment vous dénomme-t-on dans le milieu de la presse
Dites le gérant, c’est plus réel, puisque il y a des détaillants qui ont des kiosques, ainsi que des vendeurs à la criée que nous encadrons. Pour ma part, ici à Gagnoa, je suis le gérant-livreur de tous les vendeurs de journaux dans la région du Gôh et depuis peu, dans la ville de Gagnoa. C’est à moi que la société Edipresse livre les lots tous les jours, du lundi au samedi, vers 12h00.
Vous êtes reconnu officiellement
Non, je dirais. Puisque je travaille pour une personne qui elle est le contact légal d’Edipresse. Je précise que j’ai débuté un peu par hasard dans ce milieu en 2011, et nous recevions des journaux que nous vendions. C’est lorsque un frère Libanais qui avait l’exclusivité de la vente des journaux à Gagnoa à fait faillite, que le sieur Konaté Daouda, qui a un contrat avec Edipresse nous a fait confiance et nous sommes devenu en 2017, Gérant-vendeur.
Comment vont les ventes
Ne me posez pas la question, puisque ensemble, nous faisons le constat de la désillusion, de la déchéance. Je ne sais pas quel mot employer qui va traduire la vérité et la réalité du terrain, mais, sachez que ce qui nous arrive est cruel.
Expliquez-nous alors
Tenez, en 2017, je faisais des recettes hebdomadaires entre 600 et 800 000 FCFA. Pour être concret, pour la semaine du 18 au 23 mars 2024, j’ai versé 28 000 FCFA, alors que le prix du journal est passé de 200 à 300 FCFA depuis plus d’un an. C’est vraiment la catastrophe dans le milieu.
C’est vrai que les ventes ont chuté, mais si vous continuez à vendre c’est que ce n’est pas aussi catastrophique, disons-le
Je ne sais pas si vous m’avez compris, où si c’est moi qui m’y suis mal exprimé. Je précise que l’intégralité des mes ventes est passée de 800 000 FCFA à moins de 30 000 FCFA, que je verse à mon mandant chaque semaine, depuis quelque temps. C’est la totalité des ventes des journaux de toute la région du Gôh.
Oui, ça nous avons compris
Non, vous n’avez pas bien compris. C’est moi et moi seul qui livre les journaux dans toute la ville de Gagnoa, et dans cette ville, il y a cinq revendeurs. Notez que 28 000 FCFA est la somme globale que ces quatre personnes et moi, collectons en moyenne en cinq jours (parce que les journaux ne viennent pas toujours les samedis), sur nos différents lieux de vente dans toute la ville. Si ça ce n’est pas dramatique, je ne sais pas ce qui le sera.
Tout à fait. Mais pourquoi vous continués de vendre
Ah bonne question ! Je vous donne un autre chiffre avant de répondre à votre question. Sur 100% de journaux reçus, je peux y retourner au minimum 80%, et cela à commencé courant 2021. Puis en 2022 et 2023, c’est devenu pire. Autres chiffres, nous étions 11 vendeurs avec dépôts et kiosques, aujourd’hui, nous sommes restés cinq. Avant, je livrais les journaux à Ouragahio, Guibéroua, Sérihio, toutes, des sous-préfectures de Gagnoa. Aujourd’hui, je ne livre plus ces zones, parce que tous les vendeurs dans ces zones ont jeté l’éponge.
Répondez maintenant à ma question. Si c’est si dramatique, pourquoi vous continuez de recevoir des journaux et les vendre
Sachez d’abord que sur toute la ligne, depuis le km 108 de l’autoroute Gagnoa, il n’y a plus de vente de journaux. En dehors de Tiassalé que je ne maitrise pas trop, je peux vous affirmer qu’à Divo, Lakota, on ne livre plus de journaux. Idem à Oumé et Soubré. Je vais vous dire que je continue pour le plaisir, mais aussi à cause des clients fidèles.
Donc, vous travailler pour plaire aux autres. C’est curieux comme réponse
A mon tour de vous posez la question, vous qui êtes journaliste, de savoir si ça vous plairait que l’on dise qu’il n y a pas de journaux à Gagnoa, alors que le constat est que je vois plusieurs personnes à midi, venir s’agglutiner au kiosque pour avoir les infos, à défaut d’acheter le journal. Pour certains qui possèdent des points fixes de vente, comme le kiosque, la vente des journaux leur permet d’avoir de la clientèle, par rapport aux autres articles qu’ils proposent, notamment des pantalons, tissus, cigarettes.
Combien vous gagner, vous personnellement
Vous ne répondez pas à ma question et vous me posez une autre question. Mais, ce n’est pas grave. Sachez que parfois, je complète avec mon propre argent lorsqu’il y a des manquants. Je vends pour ne pas qu’on dise qu’à Gagnoa, il n’y pas de journaux. C’est humiliant pour ma ville, sinon, de la part de mon fournisseur, je perçois 5% sur la vente. Je vous laisse faire le calcul de 5% de 28 000 FCFA et vous verrez ce que je gagne chaque semaine.
C’est terrible tout ça
Un des mes vendeurs, Abou, a reçu 500 FCFA pour toute la semaine. Il est dans le métier depuis 1984. Mon doyen continue parce qu’il n’a pas d’autres activités et parce que c’est ce qu’il a appris à faire. Vraiment, le mal est profond, et je ne sais pas combien de temps encore nous allons tenir. Celui qui est au commerce, a fait 12 000 FCFA de recette dans la semaine, alors que 28 000 FCFA représentait sa recette journalière, il y a quelques années encore. Je me souviens qu’il avait réalisé 90 000 FCFA de vente en une seule journée, mais cela il y a bien longtemps. Si j’arrête, les fonctionnaires venant des sous-préfectures, ou les populations de passage et allant ou venant de Lakota et Soubré, ne pourront plus avoir de journaux. Et c’est ça qui me retient. Mais pour combien de temps encore!
Quelles sont vos vœux
On parle de plus en plus de subventions pour la presse. Que l’on pense aussi à nous.
Une Interview réalisé par
Dogad Dogoui
AIP Gagnoa.