Une enquête réalisée par Adrienne Ehouman
Abidjan, 23 oct 2023 (AIP) – T. Awa, une femme de 30 ans, a toujours pris soin de sa santé, mais un jour, elle ressent des douleurs abdominales persistantes. Après deux semaines d’observation, elle consulte un médecin. Le diagnostic est sans appel. Il s’agit du cancer du col de l’utérus. La souffrance d’Awa est à la fois physique et morale. Les traitements lourds lui causent des nausées, une fatigue extrême et une perte de cheveux. Mais ce n’est pas le seul obstacle.
Elle vit au Nord de la Côte d’Ivoire, où l’accès aux soins spécialisés est limité. Les coûts élevés des traitements la plongent dans des difficultés financières constantes. Dans cette épreuve, elle trouve du soutien auprès d’organisations caritatives, de sa famille et de ses amis et affronte sa maladie avec courage et détermination. Son histoire souligne la nécessité d’une sensibilisation accrue, de l’accès aux soins médicaux et de la solidarité pour combattre ce fléau silencieux.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit que « d’ici 2040, si aucun programme significatif n’est mis en œuvre en Côte d’Ivoire, nous observerons une augmentation de 188% des décès liés au cancer, dont 102,5% de décès du cancer du col de l’utérus ».
Selon ses données les plus récentes, « la Côte d’Ivoire a enregistré en 2020, au niveau du cancer du col de l’utérus, 2067 nouveaux cas diagnostiqués, ainsi que 1417 décès, avec un taux de diagnostic tardif de 76% et un taux de mortalité de 22,8% ».
Il est essentiel de s’interroger sur les causes de ces chiffres alarmants. En tout état de cause, il est impératif d’intensifier la lutte contre le cancer du col de l’utérus qui est une priorité absolue en terre ivoirienne. Comme T. Awa, K. Emilienne subit les conséquences de cette maladie dévastatrice. Mère de deux enfants, K. Emilienne est une femme célibataire de 41 ans qui vit à Grand-Bassam. Elle a été diagnostiquée avec un cancer du col de l’utérus en 2021, ce qui l’a obligée à quitter son poste de gérante dans une boulangerie. Son témoignage illustre les difficultés rencontrées dans la lutte contre ce fléau silencieux, qui lui a coûté, à ce jour, plus de trois millions de FCFA. « Les premiers signes de cette maladie se sont manifestés par des saignements abondants au niveau du vagin. Au début, je pensais que c’était dû à des maux courants en Côte d’Ivoire, comme “coco“, “bobodouman“ ou les hémorroïdes, que j’attribuais à mon travail qui me demandait de rester assise longtemps. Je me soignais donc avec des purges pour arrêter les saignements. Je ne suivais pas de traitement médical spécifique.
Malheureusement, les saignements ont persisté malgré ces remèdes et sont devenus de plus en plus graves. J’ai perdu beaucoup de sang au point de perdre connaissance à deux reprises, une fois chez moi et l’autre à l’hôpital. Après avoir repris connaissance chez moi la première fois, j’ai arrêté l’automédication et je me suis rendue à l’hôpital. Le médecin m’a prescrit un traitement pour stopper les saignements. Cependant, même après avoir suivi ce traitement, mon état ne s’est pas amélioré. J’ai donc dû retourner à l’hôpital, où j’ai été hospitalisée pendant deux semaines dans une clinique. Ensuite, j’ai été orientée vers le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Treichville. Là-bas, un gynécologue m’a rapidement examinée et conseillée de faire une biopsie en urgence. Ce procédé consiste à prélever un petit morceau du col de l’utérus pour l’analyser en laboratoire le jour même. Nous avons réalisé cet examen et attendu avec angoisse les résultats pendant deux semaines. Quand le médecin a reçu les résultats, il m’a demandé de venir le voir, accompagnée de quelqu’un. J’ai répondu à son appel avec ma petite sœur. En voyant son attitude avant de nous annoncer les résultats, j’ai compris que la nouvelle serait grave », raconte Emilienne avec tristesse.
Elle a passé une IRM -Imagerie par résonnance magnétique-, un examen qui a permis au médecin de confirmer le diagnostic de cancer du col utérin. Mais, selon le médecin, une opération n’était pas possible, car le cancer s’était étendu et touchait non seulement le col de l’utérus, mais aussi le rectum et l’utérus lui-même, rendant une intervention chirurgicale impossible. Son cas, “ très compliqué“, la jeune femme devait suivre à la fois la radiothérapie -Traitement qui utilise les rayons pour détruire les cellules cancéreuses- et la chimiothérapie -Traitement qui consiste à utiliser des médicaments appelés agents chimiothérapeutiques pour empêcher la propagation des cellules cancéreuses-, car elle saignait toujours.
Dans le traitement du cancer du col de l’utérus, les approches thérapeutiques varient selon la gravité de la maladie. Elles comprennent la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie et les soins palliatifs visant à soulager la douleur et à améliorer le confort. Les coûts du traitement sont variables et dépendent du stade de la maladie, des traitements nécessaires, des médicaments prescrits et des établissements de santé impliqués.
Emilienne a été transférée au Centre national de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO). “Au centre, les cancérologues ont confirmé que l’opération était trop risquée, pouvant mettre ma vie en danger ou favoriser la propagation du cancer dans mon corps. J’ai donc commencé un traitement combiné de radiothérapie et de chimiothérapie. J’ai dû faire un total de 33 séances de radiothérapie et 8 séances de chimiothérapie”.
“Depuis que j’ai commencé la radiothérapie, les saignements ont cessé jusqu’à aujourd’hui. Mais la chimio est dure. Je vivais à Abidjan, mais à cause de la maladie, je suis retournée à Grand-Bassam pour être avec ma famille. Le soutien moral de ma famille est précieux, mais financièrement, c’est difficile. Les frais au CNRAO sont élevés, plus de trois millions pour la radiothérapie et la chimio. Heureusement, le Centre a pris en charge une partie des coûts”, souligne-t-elle.
Emilienne souffre de douleurs corporelles intenses, surtout au ventre et au côté gauche, qui nécessitent des médicaments à base de morphine. La chimiothérapie a aussi affecté son appétit et son alimentation. Elle doit respecter des restrictions alimentaires difficiles.
“Quand j’ai commencé la chimiothérapie, la douleur était si forte que j’ai eu besoin de morphine. Pour obtenir ce médicament, il faut avoir un carnet rouge au CNRAO, puis aller au CHU de Treichville pour l’acheter. Une boîte de morphine coûte 52 000 francs CFA, et une plaquette 13 200 francs CFA. Sans un soutien financier suffisant, la situation est très difficile.
A ma famille, je dis merci pour son soutien dans mon combat contre la maladie”, explique-t-elle.
Au gouvernement, je demande de l’aide. Le gouvernement devrait intervenir pour aider les patients atteints de cancer, en prenant en charge notamment les coûts des médicaments indispensables pour atténuer les effets de la chimiothérapie.
Comme K. Emilienne et T. Awa, de nombreuses femmes victimes du cancer du col de l’utérus souffrent en silence d’énormes difficultés qu’elles rencontrent dans la prise en charge de leurs soins, au point qu’elles se sentent souvent abandonnées.
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Des données statistiques
Le cancer est une maladie redoutable qui entraîne de nombreux décès dans le monde, surtout dans les pays à ressources limitées. Il constitue un problème majeur de santé publique qui nécessite des politiques de lutte efficaces. Selon l’observatoire mondial sur le cancer (Globocan), près de 19,3 millions de nouveaux cas ont été recensés en 2020 et 9,9 millions de personnes en sont décédées. Environ 70% de ces nouveaux cas surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et ces proportions augmenteront d’ici 2030. Cette incidence pourrait croître jusqu’à 24,6 millions de nouveaux cas en 2030. Aussi, le taux de décès augmentera de façon vertigineuse jusqu’à atteindre 13 millions en 2030, si de véritables politiques de lutte ne sont pas mises en place », a déclaré le ministre de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle (CMU), Pierre Dimba1.
