Abidjan, 11 avr (AIP)-L’Autorité nationale de la presse (ANP) organise du 14 au 19 avril 2024, la première édition de la Semaine nationale de la presse à Abidjan avec le concours des experts et des professionnels du monde des médias. Son président, Samba Koné, dans une interview, donne les motivations et les grandes articulations de cette Semaine de la presse dédiée aux citoyens.
Monsieur le président, l’ANP organise la semaine prochaine à Abidjan, la première édition de la Semaine nationale de la presse de Côte d’Ivoire. A quelle nécessité répond cette initiative ?
Merci pour l’opportunité offerte pour en dire plus sur cette nouvelle activité de l’Autorité nationale de la presse. Ce n’est un secret pour personne, et les chiffres que l’ANP publie chaque trimestre en témoignent à suffisance, il y a un véritable désintérêt pour les citoyens-lecteurs de nos journaux. Ce désamour se retrouve avec plus ou moins d’acuité, au niveau de l’ensemble de la presse, toutes tendances confondues.
Les raisons sont multiples et multiformes. En outre, il faut peut-être aussi le rappeler, nous sommes de plain-pied dans la société de l’information avec tout ce que cela comporte comme aléas.
L’ANP a donc estimé qu’il était utile dans cette mouvance de la société de l’information, à l’instar de ce qui se passe sous d’autres cieux, d’initier une semaine nationale de la presse.
Pour nous, il s’agit de créer au cours de ladite semaine, des opportunités de rencontres et d’échanges entre le public, nos concitoyens et les acteurs de l’écosystème des médias dans notre pays. Il nous apparait nécessaire que les citoyens et les professionnels du secteur s’écoutent et se parlent. Et ce d’autant plus que la production de l’information de même que sa transmission n’est plus l’apanage ou le domaine exclusif des seuls professionnels.

Le thème central retenu pour cette première édition est « Médias, esprit critique et engagement citoyen : quelles réalités en Côte d’Ivoire ?». Quel message l’ANP veut-elle y véhiculer ?
Depuis quelques années, et de plus en plus, les citoyens sont pris dans l’engrenage de l’information. Qu’ils le veuillent ou non, ils sont dans un tourbillon informationnel ; ça nous arrive de partout à travers toutes sortes de supports. Nous sommes tous dans cette mouvance. Et face à ce tsunami, il faut que le citoyen ait un esprit critique vis-à-vis de tout ce qu’il reçoit comme message, comme information. Que ce soit à travers les canaux traditionnels de communication mais beaucoup plus encore, lorsqu’il s’agit des nouveaux moyens de liaisons.
Hier, récepteurs passifs des informations qui nous parvenaient des médias mainstream, nous sommes dorénavant, à la fois consommateurs et producteurs de l’information. Et comme tout consommateur, il faut que l’individu se préserve et soit pratiquement sur ses gardes quant à la qualité des produits informationnels auxquels il se trouve de façon permanente exposé. Au supermarché, il ne viendra à personne l’idée d’acquérir pour sa consommation des produits avariés. Pourquoi devrait-il en être autrement pour l’information qui est également un produit pouvant se révéler périlleux voire toxique pour soi ou pour la communauté ?
Et comme producteur de l’information, sans lui imposer la rigueur qu’exige le métier de journaliste professionnel, le citoyen doit tout de même connaitre les notions élémentaires, ne serait-ce que pour sauvegarder sa réputation en ligne. En effet, être à terme, étiqueté comme celui ou celle qui ne transmet que de fausses informations, des informations non avérées, n’est guère reluisant.
Pour nous résumer, il semble indispensable dans cette société de l’information, que nous fassions preuve d’un doute constant quant à la véracité, la réalité de l’information que nous venons de recevoir ou sommes prêts à transférer à autrui.
C’est cette approche que nous résumons en évoquant l’esprit critique du citoyen face aux flux informationnels. Dans cette société de l’information où l’on trouve assurément de tout et son contraire, le citoyen doit être protégé et en cela, sa meilleure assurance c’est sa capacité à discerner le fake de la vraie information, à éviter les manipulations et autres stratèges de la désinformation.
Quelles sont les activités au menu de la Semaine nationale de la presse ?
Le lancement de la Semaine nationale de la presse a été fait en novembre 2023. Autrement dit, le projet de la semaine a été muri au cours de l’année 2023, et naturellement nous nous sommes inscrits dans le tempo du moment, à savoir l’année de la jeunesse.
