Abidjan, 17 avr 2025 (AIP)- Chaque année, à l’occasion des fêtes pascales, la communauté Baoulé se rassemble pour célébrer “Paquinou”, une fête riche en symboles, en rituels et en moments de convivialité. Si cette célébration trouve naturellement sa place dans les villages, berceaux de la tradition, une nouvelle tendance émerge depuis quelques années. “Paquinou” s’installe aussi en ville, et plus particulièrement à Abidjan. Dans une interview accordée à l’Agence ivoirienne de presse (AIP), le samedi 12 avril 2025, le promoteur d’”Abidjan Paquinou”, Hugues Kouassi (HK), acteur engagé dans la valorisation des cultures ivoiriennes, livre sa vision, ses motivations et les défis liés à cette version urbaine d’une fête profondément identitaire.
AIP : Pourquoi organiser Paquinou en pleine ville ?
HK : Tout simplement parce que tout le monde n’a pas la possibilité de retourner au village. Paquinou en ville, c’est une manière de ramener la tradition à ceux qui sont restés à Abidjan. C’est aussi un beau prétexte pour valoriser notre culture dans un cadre moderne, accessible et festif.
AIP : Depuis combien de temps êtes-vous dans cette aventure et à combien d’éditions en sommes-nous ?
HK : Nous sommes dans cette aventure depuis huit ans. Cette année marque donc la 8ᵉ édition d’Abidjan Paquinou. C’est un événement qui a grandi avec le temps et qui est aujourd’hui devenu un rendez-vous culturel incontournable pour la communauté baoulé vivant en ville, mais aussi pour tous les amoureux de la culture ivoirienne.
AIP : Quelles seront les innovations cette année ?
HK : Pour cette 8ᵉ édition, nous avons mis l’accent sur l’expérience culturelle et l’authenticité. Il y aura un village reconstitué avec des éléments de la vie traditionnelle, un podium central pour plus d’interaction avec le public, ainsi qu’un espace dédié aux artisans et créateurs baoulé. Nous lançons également des animations intergénérationnelles comme les jeux villageois, concours de danse et port de pagne traditionnel.
AIP : Paquinou en ville, ça crée aussi du business autour ?
HK : Oui, c’est un événement qui génère beaucoup d’activités économiques. Il permet à des petits commerçants, restaurateurs, artisans, stylistes et jeunes entrepreneurs de profiter de la forte affluence pour faire du chiffre. C’est aussi un bon terrain pour les marques qui veulent toucher une cible populaire, familiale et festive.
AIP : Certains disent que célébrer Paquinou en ville, c’est un peu perdre l’âme de la fête. Qu’est-ce que vous leur répondez ?
HK : Je comprends cette réaction, mais je ne suis pas d’accord. L’âme de Paquinou, ce n’est pas uniquement le décor rural. C’est l’esprit de famille, le partage, les danses, les tenues, les saveurs et la chaleur humaine. Tant que ces éléments sont là, Paquinou reste vivant, même en pleine ville. On ne copie pas, on adapte.
AIP : Est-ce que vous faites attention à garder les codes traditionnels malgré le côté urbain ?
HK : C’est même une priorité. On fait très attention aux détails : les pagnes, les rythmes, les groupes traditionnels, la gastronomie, les symboles. Chaque édition est pensée pour rester fidèle à l’âme baoulé tout en offrant une expérience moderne. C’est ce mariage entre authenticité et innovation qui fait la force de Paquinou en ville.
AIP : Faites-vous venir des groupes du village ? Des chefs traditionnels ?
HK : Tout à fait ! Chaque année, nous faisons venir des groupes de danse traditionnelle, des masques, et parfois des chefs coutumiers pour donner leur bénédiction. Leur présence donne à l’événement une légitimité culturelle et renforce ce lien entre la ville et le village.
AIP : Y a-t-il un lien entre ce que vous faites ici et ce qui se passe dans les villages pendant Paquinou ?
HK : Oui, clairement ! L’idée, c’est de permettre à ceux qui ne peuvent pas se rendre au village de vivre l’ambiance de Paquinou à Abidjan. On recrée une atmosphère typiquement villageoise, avec la musique, les danses, la gastronomie, les tenues traditionnelles… C’est un moment fort d’unité et de transmission.
AIP : Avez-vous parfois des retours critiques de la part des anciens ou des chefs de village ?
HK : Oui, bien sûr ! Certains anciens ont partagé leurs inquiétudes au début, notamment sur la fidélité aux traditions. Mais au fil des éditions, ils ont compris notre volonté de valoriser le patrimoine et de créer un pont entre les générations. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux nous soutiennent et participent même à l’événement.
AIP : Comment vous vous projetez dans l’avenir, avec Paquinou en ville ?
HK : On voit grand ! L’idée, c’est de faire de Paquinou en ville un rendez-vous culturel incontournable, pas seulement pour la communauté baoulé, mais pour toute la Côte d’Ivoire, voire au-delà. On imagine déjà des partenariats, des extensions dans d’autres communes ou villes, et pourquoi pas un festival reconnu à l’échelle internationale.
AIP : Votre message pour inviter quelqu’un qui n’a jamais assisté à Paquinou en ville ?
HK : Je lui dirais simplement de venir vivre quelque chose de différent. Une ambiance chaleureuse, de la musique, des mets traditionnels, des danses, de la joie, de la vraie culture ! Du 17 au 21 avril 2025 à Marcory, au terrain Konan Raphaël, vous allez découvrir que la tradition a aussi toute sa place en ville.
(Interview réalisée par Raymond Dibi)
(AIP)
rd/cmas