En Côte d’Ivoire, le cancer est également une cause importante de morbidité et de mortalité. Selon les estimations de Globocan 2020, le nombre de nouveaux cas en Côte d’Ivoire était estimé à 17 300 dont 9896 femmes et 7404 hommes. Tous sites et tous sexes confondus, le cancer du sein est le plus fréquent (19,1%), suivi des cancers de la prostate (15,9%), du col de l’utérus (11,9%), du foie (6,6%) et des lymphomes non hodgkiniens (4,9%). Chez la femme, les cancers du sein et du col de l’utérus sont les plus diagnostiqués, avec des taux d’incidence standardisés respectivement de 44,7 et 31,2 pour 100 000 femmes.
Le cancer du col de l’utérus (CCU), qui est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme en Côte d’Ivoire, après celui du sein, est causé par une infection persistante au papillomavirus (HPV) oncogène, dont les types 16 et 18 sont responsables de près de 70% des cas, selon le Centre International de Recherche sur le cancer (CIRC). Dans le monde, le cancer du col utérin est le quatrième cancer chez la femme. En 2020, le monde a enregistré 604.127 nouveaux cas de cancer du col et 341.831 cas de décès. Ces chiffres sont estimés de 604,000 à 700,000 cas et de 342,000 à 400,000 décès par an d’ici 2030, si aucune mesure sanitaire rigoureuse n’est mise en place, selon le CIRC.
En Côte d’Ivoire, le cancer du col de l’utérus a touché 2067 femmes et provoqué 1417 décès en 2020, d’après les données les plus récentes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le taux de diagnostic tardif est de 76% et le taux de mortalité de 22,8%. Selon le registre du cancer d’Abidjan, l’âge moyen de survenue du cancer du col de l’utérus en Côte d’Ivoire, est estimé à 53 ans avec des extrêmes allant de 25 ans à 70 ans. On a vu des femmes de 25 à 30 ans qui développent des cancers du col de l’utérus, a soutenu le professeur Dia Jean Marc, enseignant à l’UFR de Médecine à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan.
Pourtant, « il s’agit d’un cancer évitable, notamment par le dépistage des lésions précancéreuses qui peuvent être facilement traitées », a souligné le chef de service planification et suivi évaluation du Programme national de lutte contre le cancer en Côte d’Ivoire (PNLCa), le docteur Adié Yao.
Le CCU est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme en Côte d’Ivoire, après celui du sein. Il est causé par une infection persistante au papillomavirus (HPV) oncogène, dont les types 16 et 18 sont responsables de près de 70% des cas, selon le docteur Boni Simon du PNLCa.
Le dépistage du CCU peut se faire par plusieurs méthodes, comme l’inspection visuelle à l’acide acétique (IVA), le test HPV ou le frottis cervico-utérin (FCU). Le dépistage permet de détecter les lésions précancéreuses et de les traiter avant qu’elles ne deviennent cancéreuses. Le traitement peut se faire par cryothérapie, thermocoagulation ou chirurgie.
En Côte d’Ivoire, le dépistage du CCU est recommandé pour les femmes âgées de 25 à 49 ans, tous les trois ans. Plusieurs projets et protocoles ont été mis en place pour renforcer la prévention et la prise en charge du CCU, notamment par le PNLCa, l’OMS, le CIRC et d’autres partenaires. L’objectif est de dépister 55 000 femmes par le test HPV, suivi du traitement par thermocoagulation ou par RAD, après une IVA positive.
Le CCU est un cancer qui peut être évité et guéri s’il est dépisté et traité à temps. Il est donc important que les femmes se fassent dépister régulièrement et qu’elles bénéficient d’un soutien médical et financier adéquat.
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Des facteurs contribuent au développement du cancer du col de l’utérus en Côte d’Ivoire
Le docteur Ehouman Ahnel est gynécologue obstétricienne à l’hôpital d’Arrah. Elle a réalisé une étude sur la “Problématique de la prise en charge diagnostic du cancer du col de l’utérus au service de gynécologie-obstétrique du CHU de Treichville de 2019 à 2022“.
Selon elle, le facteur principal à l’origine du CCU est l’infection persistante à papillomavirus humain (HPV). Il existe des cofacteurs qui favorisent cette infection ou sa transformation en cancer. Le HPV est un virus très répandu qui se transmet sexuellement dès le début de la vie sexuelle. Il est responsable de maladies variées qui sont le plus souvent bénignes. Il existe une centaine de types d’HPV, mais la plupart des infections dues aux HPV disparaissent spontanément. Quand ces infections persistent, elles peuvent entraîner le développement de lésions précancéreuses qui, si elles ne sont pas traitées, sont susceptibles d’évoluer en cancer surtout en présence de facteurs cancérigènes.
« Les comportements sexuels à risque accru de l’infection à HPV oncogénique sont la précocité des premiers rapports sexuels, les partenaires sexuels multiples, les antécédents de maladies sexuellement transmissibles (MST), le bas niveau socio-économique, qui engendrent un manque d’accès aux dépistages et des comportements à risque », affirme-t-elle.
Les cofacteurs favorisent la persistance de l’infection à HPV ou interviennent dans la cancérogénèse. Ce sont « le tabagisme actif, le déficit immunitaire acquis dont l’infection au VIH, la co-infection à la bactérie chlamydia ou par un herpès virus, la contraception orale au long cours (plus de 5 ans) », ajoute-t-elle.
Le professeur Dia Jean Marc, agrégé en gynécologie et obstétrique confirme ces propos. « Tout part de la contamination par ce virus, appelé le human papillomavirus, qui se contracte par voie sexuelle. Une fois contracté, le virus va provoquer des anomalies au niveau des cellules du col. Ces anomalies initialement, ne sont pas cancéreuses. Il s’agira de lésions précancéreuses, qui par la suite vont s’aggraver et devenir des cellules cancéreuses », atteste-t-il.
Les causes endémiques vont concerner toutes les causes qui vont favoriser la contamination à ce virus. C’est une infection sexuellement transmissible. Toutes les causes d’infection sexuellement transmissible seront à l’origine de la transmission de ce virus. Il s’agit entre autres de partenaires multiples, de rapport sexuel précoce, d’accouchement multiple, la contamination par le VIH qui fait baisser le système immunitaire de la femme, provoquant une prolifération de la maladie, le tabagisme et le bas niveau socio-économique, poursuit-il.
Selon la directrice du Centre national de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO), le professeur Jufith Dibi-Koulo Coulibaly, « le tabagisme cause 90% des cancers du poumon et est associé à hauteur de 30% d’autres cancers ». Plus concrètement, la proportion du tabagisme parmi les cas de cancers invasifs du col utérin est passée de 2,7% en 2009 à 13,1% en 2019, selon le Plan stratégique national de lutte contre le cancer (PSNCancer 2022_2025).
Le cancer du col de l’utérus (CCU) est un problème de santé publique en Côte d’Ivoire, qui entraîne de nombreux décès chez les femmes. La Coalition des organisations de lutte contre les cancers (COLCC) a identifié deux facteurs principaux qui expliquent cette situation : le dépistage du CCU très peu fréquent dans le pays et le diagnostic tardif du CCU chez la plupart des femmes.