L’essentiel des activités de ladite semaine est, de ce fait, orientée vers les élèves des établissements secondaires et les étudiantes en journalisme ou en communication.
Auparavant, la première journée, le 15 avril prochain sera dédiée à deux activités majeures. D’une part, la conférence inaugurale sur le thème central : ‘’Médias, esprit critique et engagement citoyen’’. Cette conférence sera prononcée par le Professeur Hugues Koné, expert en science de l’information et de la communication.
D’autre part, suivra un panel co-animé par des intervenants issus de l’association des femmes juristes de Côte d’Ivoire, le Conseil national des Jeunes de Côte d’Ivoire et de la société civile.
Nous avons tantôt indiqué l’orientation jeunesse de cette première édition de la semaine. En effet, sur deux sites, à savoir l’ISTC-Polytechnique, et l’université Félix Houphouët-Boigny, le 16 avril, c’est-à-dire le lendemain de l’ouverture, se tiendront des conférences-débats sur le thème : ‘’Dans le quotidien des femmes du secteur des médias’’.
Notre objectif ici est de favoriser des opportunités de rencontres pour les étudiants, mais singulièrement les étudiantes des filières journalisme ou communication en vue d’échanger avec leurs aînées, des femmes, dans le métier, sur leurs parcours et leurs expériences dans un univers qui a des exigences spécifiques…
Pour ce qui concerne les élèves de la seconde à la terminale, il est prévu différentes activités au cours de la semaine nationale de la presse. Il s’agit entre autres de l’organisation de conférences d’initiation à la détection de la vraie information dans le flux informationnel. Des journalistes professionnels se rendront dans une dizaine d’établissements secondaires dans le district d’Abidjan, pour assurer ces séances de formation et de sensibilisation.
Par ailleurs, pour ces élèves du secondaire, des visites seront organisées au sein des entreprises de presse. Pour cette édition, nous avons retenu le groupe SNPECI, éditeur du quotidien Fraternité Matin qui offre sur le même site l’ensemble de la chaîne de production.
Par cette activité, nous entendons faire vivre aux élèves, les différentes étapes de la production d’un support d’information imprimé et en ligne. De l’élaboration du menu du journal donc du contenu à sa distribution en passant par les différentes phases à savoir rédaction, correction, mise en page, impression et routage pour la distribution.
Quant aux écoles et grandes écoles qui disposent d’un journal, la semaine nationale de la presse offre l’occasion de participer au concours du meilleur journal-école et du meilleur article de presse. L’inscription se fait en ligne sur le site de l’ANP (anp.ci). Il s’agit à la fois de susciter la création de supports internes imprimés et ou en ligne aux établissements et d’encourager en quelque sorte, les génies en herbe.
Monsieur le président, pourquoi avoir ciblé les élèves ? En occident par exemple, l’éducation aux médias et à l’information a intégré les curricula de formation dans les écoles. Est-ce ce schéma que l’ANP voudrait emprunter ?
Rire… Nous aurions aimé, nous aurions souhaité que les structures de formation, l’éducation nationale s’impliquent à pouvoir intégrer cet aspect dans les programmes scolaires. Cela s’avère être une nécessité de nos jours.
Comment évoluer dans une société de l’information sans en être l’otage ? Comment vivre en citoyen actif et responsable dans une telle société sans connaître les fondements, sans connaître les principes de l’information ? Il faut commencer par la base et il n’y a pas meilleur lieu pour s’approprier ces règles que l’école.
A pas mesurés, l’ANP va prendre ce chemin, c’est-à-dire faire en sorte que dans les établissements qui seraient intéressés, nous puissions apporter notre modeste contribution à l’éducation aux médias et à l’information. Cette contribution portera essentiellement sur la sensibilisation, l’initiation et la formation. A terme, il s’agira avec le concours d’enseignants intéressés, de parvenir à la création de clubs de presse dans les établissements. L’ANP pourra si elle est sollicitée, apporter son concours à l’animation de ces clubs de presse.
Notre rêve est que le concept de la semaine nationale de la presse soit partagé par le plus grand nombre. Certes par l’ensemble de l’écosystème des médias en Côte d’Ivoire mais surtout par les structures d’éducation, de formation et les acteurs de la société civile.
(AIP)
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