Divo, 25 mars 2024 (AIP) – Débonnaire, grande et en embonpoint, le sourire aux lèvres, les cheveux bien nattés, Rose Alui porte des lunettes pharmaceutiques qui valorisent son visage mi-carré mi-arrondi, révélant que derrière son apparence de timidité se cache une femme de poigne, déterminée. Cette dame, dans la quarantaine, séduit par son parcours, sa capacité à s’adapter aux situations et à trouver dans chaque expérience le meilleur pour rebondir.
Découvrons ensemble celle qui est arrivée dans le milieu de la presse à Divo, alors qu’elle était venue s’y installer pour faire le commerce du vivrier et qui finalement est devenue promotrice et directrice de sa propre radio et une femme d’affaire qui s’affirme de plus en plus.
I/ Directrice de radio avec pour objectif de créer la cohésion sociale entre les populations

Dame Rose Alui habite dans la ville de Divo depuis 2016. Chaque jour, elle se lève à 04H30, s’apprête et se rend à 06H00 dans sa radio, pour suivre les premières émissions. Elle a créé sa propre radio de proximité en septembre 2022, dénommée ‘’Radio Unité’’, installée dans le gros village de Kouamékro, à 40 km de Divo, dans la sous-préfecture d’Ogoudou. Celle-ci est positionnée presqu’à équidistance de la grande bourgade d’Hermankono Garo et du village de Zérédougou, sur l’axe Divo-Tiassalé. Le retour à domicile est entre 18H00 et 19H00.
La promotrice de ‘’Radio Unité’’ explique qu’elle est arrivée à créer sa radio, grâce aux prix qu’elle a obtenus à un concours de création de projets féminins sur l’environnement, Africa green lady, organisé dans la région du Lôh-Djiboua en 2021. Le total des prix, d’un montant de deux millions de francs CFA, lui a permis d’entreprendre, avec le soutien de son mari, les démarches auprès de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) qui l’a autorisée à créer sa radio, dans laquelle elle emploie cinq personnes. Celle-ci émet sur la fréquence 105,0 FM.
Dans cette zone cosmopolite d’Hermankono Garo, Kouamékro et Zérédougou, l’on enregistre la présence de populations autochtones Dida, majoritaires à Zérédougou, de populations allochtones Baoulé, majoritaires à Kouamékro, et de populations allochtones Wobê et Guéré et étrangères originaires des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), majoritaires à Hermankono.
« La Radio Unité s’est installée au milieu de ces populations pour créer des évènements qui rassemblent et qui permettent aux populations de se connaître et favoriser ainsi la cohésion et l’unité entre elles », a souligné Mme Alui.
II/ Une femme ambitieuse et rigoureuse : parcours d’une battante
Après son Baccalauréat, Rose Alui obtient un diplôme de Brevet de technicien supérieur (BTS) en informatique de gestion et se fait embaucher en 1997 à la Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT) de Bouaké, où elle passe 13 ans en qualité de secrétaire comptable. Pendant qu’elle y travaille, elle s’inscrit dans une grande école où elle obtient son diplôme d’inspectorat commercial.
Mais quand survient la crise en 2010, elle fait partie des travailleurs mis au chômage technique par sa société. De 2010 à 2012, elle est à Abidjan, où elle fait et commercialise des chips de bananes. En 2012 elle travaille chez un notaire à Abidjan, avec qui elle reste deux ans. A l’occasion d’une mission à Lakota, elle découvre le potentiel en vivriers de la région du Lôh-Djiboua, notamment en bananes. Après avoir quitté le notaire, elle décide de faire ses propres affaires et se lance dans le commerce de gros du vivrier, avec un appui financier de sa famille. Elle affrète les gros camions pour transporter la bananes plantains de cette région à Abidjan.
Ce commerce dure un an. Pendant qu’elle le pratiquait, elle décide en 2016 de venir s’installer à Divo pour mieux l’exercer. Séjournant désormais à Divo, elle entend sur une des radios de proximité de la ville, ‘’Radio Sud Bandaman’’ un communiqué du bureau régional de l’Agence ivoirienne de presse (AIP) qui recherchait une opératrice de saisie. Elle va déposer son dossier dans cette radio et le responsable qui voit son CV court-circuite l’AIP et décide de la garder en la prenant au service Secrétariat Comptabilité.
Le Directeur de la radio détecte qu’elle a une bonne diction, et lui demande de faire des essais en lisant les communiqués, ensuite elle est encadrée pour faire de l’animation à l’antenne. Par la suite, la radio l’envoie suivre une formation de trois mois dans une radio école ‘’Radio Mosaïque’’ à Abidjan. A son retour elle est encadrée pour présenter le journal et sortir faire des reportages.
Après un an de service, le directeur de ‘’Sud Bandaman’’ nomme Rose Alui directrice de sa seconde radio qui est une radio chrétienne, dénommée ‘’Radio Terre promise’’. Pendant qu’elle gère cette radio, Rose entend un communiqué diffusé sur sa chaîne et qui annonce l’ouverture d’un concours féminin de création de projets verts sur l’environnement, Africa green lady, initié par un ivoirien, consultant et créateur d’évènement, Moni Hyacinthe. Elle postule et gagne le concours au bout de quatre mois de compétition, avec son projet de création d’une unité de fabrication d’engrais biologique.