Une étude réalisée de 2018 à 2020 dans le cadre du Projet RECOCI « Renforcement de l’enregistrement des cas de cancer du col au sein du Registre des cancers d’Abidjan » a confirmé que les CCU en Côte d’Ivoire sont généralement diagnostiqués à un stade avancé.
« Plus de 70% des femmes ayant développé un cancer du col sont diagnostiquées à un stade avancé. Toutes les femmes ayant participé à l’étude ont été diagnostiquées à cause des symptômes, et non suite à un dépistage de routine. Seules 9% des femmes avaient déjà fait un dépistage du CCU avant leur maladie. Aussi 70% ont obtenu un diagnostic du CCU plus de six mois après leurs premiers symptômes » indique cette étude qui fait partie de la politique de la COLCC.
Selon le sondage, trois types de raisons peuvent expliquer ce diagnostic tardif.
D’une part, des raisons individuelles qui sont liées aux femmes, comme la faible connaissance du cancer du col de l’utérus et de son dépistage (Seule la moitié des femmes avait déjà entendu parler du CCU avant leur diagnostic. La quasi-totalité des femmes (97%) ne se percevaient pas à risque), une mauvaise interprétation des symptômes qui retarde la consultation chez un professionnel de santé. De plus, beaucoup de femmes n’ont pas l’habitude d’un suivi gynécologique régulier, en dehors des grossesses et des pathologies, et manquent de moyens financiers, ce qui les pousse à recourir aux tradipraticiens, qui sont parfois perçus comme pouvant traiter leur maladie à moindre coût. Ainsi, 32% des femmes ont eu recours à des tradipraticiens dès l’apparition des premiers symptômes.
« Quand j’ai remarqué que l’eau sortait trop dans mon vagin, je suis partie voir la vieille femme du village parce que je n’avais pas les moyens financiers pour aller à un hôpital », a témoigné Elizabeth, âgée de 38 ans, diagnostiquée au stade 5 (stade avancé).
D’autre part, des raisons liées au personnel de santé. Selon l’étude, les soignants ont des connaissances limitées sur les signes, les symptômes et la prise en charge adéquate du CCU. Les femmes rapportent de nombreux faux diagnostics durant cette période d’errance, tels que le paludisme, l’infection vaginale, le col ouvert, le fibrome. Les traitements proposés par les soignants ont consisté entre autres, à boire trois litres d’eau par jour pour les pertes vaginales, à prendre des ovules, des médicaments, faire des piqûres, ce qui génère une longue « errance au diagnostic ».
L’étude a révélé que 64% des femmes ont eu plus de trois consultations avant leur diagnostic, ce qui montre la difficulté des soignants à effectuer un diagnostic. Les professionnels de santé proposent rarement le dépistage et lorsqu’ils le proposent, fournissent peu d’explication sur l’intérêt d’un tel examen.
Ces facteurs contribuent au développement du cancer du col de l’utérus en Côte d’Ivoire.
Pour prévenir et combattre ce cancer, il est important de sensibiliser les femmes sur les risques, les symptômes et les moyens de dépistage du CCU. Il existe plusieurs méthodes de dépistage, comme l’inspection visuelle à l’acide acétique (IVA), le test HPV ou le frottis cervico-utérin (FCU). Le dépistage permet de détecter les lésions précancéreuses et de les traiter avant qu’elles ne deviennent cancéreuses. Le traitement peut se faire par cryothérapie, thermocoagulation ou chirurgie.
En Côte d’Ivoire, le dépistage du CCU est recommandé pour les femmes âgées de 25 à 49 ans, tous les trois ans. Plusieurs projets et protocoles ont été mis en place pour renforcer la prévention et la prise en charge du CCU, notamment par le Programme national de lutte contre le cancer (PNLCa), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et d’autres partenaires. L’objectif est de dépister 55 000 femmes par le test HPV, suivi du traitement par thermocoagulation ou par RAD, après une IVA positive.
Le CCU est un cancer qui peut être évité et guéri s’il est dépisté et traité à temps. Il est donc essentiel que les femmes se fassent dépister régulièrement et qu’elles bénéficient d’un soutien médical et financier adéquat.
Le dépistage et le traitement du cancer du col de l’utérus (CCU) sont des enjeux majeurs de santé publique en Côte d’Ivoire, où cette maladie touche de nombreuses femmes et provoque de nombreux décès. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Côte d’Ivoire a enregistré en 2020, 2067 nouveaux cas de CCU et 1417 décès.
Or, le dépistage du CCU est rarement proposé par les professionnels de santé, qui manquent de temps, de connaissances et d’équipements pour le réaliser. Les femmes, quant à elles, ont peu d’informations sur l’intérêt et les modalités d’un tel examen, qui permet de détecter et de traiter les lésions précancéreuses avant qu’elles ne deviennent cancéreuses.
Ces facteurs contribuent au développement du CCU en Côte d’Ivoire, où la plupart des femmes sont diagnostiquées à un stade avancé de la maladie, ce qui réduit leurs chances de guérison.
En outre, les patientes affectées par cette maladie font face à de nombreuses difficultés allant de la première consultation à la gestion de leur traitement.
Une étude réalisée de 2018 à 2020 dans le cadre du Projet RECOCI « Renforcement de l’enregistrement des cas de cancer du col au sein du Registre des cancers d’Abidjan » a révélé les obstacles dans le parcours de soins des patientes atteintes de CCU.
Le manque de centres de dépistage, qui sont encore trop peu nombreux, pas toujours actifs et qui manquent d’équipements (notamment pour le traitement des lésions précancéreuses) et de personnel qualifié. Il n’existe pas encore de stratégie nationale ni de guide opérationnel sur le dépistage systématique et gratuit du CCU.
Le manque de financements pour lutter contre le CCU, qui sont encore limités au niveau national, malgré les efforts du gouvernement. Les coûts du dépistage et du diagnostic restent à la charge des patientes, et sont encore largement élevés pour une grande partie de la population. En dehors d’octobre rose, où des structures organisent un dépistage gratuit, le dépistage par inspection visuelle (IVA) coûte entre 3.000 et 10.000 FCFA pour les femmes non infectées par le VIH.
Le manque de sensibilisation et de communication sur le CCU, qui est moins connu que le cancer du sein par les populations. Les campagnes de sensibilisation et de dépistage du CCU sont encore insuffisantes, irrégulières, et concentrées dans les zones urbaines. Les femmes ont peu de connaissances sur les risques, les symptômes et les moyens de dépistage du CCU. Elles ne se perçoivent pas à risque et interprètent mal les symptômes, ce qui retarde la consultation chez un professionnel de santé.
Le manque de spécialistes et de centres de prise en charge du CCU, qui ne se trouvent que dans les grandes villes du pays. Les patientes vivant à l’intérieur du pays doivent se rendre à Abidjan ou à Bouaké pour un diagnostic complet et une prise en charge. Le diagnostic du CCU par la biopsie cervicale ne se fait que dans les centres hospitaliers et universitaires (CHU) d’Abidjan et de Bouaké, ainsi que dans certains centres de santé privés qui disposent de personnel qualifié et de plateau technique approprié.
Ces difficultés entravent l’accès aux soins des patientes atteintes de CCU et augmentent le risque de complications et de décès.
Pour améliorer la situation, il est nécessaire de renforcer la prévention, le dépistage et le traitement du CCU en Côte d’Ivoire, en s’appuyant sur l’initiative mondiale pour l’élimination du cancer du col de l’utérus d’ici 2030 lancées par l’OMS en 2020. Cette initiative repose sur trois piliers : la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV), le dépistage et le traitement des lésions précancéreuses, et le traitement des cancers invasifs et les soins palliatifs, souligne l’étude réalisé dans le cadre du Projet RECOCI.
