Agboville, 15 oct 2023 (AIP) – Inaugurée le 29 janvier 2023, l’usine de production d’attiéké de Grand-Morié se présente comme un nouveau souffle pour l’autonomisation des femmes de la sous-préfecture. Cette unité vient également pour réduire la pénibilité du travail de transformation du manioc en attiéké habituellement fait à la main, dans un cadre qui expose la santé de ces dernières.
A environ 1 km du village de Grand-Morié (14 km d’Agboville), on aperçoit bâtiment neuf peint en jaune poussin, avec un mini château d’eau. Une bâche se dresse à l’entrée sous laquelle sont disposés des tas de manioc. Assises sur des tabourets autour de ces tas, des femmes vêtues de blouse blanche avec des charlottes sur la tête épluchent ces maniocs. Une dame, nous invite à l’intérieur du bâtiment. Nous sommes à l’usine de production d’attiéké.
Un travail motorisé pour un attiéké de qualité
En dehors de l’épluchage et du lavage du manioc, chaque étape de la fabrication d’attiéké est motorisée. Dr Laubhouet Véronique, superviseur de cette unité, s’empresse de nous présenter tout le processus de la production et les différentes machines qui s’y trouvent. Mais avant, elle interpelle en français puis en Abbey, la langue locale, les femmes à accélérer le travail. Une broyeuse, des essoreuses, une émotteuse et une semouleuse. Elles sont disposées dans l’ordre du processus de transformation du manioc.
« La quantité de manioc est connue à travers une pesée avant l’épluchage. Cette broyeuse peut broyer deux tonnes. On finit le broyage aux environs de 18h et le manioc broyé reste dans le sac jusqu’au lendemain à 8h. Nous avons une essoreuse électronique qui est capable d’essorer un peu plus d’une tonne par jour et deux autres qui sont manuelles avec lesquelles nous pouvons essorer jusqu’à deux tonnes dans la journée. A travers la semouleuse, les femmes ont le choix de différents types de grains par un réglage de la machine pour avoir soit de l’attiéké normale de petit grains ou l’abodjama de gros grains », explique Dr Laubhouet.
Le séchage se fait au sein d’une serre qui permet de protéger la farine de manioc contre les intempéries, la poussière et les mouches. Avec la forte chaleur qui s’y dégage, la farine sèche en 15 minutes. La cuisson se fait à l’aide de feu de gaz où les grandes marmites sont rangées dans des caisses métalliques, qui protègent les femmes du feu.
« C’est de l’attiéké super. Par expérience, ceux qui goutent l’attiéké de l’usine de Grand-Morié n’ont plus envie de manger autre chose. C’est le même attiéké qu’ils réclament, c’est pourquoi nous n’arrivons pas à couvrir les demandes », clame-t-elle en éloge de son produit fini, en engouffrant une pincée.
La clientèle n’est pas seulement locale. Elle provient d’Agboville, d’Abidjan et même de l’Europe. Debout à côté de la table de paquetage, une dame veille du regard sur sa commande. Assouan Marcelle est venue prendre « du bon attiéké » pour le revendre en France. Elle achète entre 500 kg et une tonne par semaine.
« C’est la qualité. Il n’y a pas de fibres de manioc. On a appelle ça ‘attiéké ministre’. C’est bien sucré d’ailleurs. Depuis que j’ai commencé à prendre l’attiéké ici, j’ai trouvé plein de clients. Je leur dit de trouver le personnel de production pour que j’arrive à alimenter Château rouge de Paris », dit-elle.
Un programme de travail bien aéré
Au départ, les femmes constituaient un seul groupe, ce qui rendait le travail épuisant du fait qu’elles travaillaient tous les jours, selon leur superviseur. L’unité de production fonctionne désormais avec trois équipes de femmes nommées A, B et C.
« Chaque groupe travaille pendant deux jours successifs et elles se reposent pendant quatre jours », ajoute Dr Laubhouet Véronique, qui suit du regard le travail des ouvrières.
Le premier jour de travail consiste à faire l’épluchage, le broyage et la mise en fermentation. Le deuxième jour, les tâches commencent par l’essorage jusqu’à la cuisson de l’attiéké. Le lendemain, l’équipe suivante prend la relève avec les mêmes programmes d’activités. Chaque groupe est composé de cinq femmes et est géré par un chef local. Ce dernier est aussi chargé de faire les différents parquets d’attiéké à l’aide d’une petite machine.
Une usine source d’autonomisation des femmes de la sous-préfecture
Ces journalières sont payées à 1500 FCFA le premier de travail et le second jour à 3.000 FCFA en raison du volume des tâches. Assogo Audilonne, 26 ans est du groupe C et travaille dans cette usine depuis un mois. S’attelant à sortir d’une grande marmite les morceaux de manioc précuits qui vont servir de fermant, elle dit sa joie de faire partir des femmes de l’usine.
« Le travail m’intéresse et je le fais avec bon cœur. J’aime mon travail. Je travaille ici pour aider un peu les parents qui sont à la maison », nous confie la jeune fille sous la vapeur qui se dégage de la marmite.
L’attiéké est paqueté en fonction des commandes.
« Nous faisons le paquet de 13 kg à 5.000 FCFA que les femmes achètent pour le revendre en détail où elles ont un gain de 3.000 FCFA. Nous faisons aussi de petits sachets de 700g que nous vendons à 500 FCFA », fait savoir le superviseur.
Cette usine a été créée pour apporter des revenus aux femmes. Désormais, les femmes qui ont des plantations peuvent y vendre leurs productions. Le kilogramme de manioc est acheté à 75 FCFA ou la tonne à 75.000 FCFA. Avec une tonne de manioc, l’usine obtient entre 350 et 400 kg d’attiéké qui est vendu entre 200.000 et 250.000 FCFA.
« Cette usine permet aux femmes d’être autonomes financièrement. C’est vraiment bienvenue. Je remercie le président du Conseil régional (de l’Agneby-Tiassa), Pierre Dimba qui a offert cette usine aux femmes de la sous-préfecture de Grand-Morié qui comprend huit villages », relève Dr Laubhouet.
Assise sur un tabouret non loin des fours, Yapi Lydie, 58 ans, s’affaire à faire de petits paquets d’attiéké de 100 FCFA pour une cliente. Elle fait partie des premières femmes à travailler dans cette unité. Dame Yapi a encore le souvenir de la pénibilité du travail de transformation de manioc en attiéké sous des appâtâmes de fortune, dans un environnement peu salubre, dans la fumée et exposée aux intempéries. Elle signale avoir fait 30 ans dans ce cadre de travail précaire et ne tarit de remerciement à l’endroit du donateur.
« Je suis à l’aise quand je travaille ici. Je me sens très à l’aise ici. Il n’y a pas de fumée ici, on prépare l’attiéké avec le gaz. C’est bien. Vraiment merci au ministre », se réjouit-elle.
Après huit mois de fonctionnement, le bilan de l’usine est positif, selon son superviseur. L’usine prévoit de développer ses activités en exploitant la possibilité de produire d’autres dérivés du manioc tels que le gari, le tapioca, le placali.
Quatre autres usines de transformation de manioc en attiéké ont été ouvertes dans d’autres villages de la région de l’Agneby-Tiassa, à l’initiative du Conseil régional. Ces usines visent le même objectif, l’autonomisation des femmes et la réduction de la pénibilité du travail.
(Reportage réalisé par Esther Yao)
(AIP)
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