Abidjan, 15 janvier 2023 (AIP) – La 34è édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football en Côte d’Ivoire, baptisée « CAN de l’hospitalité », commence de manière tumultueuse avec le scandale des billets “confisqués” et retrouvés entre les mains des revendeurs.
La « Can à sucre » que la Côte d’Ivoire ambitionnait de proposer est devenue “amère” pour des revendeurs “véreux” qui peinent à écouler leurs stocks de billets, et pour le Comité d’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football (COCAN) ainsi que la Confédération africaine de football (CAF), mis au banc des accusés pour des irrégularités constatées dans la mise à disposition des billets.
Selon les explications fournies par la CAF et le COCAN, 38 000 spectateurs ont été enregistrés pour 47 000 billets mis en vente, en dehors des places dites mortes comprenant les sièges de sécurité, les sièges de remplacement et les places à visibilité réduite.
Le reste, estimé à près de 10 000 billets si l’on s’en tient aux tickets mis en vente, se retrouverait sur les marchés noirs, selon plusieurs « clients » approchés via les réseaux sociaux.
« Un revendeur m’a proposé d’acheter le billet de 5000 FCFA à 45 000 FCFA. J’ai tout fait pour qu’il me le laisse à 20 000 FCFA au moins, il a refusé. J’ai finalement laissé tomber parce que le prix était très élevé pour moi », a témoigné Mel Edgar, responsable dans une entreprise d’assurance.
Comme M. Mel, de nombreux citoyens qui espéraient assister au match du samedi 13 janvier 2024 à Ebimpé, en passant par le marché noir, se sont vite résignés devant la “gourmandise” des revendeurs, qui, on ne sait par quelle alchimie, ont pu obtenir des billets en masse.
Comment le COCAN qui, au nom de la CAF, avait annoncé « pas plus de six billets par match » par personne et des mesures visant à verrouiller le système de vente de billets dans les marchés noirs, a-t-il pu se laisser duper par ces hommes et femmes tapis dans l’ombre, qui ont décidé cette fois de passer par la voie des nouvelles technologies pour écouler leurs billets ?
Selon un article publié par Jeune Afrique, il semblerait que la CAF n’ait pas suivi les recommandations du COCAN dans le choix du prestataire retenu pour le système de billetterie. Doté d’une expérience des grands événements mais sans implantation locale, le dossier de ce dernier ne figurait pas en tête de l’appel d’offres.
Colère des délégations étrangères
Ces milliers de billets entre les mains « des dealers des temps modernes », qui ne trouvent pas preneurs, inquiètent également de nombreux supporters venus de l’étranger. Des matchs se disputent devant des gradins vides en raison de l’inaccessibilité du prix des billets.
« Chers COCAN, chers organisateurs de la CAN 2023 en Côte d’Ivoire, nous sommes à la Fondation Félix Houphouët-Boigny et il n’y a pas de billets d’entrée au stade. Les billets sont revendus aux revendeurs qui les vendent dans la rue à 100 000 FCFA et ce n’est pas normal », s’est indigné un supporter camerounais avant la rencontre face à la Guinée.
Depuis dimanche, des matchs tels que celui du Nigeria contre la Guinée équatoriale, de l’Égypte face à la Mozambique, du Ghana face au Cap-Vert qui a enregistré plus de 11 000 spectateurs sur 24 000 attendus, pour ne citer que quelques-uns, se déroulent devant des gradins vides.
Sold-out pour des gradins vides
Le terme “Sold out” ou “rupture” a été intégré aux habitudes langagières des Ivoiriens, qui l’emploient ironiquement en lien avec l’actualité de la billetterie. Bien avant le coup d’envoi de cette CAN, les responsables en charge de la gestion du ticketing avaient annoncé des matchs “sold out”.
« Les trois matchs des Éléphants sont sold-out. Il n’est plus possible d’acheter des billets », confirmait l’un des membres de l’équipe du COCAN lors d’une émission télévisée.
Qu’en est-il vraiment du “sold-out” quand on observe les gradins clairsemés du stade d’Ebimpé, le 13 janvier, lors des premières rencontres qui se sont disputées devant peu de supporters ?
Le président de la commission mobilisation du COCAN, Koudou Marius, joint au téléphone, a assuré qu’il y a eu plus de demandes que de places dans les stades.
“Nous avons fait notre part pour remplir les stades. Le problème se situe au niveau du ticketing », a-t-il justifié.
Pour mettre fin à cette polémique, le Premier ministre, Robert Beugré Mambé, a rassuré les Ivoiriens qu’une solution sera trouvée dans les 48 heures, lors du premier match de la poule C entre le Sénégal et la Gambie à Yamoussoukro.
« Il faut rassurer les Ivoiriens. La billetterie relève de la responsabilité de la CAF. Cependant, nous avons constaté plusieurs problèmes lors des premiers matchs. Nous prenons en main la situation, et vous verrez des résultats concrets dans les 48 heures », a-t-il déclaré.
Clarifications du COCAN et de la CAF
Pour endiguer cette crise des billets entre les mains des revendeurs, les deux entités tiennent à rassurer la population en clarifiant les mesures prises pour garantir un accès simplifié à la billetterie de la compétition.
Avant d’aborder ces mesures, des éclaircissements ont été apportés sur la capacité des stades. Dans le contexte des grands événements sportifs, le nombre de billets mis en vente correspond à la capacité exploitable des stades.
« Pour assurer la représentation des pays participants à la CAN 2023 lors des différents matchs, la CAF et le COCAN allouent 5% de la capacité totale des stades aux supporters des équipes en compétition. Ces billets sont remis en vente en cas d’annulation ou en cas d’invendus. Cette initiative vise à garantir que les places disponibles soient mises à la disposition du public afin de donner l’opportunité aux supporters d’obtenir des billets », explique un communiqué conjoint de la CAF et du COCAN dont l’AIP a reçu copie, lundi 15 janvier 2024.
Selon la note, il en est de même pour les achats de billets dits “groupés” mis à disposition pour les personnes morales, entreprises et collectivités. En cas d’annulation des réservations, les billets disponibles sont immédiatement remis à la vente, et à la disposition du public.
« Conscients de la forte demande sur la plateforme de billetterie en ligne et des difficultés qu’elle pourrait entraîner, la CAF et le COCAN encouragent activement les populations à se rendre dans les points de vente physiques pour acquérir leurs billets », conclut la circulaire.
(AIP)
bsb/fmo