Un projet de prévention secondaire du CCU dénommé SUCCESS a été initié dans quatre pays du monde, dont la Côte d’Ivoire, avec le soutien du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). L’objectif est de dépister 55 000 femmes par le test HPV, suivi du traitement par thermocoagulation ou par RAD, après une IVA positive.
Le CCU est un cancer qui peut être évité et guéri s’il est dépisté et traité à temps. Il est donc essentiel que les femmes se fassent dépister régulièrement et qu’elles bénéficient d’un soutien médical et financier adéquat.
« La prise en charge du CCU au CHU de Treichville est assurée par le service de gynécologie et le service de cancérologie. Chaque semaine, nous recevons entre quatre et cinq femmes atteintes de cancer du col de l’utérus. Au service de gynécologie, la moyenne est de deux à trois femmes par semaine », déclare le Professeur Dia Jean Marc, agrégé en gynécologie et obstétrique. Selon une étude menée par le Dr Ehouman Ahnell sur 107 patientes, la plupart d’entre elles ont un bas niveau socioéconomique (81,3%), aucune source de revenu (34,6%), et viennent de l’extérieur d’Abidjan (45,8%). Cela montre le manque d’unités de prise en charge du cancer du col de l’utérus dans leur ville d’origine.
Le coût du transport et de l’hébergement dans les villes d’accueil représente un obstacle majeur pour le parcours de soins des patientes atteintes de cancer du col de l’utérus. De plus, les coûts de la consultation, des examens biologiques et radiologiques sont inaccessibles pour la majorité des patientes, affirme le Dr Ehouman Ahnel.
« Nous avons soutenu des patientes atteintes du CCU qui sont venues de Korhogo à Abidjan, précisément au CHU de Treichville, pour leur prise en charge. Elles étaient dans des conditions très précaires, sans aucun moyen. Souvent accompagnées d’un parent, ces femmes n’avaient pas de logement. Par compassion pour elles, nous leur avons trouvé un hébergement et les avons assistées tout au long des soins », témoigne avec émotion le chargé de suivi et évaluation de la Coalition des organisations de lutte contre le cancer (COLCC), Atta Sombo Victorien.
Lors de la consultation d’annonce, le Dr Ehouman Ahnel explique que la patiente est convoquée avec un soutien familial pour recevoir son résultat personnel. Le diagnostic lui est alors communiqué, ainsi que les options de traitement possibles. Un premier schéma thérapeutique peut être proposé, mais il sera validé par une réunion de concertation pluridisciplinaire. Le médecin informe la patiente des examens complémentaires à réaliser (IRM, bilan d’extension, consultation chez l’anesthésiste). La patiente bénéficie ensuite d’un soutien psychologique.
La majorité des patientes (57,9%) sont à un stade clinique avancé (stade 3 et plus). À ces stades avancés, précise-t-elle, la prise en charge nécessite systématiquement la radiothérapie, qui n’est disponible qu’au Centre national de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO).
« Cette insuffisance de plateau technique entraîne le fait de retrouver des patientes alitées dans nos services d’hospitalisation de gynécologie, où elles ne bénéficient pas de soins spécifiques », déplore-t-elle.
Le Dr Ehouman Ahnel souligne également les difficultés de la prise en charge diagnostique des patientes au CHU de Treichville. Elle révèle que seulement 46,7 % des patientes avaient fait un dépistage du cancer du col de l’utérus auparavant. De plus, la majorité de ces patientes avaient un dépistage normal qui datait de plus de trois ans (86%).
Ce constat pose le problème de la fiabilité du test de dépistage, avance-t-elle. Concernant la fiabilité, il est admis en médecine que tout test de dépistage n’est pas fiable à 100% et qu’il existe des variabilités selon le test utilisé. L’IVA est le test le plus utilisé en Côte d’Ivoire dans les établissements publics. Ce test est validé par l’OMS comme fiable, mais moins performant que le FROTTIS. Pour améliorer la performance de ces tests (IVA ET FROTTIS), il a été recommandé à un moment donné de les associer au test HPV, qui est aujourd’hui le test préconisé, fait-elle savoir.
De plus, la majorité des patientes avaient leur dernier dépistage qui remontait à plus de trois ans, ce qui pose le problème de l’irrégularité du dépistage chez ces patientes. Ces résultats, souligne-t-elle, « traduisent l’échec de la sensibilisation sur le dépistage. Au cours de cette sensibilisation, il est important d’insister sur la régularité ». Elle affirme également que le délai entre les premiers signes du cancer du col et la première consultation dans le service d’oncologie était supérieur à six mois chez la majorité des patientes (84,1%). « Ces longs délais pourraient s’expliquer par l’automédication, la méconnaissance des symptômes évocateurs d’un cancer, l’usage de la pharmacopée traditionnelle, le manque de ressources financières, l’inexistence de la médecine préventive et l’atteinte de l’intimité » soutient-elle. Par ailleurs, la gynécologue obstétricienne indique que le prix de la consultation, variant entre 5.000 et 10.000 FCFA, n’était pas accessible à toutes ces patientes d’un niveau socio-économique faible (81,3%). Il est donc important de subventionner les consultations pour réduire ces retards liés à la patiente.
Autre facteur de retard, ceux liés au système de santé notamment les rendez-vous éloignés (55%) et les errances diagnostiques (45%). Il faut donc sensibiliser le personnel médical sur l’importance de l’examen au spéculum lors de tout examen gynécologique et faire des efforts pour réduire les délais de consultation chez les patientes suspectes, souhaite-t-elle. Elle note également le long temps mis pour livrer les résultats du diagnostic. Le délai diagnostique était long d’un mois et plus dans 91,6%, soit 98 patientes. Ces longs délais étaient liés selon elle, en partie à la durée d’attente du résultat histologique –d’analyse des tissus- (27, 6%) qui normalement devait être obtenu en 15 jours.
En outre, Dr Ehouman Ahnel révèle que les caractéristiques cliniques sont des obstacles à une meilleure prise en charge des patientes. En effet, la majorité des cancers chez ces patientes au CHU de Treichville sont découverts tardivement par des symptômes (61,7% des patientes) avec une altération de l’état général et en phase 3 et 4 de la maladie (84%).
À ces stades de la maladie, poursuit-elle, la prise en charge devient plus délicate et nécessite la mobilisation de gros moyens généralement coûteux et de structures spécialisées dans les soins palliatifs. Or, déplore le médecin, « nos structures publiques ne disposent pas de service spécialisé en soins palliatifs, et la majorité de nos patientes sont de conditions sociales défavorables (81,3%) à l’image des patientes consultant les structures publiques. Elles pourraient donc être confrontées à des difficultés pour assurer leur prise en charge à ces stades tardifs, aggravant le pronostic ».
D’après le chef de service Suivi et Évaluation de la Coalition des organisations de lutte contre le cancer (COLCC-CI), Atta Sombo Victorien, la Côte d’Ivoire ne dispose pas suffisamment de structures d’accueil et de traitement du cancer du col de l’utérus. Il n’y a que deux qui fonctionnent aisément, à savoir le CHU de Treichville et le CNRAO. Le service d’oncologie de Bouaké est récent. Il traitera le cancer du sein et du col de l’utérus. Outre cela, il y a les cliniques privées, où les soins sont excessivement chers.
Le chef de service Planification et Suivi évaluation du PNLCa, le Dr Adié Yao, mentionne que l’État de Côte d’Ivoire, par le biais du Programme, a installé à travers le pays 186 sites de dépistage du cancer du col de l’utérus, dont 38 à Abidjan, comparés à plus de 2000 centres de santé en Côte d’Ivoire. Sur ces sites, on fait la recherche des lésions précancéreuses et un traitement préliminaire.