Elle est lauréate du premier prix d’un million de francs CFA et reçoit du parrain du concours, le ministre Amédé Kouakou, la somme d’un million de francs, soit un total de deux millions. Peu de temps après, suite à des incompréhensions, elle quitte la radio Sud Bandaman, et décide de créer sa radio avec les deux millions de francs et en octobre 2022, avec le soutien de son mari, sa radio, ‘’Radio Unité’’ devient la toute première à être installée et à émettre dans la zone de Kouamékro et Hermankono.

Les populations sont heureuses d’avoir cette radio chez elles, car soulignent-elles, cette radio initie des évènements sportifs et socioculturels importants qui égaillent tout le monde.
« De mémoire de fils du village de Kouamékro, je n’ai jamais vu autant de mobilisation à un évènement qu’à ceux organisés par la Radio Unité, notamment un tournoi de football et les festivités de Noël pour les enfants », a témoigné un notable du village, Kouakou Koffi Claude.
Les employés de la radio trouvent leur patronne assez maternelle, mais très exigeante dans le travail. A Kouamékro où est installée la radio, le chef du village, Kouamé Kouakou, ne tarit pas d’éloges à l’endroit de la promotrice de la toute première radio de la zone.
« La radio porte la voix de tout le monde et transmet assez loin les nouvelles. Donc, en installant sa radio à Kouamékro, ma fille nous a donnés quelque chose de plus grand que les autres localités environnantes ne peuvent concurrencer », a déclaré le chef Kouamé.

Le directeur des programmes de ‘’Radio Sud Bandaman’’, Aimé Barou, qui fut l’encadreur de Rose Alui, dans ses débuts à la radio, salut l’abnégation de celle-ci.
« C’est une gagneuse et ça ne m’étonne pas qu’aujourd’hui elle ait sa propre radio », soutient M. Barou. Toutefois, conseille-t-il, «il faut qu’elle apprenne à écouter et comprendre les autres, parce qu’elle a un caractère trop fort ».
Quant à la directrice et promotrice de ‘’Radio Unité’’, elle confie avoir initié un nouveau projet de « Femmes de ménages express’’ avec une cinquantaine de femmes qui vont dans les ménages et les bureaux faire le ménage et rentrer chez elles une fois le travail achevé. Elle tient également à faire aboutir son projet de création d’une unité de fabrication d’engrais biologique, pour lequel elle sollicitent l’aide de la mairie et d’autres bailleurs, pour le moment sans suite. Il nécessite un financement de 50 millions de francs CFA. Elle plaide pour qu’au niveau de l’Etat l’on songe à aider les personnes dans la quarantaine, initiatrices de projets importants, « car seuls les jeunes sont soutenus dans les différents programmes d’aide à l’entrepreneuriat », regrette-t-elle.
Mariée, Rose Alui est mère de trois enfants, dont deux garçons et une fille, la plus grande, âgée de 24 ans et le benjamin, âgé de 21 ans. « J’ai le temps pour chacun de mes enfants et pour mon mari. Tout est une question d’organisation », soutient la mère de famille, qui est à la tête d’une association de femmes entrepreneurs de Divo.
Elle déclare que ce qui fait sa force sont l’abnégation et la détermination à poursuivre ses objectifs quelques soient les obstacles.
« J’aime faire les affaires et je ne cède pas à l’échec, je m’efforce toujours de me relever quand j’échoue. Je demande aux femmes de ne pas céder à l’échec, de ne pas se décourager face aux difficultés qu’elles peuvent rencontrer », conseille la promotrice de radio.
(AIP)
jmk/fmo
De Jean-Marie Koffi à Divo
Chef du bureau régional de l’AIP