Abidjan, 09 mars 2025 (AIP) –La Maison N’zassa, au cœur de la commune culturelle atypique de Treichville, à Abidjan, s’est parée de mille couleurs pour accueillir le vernissage de Flora Goli, intitulé N’vlé (qui signifie Identité en baoulé), célébrant à la fois l’identité, l’héritage des femmes africaines et la cohésion sociale, dans le cadre de la célébration de la journée internationale des droits de la femme (JIF).
Journée des droits des femmes : un appel à un retour aux valeurs africaines
Le vernissage, tenu dans la nuit du vendredi 7 mars 2025, marque le démarrage de la troisième exposition individuelle intitulée N’vlé de l’artiste et s’inscrit dans le cadre de la célébration de la Journée des droits des femmes. Il rend un hommage vibrant aux figures féminines africaines, piliers intemporels de la culture et de la transmission des savoirs.
« À la veille de la Journée internationale des droits de la femme, cette exposition est une invitation à toutes les femmes, en particulier les femmes africaines, à se reconnecter à nos valeurs culturelles et traditionnelles. Certes, nous avons mené de nombreuses luttes pour nos droits et nous avons obtenu des avancées significatives, mais il ne faut pas oublier d’où nous venons. Aujourd’hui, nous occupons des postes de responsabilité, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue nos racines », a-t-elle interpelé.
La célébration de la journée des droits de la femme a eu lieu ce samedi 8 mars 2025, autour du thème « Droits de la femme en Côte d’Ivoire 30 ans après Beijing : Réalisations et Stratégies pour l’avenir », fait-on savoir.
Une ode aux femmes, héroïnes du quotidien
Dès les premières toiles exposées, le regard des visiteurs est immédiatement captivé par l’intensité des couleurs, la force des compositions et la profondeur des messages portés par l’artiste. Au moyen d’une vingtaine d’œuvres mêlant collages de pagnes traditionnels, peinture acrylique et aplats chromatiques audacieux, Flora Goli peint la femme africaine dans toute sa complexité de mère, nourricière, éducatrice, et gardienne des traditions.
N’vlé se présente ainsi comme un manifeste visuel en faveur des femmes africaines. À travers chaque œuvre, l’artiste rappelle leur rôle central dans la perpétuation des valeurs et des savoir-faire. « La femme africaine est la gardienne de nos valeurs. Étant maman, étant éducatrice, c’est à elle qu’incombe la transmission aux générations futures », souligne-t-elle avec conviction.
Une identité en quête de réappropriation
Avec N’vlé, l’artiste interroge la transmission et l’héritage culturel à une époque où la modernité tend parfois à effacer les racines profondes des peuples. « La modernisation est en train de nous prendre ce que nous avons de plus cher, c’est-à-dire notre tradition, notre culture. N’vlé est une invitation, surtout pour la femme africaine, à revenir à ses valeurs. Parce que la valeur, c’est sacré », confie l’artiste.
Ses toiles, à la croisée du figuratif et du symbolisme, racontent l’histoire de ces femmes, gardiennes de la mémoire des ancêtres et façonnant l’avenir. Leur absence de traits faciaux invite chaque spectateur à projeter sa propre interprétation, rendant ces figures féminines à la fois universelles et intemporelles. Cette approche suggère une sagesse silencieuse, un dialogue intérieur où l’identité et la tradition se redéfinissent à travers le regard de celui qui observe.
« L’artiste se distingue par une approche singulière. En effet, elle travaille aussi bien sur les visages que sur les tenues vestimentaires, en mettant en valeur nos pagnes traditionnels. Ce qui interpelle particulièrement dans ses œuvres, c’est l’absence des traits du visage : pas d’yeux, pas de bouche, pas de nez. Ce choix artistique permet à chacun d’interpréter librement ses toiles et d’y projeter sa propre vision », a déclaré le maire de Treichville, François Albert Amichia, avec contemplation.

Par exemple, l’une de ses œuvres, intitulée “Évolution“, retrace l’évolution de la tenue vestimentaire en Côte d’Ivoire. « Trois femmes y figurent : la première, au premier plan, porte un simple pagne avec des accessoires et des cheveux afro, représentant la mode d’antan ; la deuxième porte une robe stylisée en pagne, illustrant l’évolution de la mode traditionnelle ; et la troisième, vêtue d’une veste en pagne, symbolise la modernisation tout en restant ancrée dans la culture. Mon message est clair : modernité et tradition ne sont pas incompatibles. Nous pouvons adapter le pagne aux tendances actuelles sans renier notre identité culturelle », déclare Mme Goli.