« Ce sujet nous préoccupe beaucoup, au sein de la Coalition. Nous voulons que nos mamans ne soient pas malades du cancer du col de l’utérus ou du sein », lance M. Atta.
Il déplore également que « la Côte d’Ivoire n’ait pas suffisamment de spécialistes ». Cependant, il reconnaît certains progrès, « puisque l’État fait des efforts pour former des spécialistes en anapath, en cancérologie et pour acquérir des équipements plus performants ». « Le fait qu’on n’ait que deux Anapath fonctionnels dans les centres hospitaliers publics en Côte d’Ivoire, retardait souvent les résultats. Vous pouviez les déposer aujourd’hui et c’est dans un délai d’un mois voire deux mois que vous pouviez avoir le résultat. Souvent, la femme décédait avant d’avoir le résultat. C’est la triste réalité des difficultés en Côte d’Ivoire », s’indigne M. Atta, ajoutant qu’aujourd’hui, le PNLCa annonce à présent 12 anapaths, une avancée dans l’équipement qui mérite d’être saluée.
Par ailleurs, « le traitement du cancer du col au CNRAO est payant. Tout le monde n’a pas les moyens de se faire soigner jusqu’à la fin. L’État ne prend pas en charge les soins. Le CNRAO facilite les soins. Le malade peut se faire traiter et payer progressivement les soins. Les soins du cancer du col de l’utérus ne sont pas gratuits », martèle M. Atta de la COLCC.
Au niveau des médicaments, l’État a signé un protocole d’accord avec les laboratoires Roche qui permet aux malades de certains types de cancer, dont le cancer du sein, qui doivent suivre un protocole de soin, d’acheter les médicaments à moindre coût.
« Mais cette facilité ne concerne pas le cancer du col de l’utérus. Les femmes malades du col de l’utérus payent leurs traitements et leurs médicaments », précise M. Atta de la Société civile.
Ces difficultés dans le parcours médical des patientes atteintes de cancer du col de l’utérus sont corroborées par une étude du ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, publiée en mars 2020, dans le plan stratégique national de lutte contre le cancer (PSN Cancer 2020-2025). L’utilisation des services de dépistage et de traitement des lésions précancéreuses se heurtait à l’approvisionnement irrégulier voire inexistant en intrants et en gaz sur plus du tiers des sites, ainsi qu’au coût du dépistage (coût moyen de 2000 FCFA en 2016).
En milieu rural, l’accès au dépistage était encore plus faible en raison de la faible couverture des unités de dépistage et de la communication insuffisante sur la prévention et la détection précoce du cancer du col de l’utérus.
Le coût du dépistage, la crainte de frais supplémentaires en cas de test positif ou de cancer détecté, la peur du diagnostic, la longue distance à parcourir pour avoir un dépistage et/ou un traitement étaient les barrières à l’atteinte de l’objectif de 70% de femmes dépistées.
Une enquête de ménage menée en 2019 dans la région sanitaire du Sud-Comoé a révélé un taux de couverture du dépistage du cancer du col de l’utérus de 13,5%. De plus, seulement 23,1% des femmes traitées pour des lésions précancéreuses respectent leur visite de contrôle à un an après le traitement. Il en résulte un risque élevé de récidive et de progression vers le cancer invasif.
Au niveau national, les données de routine montrent que la proportion de femmes traitées pour des lésions précancéreuses du col de l’utérus était de 22,6% en 2018, 22,2% en 2019 et 13,1% en 2020, parmi environ 162 centres de dépistage. Ce faible taux de traitement pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs, dont la mauvaise maintenance des appareils de cryothérapie, le coût élevé du traitement (passé de gratuit en 2015 à 10 000 FCFA en moyenne en 2020), et le suivi insuffisant des femmes dépistées positives avec un traitement différé.
Pour surmonter les difficultés logistiques liées à la cryothérapie (rupture fréquente du gaz réfrigérant) et la sensibilité variable de l’inspection visuelle à l’acide acétique (IVA), des projets sont en cours pour mettre en œuvre le dépistage par détection moléculaire des génotypes oncogènes du papillomavirus humain (test HPV) et le traitement des lésions précancéreuses par la thermocoagulation. La thermocoagulation est une alternative prometteuse à la cryothérapie, car elle nécessite moins de conditions logistiques. L’appareil (thermo-coagulateur) fonctionne à l’électricité et est facilement transportable.
L’étude indique également que les investissements en santé ont augmenté ces dernières années (de 330,4 milliards FCFA en 2016 à 588 milliards FCFA en 2019). En 2018, les principales sources de financement de la santé étaient les ménages (39,43%), le secteur public (28,81%), le secteur privé (19,44%), et le reste du monde (12,32%).
L’étude révèle que les dépenses liées au cancer sont largement supportées par les ménages (39,43%), en raison d’une faible couverture de la prise en charge anti-cancéreuse et d’un abandon des soins fréquent en cas de difficultés financières. Ce paiement direct des ménages constitue un obstacle à l’utilisation des services de prévention des cancers, notamment le dépistage du cancer du col de l’utérus.
En effet, l’étude précise que les populations craignent les dépenses supplémentaires en cas de test positif, qu’elles manquent de moyens financiers, et qu’il n’existe pas de subvention pour la prise en charge anti-cancéreuse des patientes atteintes de cancer du col de l’utérus.
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Coût de la prise en charge du cancer du col de l’utérus est 550 000, minimum et 3 000 000 FCFA maximum.
L’étude souligne que le cancer du col de l’utérus n’est pas couvert par la Couverture maladie universelle (CMU), qui ne prend pas en compte le cancer en général. La prise en charge optimale de ces patientes est donc un véritable défi, d’autant plus que seulement 6% des personnes atteintes de cancer disposent d’une assurance maladie.
L’État de Côte d’Ivoire, en collaboration avec les laboratoires Roche, à travers l’initiative Access Roche, subventionne la prise en charge des patientes atteintes du cancer du sein, de l’hémophilie A, de l’hépatite virale B et de l’insuffisance rénale, à hauteur de 137 053 937 euros sur cinq ans. La part de l’État s’élève à 29 964 035 euros.
Les patientes atteintes du cancer du col de l’utérus ne bénéficient pas de cette subvention, alors que le cancer du col de l’utérus est la deuxième cause de décès par cancer chez les femmes, après le cancer du sein. Les infrastructures de diagnostic clinique et de prise en charge du cancer du col de l’utérus en Côte d’Ivoire sont le CHU de Treichville, le CHU de Cocody, le service d’oncologie de Bouaké, et le Centre d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO).
Le chef service partenariat et multidisciplinarité du PNLCa, docteur Simon Pierre Boni, alerte sur la situation du cancer du col de l’utérus en Côte d’Ivoire, en citant l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « D’ici 2040, si aucun programme significatif n’est mis en œuvre en Côte d’Ivoire, nous observerons une augmentation de 188% des décès liés au cancer, dont 102,5% de décès du cancer du col de l’utérus ». Selon Dr Boni, cette projection s’explique par « le diagnostic tardif qui représente près de 75% des cas de cancer, l’accès sous-optimal au traitement du cancer du fait de difficultés financières et de l’ignorance de la maladie et des rumeurs sur les options thérapeutiques telles que la chimiothérapie ».
Malgré les efforts entrepris par le gouvernement, les besoins en matière de diagnostic et de traitement sont réels.
Pour renforcer la lutte contre le cancer du col de l’utérus, Dr Boni soutient que la lutte contre le cancer est multisectorielle et que les domaines de la sensibilisation, du dépistage, du traitement et de la coordination intersectorielle doivent être améliorés. Il précise que l’atteinte des cibles intermédiaires d’élimination du cancer du col de l’utérus d’ici 2030 constitue le tremplin vers la réduction du fardeau du cancer du col. Ces cibles sont : vacciner 90% de filles avant l’âge de 15 ans, dépister 70% de femmes au moins deux fois avant 50 ans et traiter 90% des femmes dépistées positives de lésions précancéreuses ou diagnostiquées d’un cancer.
