Aboisso, 24 sept 2024 (AIP)- Edjambo, un village cosmopolite situé sur l’axe Noé-Tiapoum fait face à un drame silencieux, l’ensablement créé par les fortes pluies. À quelques mètres du village, une partie du bitume est engloutie sous une épaisse couche de sable, déplacé par les intempéries depuis une colline voisine excavée pendant des travaux de bitumage, rendant la circulation difficile.
Les véhicules peinent à progresser, contraints d’utiliser la voie opposée pour éviter les accumulations de sable. Les habitants d’Edjambo voient leur village se transformer sous leurs yeux impuissants.
Edjambo : Un village en lutte contre l’érosion
Sanfo Ibrahim, un homme marqué par les années et les difficultés, se tient au milieu de la route, contemplant le sol déformé. Ses mains se crispent lorsqu’il évoque l’impact de l’érosion sur son village.
« Nous sommes au cœur d’un phénomène : l’érosion. Cela fait des années qu’elle frappe notre village. Elle ne fait pas que creuser les routes, elle grignote aussi nos terres et modifie l’apparence de nos concessions. Regardez autour de vous, certaines maisons, autrefois de plain-pied, sont aujourd’hui perchées à plusieurs mètres au-dessus du sol », déclare Ibrahim, le visage triste. Son regard se tourne vers une maison dont les fondations semblent flotter au-dessus du sol comme un navire qui a échoué sur une mer asséchée.
Soma Konaté, un autre habitant, pointe du doigt un tuyau d’eau suspendu à près de trois mètres du sol, là où il était autrefois enfoui à un mètre de profondeur.
« Voyez ce tuyau ? Il était dans le sol il y a quelques années à peine. Aujourd’hui, il est là-haut, à plusieurs mètres. L’érosion a tout emporté. Cette rue est devenue impraticable pour les véhicules. L’eau a creusé tellement profondément qu’il est presque impossible de circuler ici. Les habitants ont dû construire des clôtures pour se protéger de la furie de l’eau qui dévale à chaque saison des pluies. Même l’église a érigé des murs, avec l’aide du Seigneur, bien sûr », explique le jeune professeur de lettres modernes en vacances dans ce village. Il désigne, non sans une certaine ironie, les barrières de fortune érigées par les villageois, espérant que ces constructions de fortune tiendront face à la prochaine saison des pluies.
Non loin de là, Bakari Sanogo nous conduit à ce qu’il appelle le « couloir le plus dangereux du village ». Sa voix grave et posée résonne dans l’air lourd.
« Ici, en saison pluvieuse, il n’est pas conseillé de s’aventurer. L’eau descend en torrents et s’accumule dans ce caniveau, souvent trop petit pour contenir toute cette masse. Les habitants ont dû bétonner autour de leurs maisons pour éviter que l’eau ne les emporte. C’est un véritable cauchemar pour nous », explique Sanogo.
Edjambo est un village en lutte contre les forces de la nature
Le sol, jonché de fissures, porte les stigmates des batailles que le village livre contre l’eau. Plus loin, on peut voir un garagiste qui a érigé une muraille de pneus pour lutter contre la montée des eaux. Les précautions des habitants, aussi inventives soient-elles, semblent dérisoires face à la puissance destructrice de l’érosion.
Edjambo n’est pas seulement menacé sur terre. Sa lagune, autrefois riche en vie aquatique, subit également les conséquences de l’érosion. Soma Konaté montre la lagune Tando dont la superficie diminue à vue d’œil.
« Le sable apporté par les pluies s’accumule dans la lagune. Elle s’ensable, et cela change tout l’écosystème. Les plantes aquatiques prennent racine là où il y avait autrefois de l’eau claire. Aujourd’hui, les poissons ne trouvent plus d’espace pour se reproduire. La pêche, qui faisait vivre une partie du village, est menacée », explique Konaté, ajoutant que la lagune a perdu en quelques années près de 200 mètres.
Les visages des pêcheurs, marqués par l’inquiétude, révèlent la gravité de la situation. Chaque pluie semble emporter avec elle une partie de leur avenir et les filets, autrefois pleins de poissons, reviennent désormais presque vides.
Face à cette catastrophe écologique, Nanan Ampè 2, le chef du village, ne cache pas son inquiétude. Sa voix, habituellement calme, trahit une certaine urgence.
« Edjambo est à la croisée des chemins. L’érosion et l’ensablement nous acculent. Nous avons tout essayé, mais sans soutien extérieur, nous ne pouvons rien faire. Nous demandons quelques kilomètres de bitume et la construction de caniveaux dans le village », fait savoir le chef du village.
Son regard se perd dans l’horizon, là où la terre et l’eau se rencontrent, témoignant de la beauté fragile d’Edjambo, un village qui se bat pour sa survie. Les habitants, unis par une histoire commune et la peur de perdre leur patrimoine, continuent de lutter, mais pour combien de temps encore ?
La menace grandit et le temps presse pour Edjambo.
(AIP)
Ahoulou Noël, chef du bureau régional d’Aboisso