L’identité africaine, dans son essence, appelle à la vie en communauté, l’unité, la solidarité et le partage, des valeurs que Flora Goli exprime également à travers ses œuvres. « À travers cette toile intitulée N’zassa, je représente une fillette exprimant, par son pouce levé, sa fierté de voir un pays plus que jamais unifié. Le tableau est composé de pagnes traditionnels tissés de toutes les régions de la Côte d’Ivoire. En cette période électorale, j’adresse ainsi un message fort : l’unité, la paix, le vivre-ensemble et la cohésion sociale. L’art est un moyen de rassembler et de sensibiliser. J’espère que cette exposition contribuera à rappeler l’importance de ces valeurs pour notre pays, pour une Côte d’Ivoire unie », souhaite-t-elle.
Un espace d’expression culturelle salué
Le vernissage N’vlé marque également une étape importante pour Treichville, avec l’inauguration, en juillet 2024, de la Maison culturelle N’zassa, un espace dédié à la promotion de la culture, des arts, de la créativité et du dynamisme social.
Le maire Amichia, a exprimé sa fierté d’accueillir cette exposition dans ce lieu emblématique. « Cette exposition nous permet d’apprécier l’évolution du travail de Flora Goli, une artiste qui met en lumière notre patrimoine à travers des œuvres puissantes. Nous voulons que la Maison N’zassa devienne un véritable carrefour de la création, un espace où nos artistes peuvent s’exprimer librement et partager leur talent avec le public », a-t-il déclaré.
Le représentant de la ministre de la Culture et de la Francophonie, Henri N’Koumo a salué la qualité du travail de l’artiste et l’importance de cette exposition dans le paysage artistique ivoirien. « Flora Goli est l’exemple parfait du dynamisme et du talent que nos écoles d’art forment en Côte d’Ivoire. Son travail, qui mêle modernité et tradition, nous rappelle combien la femme est au cœur de notre patrimoine culturel. À travers cette exposition, elle met en avant la noblesse de la femme africaine et la richesse de notre héritage vestimentaire », a-t-il souligné.
L’exposition, ouverte jusqu’au 21 mars à la Maison N’zassa, s’impose ainsi comme un rendez-vous incontournable pour les amateurs d’art et de culture en quête d’une immersion dans un univers où mémoire et modernité dialoguent avec force et harmonie. « Durant ces deux semaines, des ateliers seront organisés pour initier les femmes à la peinture et leur permettre d’exprimer leur créativité. Chacune pourra expérimenter et toucher du doigt l’univers artistique », a déclaré l’artiste peintre.
Avec N’vlé, Flora Goli ne se contente pas de peindre. Elle exhorte, elle célèbre, elle transmet. Un vibrant hommage aux femmes d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Encadré
Qui est l’artiste peintre Flora Goli ?
Flora Goli, née le 31 octobre 1979 à Tiassalé, en Côte d’Ivoire, est une artiste peintre reconnue pour sa dévotion à la valorisation de la femme, en particulier la femme africaine. Dès son enfance, elle se passionne pour le dessin et la peinture, trouvant son inspiration dans les livres et son imagination. Après sa formation initiale au Petit Conservatoire de Dabou, elle perfectionne ses compétences à l’atelier de l’artiste Youssouf Bath et au Centre Technique des Arts Appliqués (CTAA) de Bingerville, où elle obtient un Brevet Technique des Arts en 2002.
Flora Goli utilise des techniques telles que le collage, l’acrylique sur toile et le textile africain pour exprimer sa vision de la femme. Elle intègre des pagnes traditionnels, tels que le pagne Akan, Douro et Malinké, dans ses œuvres pour rendre hommage à la beauté et à la force des femmes africaines. Son travail se distingue par une approche figurative et élogieuse, capturant l’élégance de la femme dans ses multiples rôles. Après plusieurs années de formation et d’enseignement, Flora Goli fait ses premières expositions individuelles en 2019 et 2021, qui rencontrent un grand succès. En 2021, elle reçoit le Prix de la valorisation de la Femme, un témoignage de l’impact de son travail artistique.
Pour artiste peintre et sculpteur Mamadou Ballo, commissaire de l’exposition N’vlé, le travail de Flora Goli se distingue par une écriture visuelle singulière. « Quand on voit une de ses œuvres, on sait immédiatement que c’est du Flora. Elle ne se contente pas de peindre, elle construit un langage plastique fort, une vision artistique qui va au-delà de la simple esthétique », s’est-il extasié.
(AIP)
eaa/kam