La coordination intersectorielle est essentielle pour mobiliser les communautés dans ce vaste défi, selon Dr Simon Pierre Boni. Il cite l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui prévoit « une augmentation de 188% des décès liés au cancer, dont 102,5% de décès du cancer du col de l’utérus » d’ici 2040, si aucun programme significatif n’est mis en œuvre en Côte d’Ivoire. La présidente de la COLCC-CI, Me Fatou Fadika Coulibaly, plaide pour « la prise en charge à 100% du traitement du cancer du col de l’utérus ».
Elle appelle à une amélioration de la couverture vaccinale HPV, avec pour objectif de vacciner 90% des filles de 9 à 14 ans, à un dépistage systématique du cancer du col de l’utérus pour les femmes dans tous les centres de santé de Côte d’Ivoire, avec pour objectif le dépistage de 70% des femmes, et à la prise en compte du traitement des lésions précancéreuses et des cancers invasifs du cancer du col de l’utérus, avec pour objectif de traiter 90% des femmes. Dr Boni souligne que le diagnostic tardif, l’accès sous-optimal au traitement et l’ignorance de la maladie sont les principaux facteurs de la mortalité élevée du cancer du col de l’utérus. Il précise que l’atteinte des cibles intermédiaires d’élimination du cancer du col de l’utérus d’ici 2030 constitue le tremplin vers la réduction du fardeau du cancer du col.
Encadré 1
Plus de 3500 décès du cancer du col de l’utérus en 8 ans en Côte d’Ivoire
![](https://www.aip.ci/wp-content/uploads/2023/12/PHOTO-CCU-5-300x181.jpg)
Réalisation graphique : Adrienne Ehouman
Selon le Programme national de lutte contre le cancer (PNLCa), le cancer du col de l’utérus est un problème de santé publique en Côte d’Ivoire. Entre 2012 et 2020, il a touché 5202 femmes et causé 3731 décès. Le nombre de cas et de décès a augmenté chaque année, passant de 1346 cas et 866 décès en 2012 à 2067 cas et 1417 décès en 2020.
Une lueur d’espoir perdure
Pour le Dr Yéo Kinifo Hamadou, médecin gynécologue obstétricien au CHU de Cocody, ce graphique montre une augmentation du nombre de cas de cancer du col de l’utérus, ainsi que du nombre de décès liés à cette maladie. Le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes en Côte d’Ivoire, après le cancer du sein. Il représente donc un problème de santé publique. Cette augmentation de nouveaux cas et de décès peut s’expliquer en partie par une sensibilisation accrue autour de cette maladie.
Auparavant, l’absence de centre de traitement pour les stades avancés du cancer du col de l’utérus limitait les options de prise en charge. Cependant, depuis l’inauguration du Centre national de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO) en 2018, la sensibilisation sur le dépistage et la promotion du Centre ont renforcé l’espoir de guérison.
Par le passé, les personnes découvrant la maladie à un stade avancé n’avaient pas accès à des soins médicaux adéquats, ce qui les poussait à se retirer dans leur village d’origine, où elles mouraient du cancer du col de l’utérus sans être comptabilisées. La mise en place de ce Centre a permis de mieux suivre l’évolution de la maladie. Il est donc essentiel de mettre l’accent sur la sensibilisation de la population à la vaccination des enfants. En effet, ce cancer est lié au virus du papillome humain (VPH ou HPV en anglais), transmis principalement par des rapports sexuels. Bien que cela puisse sembler être une infection bénigne, elle peut laisser des cicatrices
Dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus, la Côte d’Ivoire a autorisé la vaccination contre le virus du papillome humain (VPH ou HPV en anglais), responsable de cette maladie. Le cancer du col de l’utérus est un cancer évitable grâce à la vaccination contre le VPH.
Ce vaccin fait désormais partie du Programme Élargi de Vaccination (PEV), qui est subventionné par l’État et qui concerne les filles âgées de 9 à 14 ans. Cependant, les filles vierges de plus de 14 ans peuvent également se faire vacciner, mais à leurs frais. Une fois vaccinée, une personne n’est plus exposée au risque de cancer du col de l’utérus.
Il existe un espoir d’éradiquer le cancer du col de l’utérus à l’avenir, si nous parvenons à vacciner toutes les filles de cette tranche d’âge. Contrairement au cancer du sein, le cancer du col est d’origine virale. En vaccinant toutes les filles de cette catégorie d’âge, le taux de cette maladie diminue considérablement au fil des ans. Il est envisageable qu’un jour, ce cancer soit totalement éliminé sur le territoire. De plus, pour les patients atteints de cancer, dont le cancer du col de l’utérus, un deuxième Centre national de radiothérapie et d’oncologie médicale ouvrira ses portes en 2024. Il y aura donc plus de possibilités de soins. C’est une lueur d’espoir dans la prise en charge de ces patientes, affirme le Dr Yeo.
Le cancer du col de l’utérus est un fléau qui touche de nombreuses femmes en Côte d’Ivoire. Face à ce problème, les femmes journalistes et les organisations de lutte contre le cancer se mobilisent pour sensibiliser la population à la prévention et au dépistage de cette maladie.
La présidente du Réseau des femmes journalistes et professionnelles de la communication (REFJPCI), Agnès Kraidy, appelle ses consœurs à faire de la lutte contre le cancer du col de l’utérus leur combat, en diffusant des informations justes et pertinentes. Elle espère ainsi lever les craintes et les rumeurs qui freinent la vaccination et le dépistage chez les filles et les femmes.
Le vaccin contre le virus du papillome humain (HPV), responsable du cancer du col de l’utérus, fait partie du Programme Élargi de Vaccination (PEV), subventionné par l’État. Il concerne les filles âgées de 9 à 14 ans, mais les filles vierges de plus de 14 ans peuvent également se faire vacciner à leurs frais. Le vaccin protège contre le risque de cancer du col de l’utérus et n’affecte pas la capacité de procréer, comme le confirme le chef du service suivi et évaluation de la Coalition des organisations de lutte contre le cancer (COLCC-CI), Atta Sambo Victorien.
Le dépistage du cancer du col de l’utérus permet de détecter la maladie à un stade précoce et d’augmenter les chances de guérison. M. Atta assure que le cancer du col de l’utérus se guérit en Côte d’Ivoire, dans la prévention. Il rappelle que le projet pilote lancé en 2013 dans trois villes a montré que de nombreuses filles vaccinées ont eu des enfants et sont actuellement dans leurs foyers. Il invite donc à combattre les préjugés anti-vaccins répandus sur les réseaux sociaux.
La présidente de la COLCC-CI, maître Fatou Fadika Coulibaly, aspire à voir la disparition imminente de ce tueur silencieux qu’est le cancer du col de l’utérus. Elle milite pour une prise en charge à 100% du traitement du cancer du col de l’utérus. Elle annonce qu’un deuxième Centre national de radiothérapie et d’oncologie médicale ouvrira ses portes en 2024, offrant plus de possibilités de soins aux patients atteints de cancer.
Un besoin d’aide dans la prise en charge de leur soin et dans l’achat des médicaments
Le cancer du col de l’utérus est une maladie grave qui nécessite une prise en charge médicale coûteuse et difficile.
Le traitement du cancer du col de l’utérus varie entre 550 000 et 3 millions de FCFA, selon le stade de la maladie. Ce coût est à la charge des patientes, qui ne bénéficient pas d’une couverture sociale ou d’une aide de l’État. Certaines patientes doivent recourir à des ONG ou à des dons pour financer leur traitement.
