Bouna, 05 avr 2024 (AIP)-La dernière semaine avant la fête de Ramadan s’annonce particulièrement stressante pour les couturiers de Bouna qui, pour le respect du délai de livraison des habits de leurs clients, se voient contraints de faire des nuits blanches au prix de leur santé.
Pour cet évènement, les couturiers reçoivent, en général, les tissus de la part de leurs clients qui leur vouent une fidélité absolue, une situation qui les conduit au surmenage car contraints de veiller des nuits et des nuits pour satisfaire ces derniers.
Ils ont, pour la majorité d’entre eux, reçu près de 80 tissus et pagnes de la part des clients pour la fête de Ramadan, une fête très prisée par les habitants de Bouna, ville fortement islamisée. C’est une occasion où les populations (enfants, hommes et femmes) arborent leurs plus beaux habits.
’’Ce n’est pas facile, le travail est difficile, on ne dort pas. Quand les clients te font confiance depuis plusieurs années ils t’amènent toujours leurs tissus. Et même quand tu leur dis que tu es très occupé, ils ne veulent rien entendre, tu es obligé de prendre les tissus’’ a expliqué Hien Ollo, qui est obligé de continuer le travail dans son atelier de 22H à 7H du matin avant de regagner son domicile. Cette routine, selon lui, lui a fait perdre environs 4 Kilos de son poids.
Du fait de la pression du Ramadan, Diabagaté Drissa et ses apprentis se sont imposés un rythme de travail drastique. Ils travaillent chaque jour de 8H jusqu’au lendemain à 4H du matin. Sur 60 tissus reçus pour la fête ils en ont terminé 53. Ils leur restent sept habits à achever.
’’Quand tu ne finis pas dans le temps, tu as de la pression et ta tension peut monter. Pendant des semaines, nous n’avons pas dormi parce que nous voulons pas paraître malhonnêtes au yeux de nos clients. Avec l’aide de Dieu, nous pourrons finir le reste avant la fête de Ramadan’’ a-t-il assuré, indiquant que cette période d’insomnie lui cause par moment des vertiges et de fortes migraines.
Au quartier Ouattarasso, Ali Ouattara précise qu’il consomme du café noir, des paracétamols pour avoir les yeux rivés sur sa machine. Ce homme, qui exercice la couture depuis 1993, se dit toujours éprouvé quand il veille dans son atelier. A quelques jours de la fête de Ramadan, il lui reste encore 20 tissus à découper et à coudre. Va-t-il tenir dans le délai ? Il rétorque ’’Dieu est grand’’, les yeux complètement tuméfiés et rougis de fatigue.
Comme lui, de nombreux couturiers de Bouna font face au défis d’achèvement d’habits fortement attendus par les clients parfois nerveux et qui ne leur font pas de cadeau. En cette période rentable pour eux, ils ont accumulé un grand nombre de tissus avec très souvent une complexité de modèles à réaliser notamment chez les dames, ce qui demande assez de temps et d’énergie.
Coulibaly Sali, une cliente domiciliée au quartier Zongo, dit suivre de très près son couturier afin de ne pas subir une surprise désagréable.
’’Chaque jour, je passe vérifier à l’atelier si mes tissus sont en train d’être cousus. Les choses avancent bien et cela me rassure. Cette année, je vais bien m’habiller et bien fêter avec ma famille’,’ a-t-elle souligné.
Selon la présidente de l’Association des couturiers de Bouna (ACDB) Geneviève Domé, même si la période de Ramadan est rentable, l’insomnie et le stress observés chez les couturiers sont la conséquence d’une forte accumulation de tissus, en croyant pouvoir les livrer à temps. Elle a évoqué la ’’gourmandise’’ qui amène certains à accumuler des fois plus de 120 tissus, ce qui devient une véritable corvée pour leurs apprentis.
’’Le manque de sommeil et le stress sont nocifs pour la santé, nous leur disons toujours d’éviter la gourmandise en accumulant pagnes et tissus. Car, dans la majorité des cas, ils finissent par avoir le dos au mur et cela jette un discrédit sur la corporation’’, a déploré Mme Domé avant de saluer l’exemplarité de certains qui respectent leur parole et qui font honneur à la corporation.
En 2023, un couturier de Bouna avait accumulé une dizaine de tissus destinés à faire des vêtements d’une future mariée. A deux semaines du mariage, il n’avait pas pu les coudre. Pourtant, il avait reçu l’intégralité de la somme. Poursuivi par ces clients, pour les faits d’abus de confiance, il a été contraint de coudre tous les habits en l’espace de dix jours, suite à un règlement à l’amiable.
Après avoir livré les vêtements, il s’en est sorti avec une fatigue sévère qui a nécessité son hospitalisation à l’hôpital général de Bouna, rappelle-t-on.
A quelques jours de la fête, de nombreux couturiers travaillent d’arrache-pied ne veulent pas vivre cette situation.
(AIP)
on/nmfa/fmo
Reportage de Oulaï Natem
Bureau régional de Bouna