Agboville, 12 oct 2023 (AIP) – La directrice régionale de la Culture et de la Francophonie dans l’Angnéby-Tiassa, Pascaline Sémon, a accordé une interview à l’AIP dans le cadre de son projet de faire d’Agboville une ville historique. Elle explique le travail à faire pour que ce projet aboutisse, tout en sollicitant l’adhésion des populations. Entretien.
AIP: A Agboville, on aperçoit plusieurs bâtisses avec une architecture ancienne et d’autres sont parfois inexploitées. Quelles est la particularité de ces maisons ?
Pascaline Sémon: Ce sont des maisons anciennes qui sont particulières par leur architecture qui est différente des maisons modernes. Je ne suis pas architecte ni à la construction pour expliquer un peu mais en les voyant, on aperçoit une nette différence entre elles et les autres. Ce sont des maisons coloniales mais tout le monde ne sait pas.
AIP: Avez-vous fait un inventaire de ces maisons?
Pascaline Sémon: On a commencé à faire la photographie de ces maisons parce que c’est à partir de ces photographies qu’on pourra les numéroter, faire l’inventaire et les renseigner. Ces maisons sont plus concentrées au quartier Commerce et jusqu’au au niveau Sokoura, je crois. Il y en a au niveau de la MACA et après le pont aussi où il y a même un cimetière des colons qui existe jusqu’aujourd’hui mais il sert de garage actuellement. Il y a un travail à faire et au cours de ce travail, on pourra délocaliser ces occupants pour préserver l’endroit.
AIP: Avez-vous un projet en lien avec ces maisons coloniales ?
Pascaline Sémon: Nous avons un projet pour qu’Agboville soit érigée en ville historique à l’image de Grand-Bassam. Il y a beaucoup de bâtisses coloniales et quand on rentre à Agboville, c’est la première des choses qui frappe. Ces maisons ont une mémoire et elles montrent que le colon est passé par ici. Mais elles ne sont pas assez exploitées. Il faut donc créer une histoire autour de ces maisons, il faut pouvoir faire ressortir les histoires de ces maisons. C’est un rêve que je chérie pour que ce projet arrive véritablement à terme. Pour le moment, la population ne comprend pas et elle sera la plus heureuse en bénéficiant de l’aboutissement de ce projet.
Il y a un endroit qui a été découvert qui servait de fontaine des colons où ils travaillaient l’eau qu’ils buvaient donc si on creuse, on va découvrir encore d’autres choses. Il y a tellement de choses à voir à Agboville. Quand on parle de la Route de l’esclave, elle est partie d’Agboville.
AIP: Vous attendez une contribution de la population ?
Pascaline Sémon: La population peut nous aider en disant par exemple il y a un bâtiment en dehors du quartier Commerce qui a servi à ceci ou cela parce que c’est la population qui est sachante. Pour avoir aussi des informations vraies, il faut que la population s’associe à nous.
J’appelle tout le monde à contribution et tant que la population n’a pas compris le bien-fondé du projet, elle sera hostile. J’appelle aussi toutes les personnes qui ont de bonnes informations sur ces bâtiments à venir nous aider à faire ce travail. On a besoin de personnes ressources.
AIP: Quel travail fait la direction régionale de la Culture dans la réalisation de ce projet de Ville historique et à quel niveau est-elle ?
Pascaline Sémon: En premier lieu, c’est de pouvoir identifier toutes ces maisons coloniales et sites qui ont un lien avec les colons, pouvoir les numéroter, les renseigner. Il faut connaître l’histoire de ces bâtiments, à quoi ils servaient, ils ont été habités par qui. Quand on finit, on prend nos résultats qu’on déverse à l’Office ivoirien du patrimoine culturel (OIPC) et une équipe de l’OIPC va venir vérifier sur le terrain, à Agboville, une manière de confronter nos données. A partir de là, l’OIPC va faire un rapport qu’elle va envoyer au cabinet du ministre. Et nous associons en même temps l’UNESCO et l’ICOM (Conseil international des musées). C’est tout ce travail qu’il y a à faire.
Nous sommes juste au début du projet, au niveau zéro. Nous avons déjà des difficultés à avoir accès à certains bâtiments et si la population ne nous aident pas, alors que nous ne sommes qu’au niveau zéro, on risque de durer dans la réalisation du projet.
AIP: Quel est l’impact d’un tel projet pour la ville Agboville ?
Pascaline Sémon: Dans un premier temps, l’aboutissement du projet va donner une visibilité à Agboville. Aujourd’hui, quand on parle de Ville historique, on pense à Grand-Bassam. Mais demain, quand on va parler de Ville historique, on aura le choix entre Grand-Bassam et Agboville. Il y a une particularité à Agboville. Il y a un cimetière de colons, ce qu’il n’y a pas à Grand-Bassam. Agboville, c’est une toute histoire qui se trouve même dans le livre d’Histoire de CM2, où on parle de la révolte des Abbey. Il faut donc venir à Agboville pour voir où les colons habitaient pour qu’il y ait eu révolte.
On peut même inviter le secteur privé dans ce projet par exemple pour la réhabilitation de ces bâtisses. Il y aura de la création d’emplois par exemple pour les guides touristiques, des ristournes pour la mairie, les hôteliers, les restaurateurs vont en bénéficier. Cela va participer aussi au développement de la ville. Si Agboville devient patrimoine national, il sera un jour patrimoine de l’UNESCO, pourquoi pas!
(Interview réalisée par Esther Yao)
(AIP)
ena/cmas