Le Centre national d’Oncologie médicale et de Radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO) est le seul centre de référence pour le traitement du cancer du col de l’utérus en Côte d’Ivoire. Il propose des séances de radiothérapie et de chimiothérapie aux patientes, avec la possibilité de payer après le traitement ou par échéances. La directrice du CNRAO, le professeur Judith Didi-Kouko Coulibaly, affirme que cette mesure vise à réduire les inégalités entre les patientes de différents niveaux socio-économiques.
K. Emilienne est une patiente atteinte du cancer du col de l’utérus, qui a suivi un traitement au CNRAO. Elle raconte son parcours, depuis le diagnostic au CHU de Treichville jusqu’aux séances de radiothérapie et de chimiothérapie, qui ont coûté plus de 3 millions de FCFA. Elle dénonce le manque de soutien du ministère de la Santé, qui n’a pas répondu à sa demande d’aide. Elle évoque également la douleur intense qu’elle a ressentie pendant la chimiothérapie, qui l’a obligée à prendre de la morphine, un médicament coûteux et difficile à obtenir.
Des malades se plaignent de la cherté du traitement et des médicaments contre le cancer, ce qui amène certains qui n’ont pas les moyens financiers à abandonner les soins hospitaliers pour recourir à l’achat des médicaments sur le marché ou aux plantes, ou chez les guérisseurs ou encore à l’option religieuse au moyen des camps de prière, quitte à s’isoler de leur cadre de vie ordinaire pour attendre la mort.
Selon le PNLCa, l’État de Côte d’Ivoire, en collaboration avec les laboratoires Roche, à travers l’initiative Access Roche, apporte une subvention à la prise en charge des malades atteints du cancer du sein, de l’hémophilie A, de l’hépatite virale B et de l’insuffisance rénale, à hauteur de 137 053 937 euros sur une période de 5 ans. La part de l’État s’élève à 29 964 035 euros. Concernant l’accessibilité géographique et financière, la majorité des médicaments anticancéreux disponibles en Côte d’Ivoire, des soins de support et des soins palliatifs, a été inscrite dans la Liste nationale des médicaments essentiels (LNME).
Depuis quelques années, la Nouvelle pharmacie de la Santé publique (NPSP) rend disponibles les médicaments morphiniques sous plusieurs formes, mais la problématique du sirop de morphine n’est pas encore résolue et beaucoup de médicaments anticancéreux restent indisponibles, souligne le rapport du Plan stratégique national de lutte contre le cancer (PSN Cancer 2022-2025).
Concernant la problématique du bon usage des médicaments en oncologie, le système traditionnel de préparation des médicaments anticancéreux sous la responsabilité de l’infirmier demeure en Côte d’Ivoire. Les médicaments anticancéreux de dernière génération et onéreux côtoient des locaux et matériels de préparations obsolètes et/ou vétustes. Des investissements doivent être réalisés dans la pharmacotechnie hospitalière et dans la formation du personnel pharmaceutique appelé à gérer les médicaments en oncologie.
Néanmoins, des initiatives sont prises pour améliorer la prise en charge médicamenteuse des personnes atteintes de cancer. En 2018, la préparation des médicaments anticancéreux est placée sous la responsabilité du pharmacien au Centre National de Radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO) et à l’Hôpital Mère Enfant (HME), poursuit le Plan stratégique. La présidente de la COLCC, maître Fatou Fadika Coulibaly, milite pour une prise en charge à 100% du traitement du cancer du col de l’utérus.
En effet, l’augmentation du nombre de décès est également due à une découverte tardive de la maladie. Une étude portant sur le cancer invasif du col de l’utérus, réalisée dans le cadre du Projet RECOCI « Renforcement de l’enregistrement des cas de cancer du col au sein du Registre des cancers d’Abidjan », de 2018 à 2020, indique que les CCU en Côte d’Ivoire sont généralement diagnostiqués de manière tardive. Plus de 70% des femmes ayant développé un cancer du col sont diagnostiquées à un stade avancé, révèle l’étude.
Selon le Professeur Dia Jean Marc, qui intervient dans la prise en charge des cancers gynécologiques, « des statistiques réalisées en 2020 indiquent que plus de 80% des cancers du col de l’utérus sont diagnostiqués à des stades trois ou quatre. À ces stades, la guérison n’est plus possible, parce que la maladie est déjà avancée. Une fois que nous sommes à des stades plus avancés, plutôt que de parler de taux de guérison, on parlera de taux de décès ».
Pour ce faire, maître Fadika Coulibaly préconise également un dépistage systématique du cancer du col de l’utérus pour les femmes dans tous les centres de santé de Côte d’Ivoire, visant à dépister 70% des femmes. De plus, elle plaide pour le traitement des lésions précancéreuses et des cancers invasifs du cancer du col de l’utérus, avec pour objectif de traiter 90% des femmes atteintes.
Il est annoncé dans le PSN Cancer 2022-2025, l’ouverture courant 2024 à Grand-Bassam, d’un second centre national de radiothérapie et d’oncologie médicale, grâce à un partenariat bilatéral Côte d’Ivoire-République de Corée du Sud. La construction de ce centre répond aux insuffisances de la prise en charge des patients atteints de cancer.
Ce centre bénéficiera d’un plateau technique plus moderne et plus complet. Il offrira des services d’hospitalisation, des unités de chirurgie spécialisées dans le traitement du cancer, des services de médecine nucléaire, de radiothérapie, et de tous les services requis pour une prise en charge intégrale des patients atteints de cancer en Côte d’Ivoire, explique le Professeur Dia Jean Marc.
Le centre hospitalier universitaire de Treichville est le premier des quatre CHU d’Abidjan et le plus grand hôpital général de la Côte d’Ivoire, créé en 1939, constitué de plus d’une dizaine de services spécialisés, dont le service gynécologie et le service d’oncologie qui reçoivent des personnes atteintes du cancer du col de l’utérus à différents stades. Parmi les insuffisances dans la prise en charge des patients atteints de cancer, spécifiquement au CHU de Treichville, « l’absence d’un service d’hospitalisation, entraîne souvent une surcharge. Nos lits sont occupés par des femmes en travail, laissant peu de place pour les patientes atteintes de cancer, ce qui peut être source de tensions avec leurs familles », affirme le Professeur Dia.
En plus des coûts liés à la prise en charge qui sont élevés, le plateau technique limité et le manque de service de médecine nucléaire, un maillon important pour la prise en charge, de surcroît, l’absence d’un service de radiothérapie constitue un autre obstacle à la qualité des soins, soutient l’expert en gynécologie obstétricale.
Le service de gynécologie et le service cancérologie du CHU de Treichville assurent la prise en charge du cancer du col de l’utérus (CCU) en Côte d’Ivoire.
En Corée du Sud, le gouvernement organise régulièrement des campagnes gratuites de dépistage du CCU et assure une couverture de 95% des frais de traitement des personnes atteintes, quel que soit le type de cancer.
Ce modèle de prise en charge est à l’origine d’un partenariat bilatéral entre la Côte d’Ivoire et la République de Corée du Sud pour la construction d’un second centre d’oncologie médicale et de radiothérapie à Grand-Bassam, qui ouvrira ses portes en 2024. Ce centre bénéficiera d’un plateau technique moderne et complet pour offrir des soins de qualité aux patients atteints de cancer.
Encadré 2
La politique de la Côte d’Ivoire pour renforcer la lutte contre le cancer du col de l’utérus
« Depuis 2007, l’État de Côte d’Ivoire a investi dans la lutte contre le cancer en mettant en place une gouvernance spécifique, en favorisant la détection précoce des cancers les plus fréquents, en créant et en équipant des centres spécialisés afin de réduire la morbidité et la mortalité liées à cette maladie », a déclaré le ministre de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, Pierre Dimba. Il a toutefois reconnu que « la situation reste préoccupante, avec une augmentation du nombre de nouveaux cas de cancer, qui est passé de 12 002 en 2012 à 17 300 en 2020, et du nombre de décès estimés à 11 760 en 2020 (Globocan 2020) ». Ces propos ont été mentionnés en préface du document intitulé “Plan stratégique national de lutte contre le cancer (PSN Cancer 2022-2025)“, publié en mars 2022.
Le Programme national de lutte contre le cancer (PNLCa), créé par l’arrêté n° 190 MSLS/CAB du 4 décembre 2014, est chargé de mettre en œuvre cette politique nationale, notamment pour le cancer du col de l’utérus, qui relève du ministère de la Santé. Sa mission est de contribuer à réduire l’impact de la maladie cancéreuse par des activités de promotion, de prévention, de soins et de recherche. Pour renforcer l’efficacité de la lutte contre le cancer du col de l’utérus, un « Groupe Technique de Travail (GTT) sur le cancer du col de l’utérus du PNLCa » a été institué par l’arrêté n° 231 MSHP/CAB du 5 novembre 2020, avec pour mission d’initier, de suivre et d’évaluer les activités menées dans ce domaine.
Pour être plus proactif dans la lutte contre le cancer en Côte d’Ivoire, le ministère a élaboré, avec l’appui des acteurs du secteur, un second Plan stratégique national de lutte contre le cancer (PSN Cancer 2022-2025), dont la vision est d’avoir « une Côte d’Ivoire où le cancer n’est plus un drame mais une maladie chronique contrôlable ».
L’objectif attendu d’ici 2025 est de réduire de 10% la mortalité liée aux cancers les plus courants chez l’adulte et l’enfant en Côte d’Ivoire. En particulier, il s’agit de réduire le taux de mortalité lié au cancer du col de l’utérus de 69% à 59% entre 2020 et 2025. Pour atteindre cet objectif, le PSN Cancer 2022-2025 repose sur trois axes stratégiques : le renforcement de la gouvernance et du financement de la lutte contre le cancer (LCC), l’amélioration de l’offre et de l’accessibilité des services de qualité pour la LCC, et la promotion de la santé pour la LCC. Ces axes stratégiques ont permis d’identifier les actions prioritaires de l’Etat de Côte d’Ivoire dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus.
Les principaux leviers de cette lutte concernent le financement, les infrastructures et équipements, le système d’information sanitaire, les ressources humaines, et les prestations de services, qui comprennent la prévention primaire, secondaire et tertiaire. Au niveau du financement, les investissements en santé ont augmenté ces dernières années (de 330,4 milliards FCFA en 2016 à 588 milliards FCFA en 2019). Toutefois, les ménages restent la principale source de financement de la santé (39,43% en 2018), ce qui constitue un obstacle à l’utilisation des services de prévention des cancers, notamment le dépistage du cancer du col de l’utérus. Par ailleurs, le panier de soins de la Couverture maladie universelle (CMU) ne couvre pas le cancer.
La prise en charge des patients atteints de cancer du col de l’utérus (CCU) en Côte d’Ivoire pose un véritable problème, car ces patients ne bénéficient pas de la subvention accordée par l’État et les laboratoires Roche aux malades atteints d’autres types de cancer, comme le cancer du sein ou l’hémophilie A. Le coût de la prise en charge du CCU varie entre 550 000 et 3 000 000 FCFA, alors que seulement 6% des personnes atteintes de cancer disposent d’une assurance maladie. Par ailleurs, les infrastructures et les équipements pour le diagnostic et le traitement du CCU sont insuffisants, malgré quelques progrès réalisés entre 2022 et 2023. Le pays compte désormais 12 services d’anatomie et cytologie pathologiques (Anapath), au lieu de trois auparavant, et cinq plateformes de biologie moléculaire qui réalisent le test HPV. Toutefois, il n’existe que quatre centres de référence pour la prise en charge du CCU, dont le Centre d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO), qui sera bientôt rejoint par un second centre.
Pour améliorer la situation, le ministère de la Santé a élaboré un second Plan stratégique national de lutte contre le cancer (PSN Cancer 2022-2025), qui vise à réduire de 10% la mortalité liée aux cancers les plus courants chez l’adulte et l’enfant, et de 69% à 59% celle liée au CCU.
Le Registre des Cancers d’Abidjan (RCA), créé le 1er janvier 1994, est intégré au Programme national de lutte contre le cancer (PNLCa) et recense tous les cas de cancers diagnostiqués et/ou traités dans les structures sanitaires, publiques et privées, de la ville d’Abidjan et ses environs. Il constitue la principale source de données sur l’incidence des cancers en Côte d’Ivoire, en utilisant les données démographiques fournies par l’Institut national de Statistique (INS) et la direction de l’Informatique et de l’Information Sanitaire (DIIS). C’est à partir de la base de données du RCA que l’observatoire mondial du cancer de l’OMS, appelé Globocan, produit les estimations nationales. Toutefois, nous avons constaté un retard dans la production et la diffusion des données sanitaires lors de notre enquête.
Selon le Plan stratégique national de lutte contre le cancer (PSN Cancer 2022-2025), la recherche sur le cancer en Côte d’Ivoire a véritablement commencé en 1994 par des études épidémiologiques, suite à la création du RCA. Depuis, plusieurs axes de recherche ont été développés, notamment sur les cancers liés au VIH (cancer du col de l’utérus, lymphomes non hodgkiniens, sarcome de Kaposi, hépatocarcinome).
Concernant les prestations de services, le PSN Cancer met l’accent sur la prévention, qui se décline en trois niveaux : primaire qui concerne la sensibilisation et le dépistage, secondaire pour le traitement des lésions précancéreuses et tertiaire qui fait allusion à la radiothérapie, la chimiothérapie et les soins palliatifs.
Pour renforcer l’efficacité de la lutte contre le cancer, et notamment le cancer du col de l’utérus, l’État s’est fixé comme objectif de renforcer la gouvernance et le financement, d’améliorer l’offre et l’accessibilité des services de qualité, et de promouvoir la santé.
Encadré 3
Dix clés essentielles pour prévenir le cancer du col de l’utérus
- Le Cancer du col de l’utérus (CCU) est la deuxième cause de décès par cancer chez les femmes après le cancer du sein.
- Le CCU est une maladie virale, transmise par virus le papillomavirus humain (VPH ou HPV en anglais), pendant les rapports sexuels.
- Le CCU se prévient par la vaccination et le dépistage précoce qui se font dans les centres de santé et à travers les campagnes de masse.
- Le vaccin contre le HPV est intégré au Programme Élargi de Vaccination (PEV), subventionné par l’Etat et concerne les filles âgées de 9 à 14 ans, qui peuvent se faire vacciner gratuitement.
- Les filles vierges en dehors de cette tranche d’âges peuvent se faire vacciner, mais payent leur traitement.
- La vaccination ne peut empêcher les filles d’avoir des enfants.
- Le préservatif ne protège pas contre le CCU. Il peut réduire son mode de contamination.
- Le dépistage précoce permet d’identifier les lésions précancéreuses pour les traiter.
- Les saignements abondants en dehors des menstruations peuvent être un signe visible du CCU. Mais le plus souvent, ce mal est un tueur silencieux. C’est pourquoi, il faut se faire dépister.
- Lorsqu’on est atteint du CCU à des stades avancés, l’on peut être traité au CNRAO.
(AIP)
eaa/cmas