Par Piechion Benjamin
Sassandra, 29 oct 2024 (AIP) – Installé le 14 novembre 2023, le comité local de cogestion de la pêcherie de la sardinelle de Sassandra se présente comme un véritable outil au service des communautés de cette cité balnéaire.
Initié par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans le cadre de son projet Initiative pêches côtières, en collaboration avec le ministère des Ressources animales et halieutiques, les autorités locales et les acteurs de la pêche artisanale, ce comité a pour mission principale de prévenir la capture des juvéniles et de faire respecter les périodes de repos biologique grâce à des missions de surveillance participative et de sensibilisation des communautés de pêcheurs.
« La cogestion est une approche essentielle pour assurer la durabilité de la pêche artisanale, permettant aux autorités d’impliquer tous les acteurs et d’accorder aux communautés de pêche et aux organisations de base divers degrés de pouvoir et de responsabilité pour surveiller et mieux gérer leurs ressources », explique Dr Jérémie Labla Diomandé, consultant de la FAO et spécialiste des chaînes de valeur des produits halieutiques.
Le comité, composé de 27 membres représentant les pêcheurs, les femmes transformatrices, les mareyeuses, des ONG locales, des associations de consommateurs, ainsi que des chefs traditionnels et des autorités administratives locales, est un exemple de collaboration fructueuse.
La cheffe d’antenne du débarcadère de Sassandra, Justine Kouadio précise que depuis l’installation du comité, des mesures ont été mises en place pour contrôler la conformité des mailles des filets, afin d’éviter la capture des poissons juvéniles.

Un travail d’équipe pour préserver une ressource précieuse
Ce travail en équipe entre les communautés et les autorités permet de préserver la pêcherie de sardinelles, une ressource cruciale pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des populations, menacée par la surpêche et l’utilisation d’engins de pêche non durables.
« Le comité s’emploie à interdire la capture des poissons juvéniles, ce qui nous permettra de récolter des poissons de plus grande taille à l’avenir. Nous vérifions les mailles des filets avant leur mise à l’eau », déclare Justine Kouadio, soulignant que 95 % des débarquements se font à Sassandra, tandis que les 5 % restants concernent de petits villages environnants.
Des postes de contrôle ont été établis pour permettre aux agents du ministère des Ressources animales et halieutiques de procéder à des inspections.
Le président de l’ONG Afrique verte environnement et membre du comité, Serges Sogohi, souligne l’importance de l’implication de tous les acteurs administratifs dans ce processus, ce qui renforce la coopération et les mécanismes de collaboration.
« Sur le terrain, nous intensifions la sensibilisation des acteurs de la filière pêche pour préserver cette ressource », ajoute-t-il.
Le directeur régional des Ressources animales et halieutiques pour le Gbôklè, Raymond Taha se félicite de la création de ce comité, qui représente une avancée majeure pour la durabilité de la pêcherie, source de nourriture et d’emplois pour des milliers de personnes.
Un modèle d’harmonie entre communautés

La diversité des pêcheurs à Sassandra est frappante, avec une majorité de Ghanéens (2 123 acteurs et 459 propriétaires de pirogues). Ils sont suivis par 131 pêcheurs libériens et 58 propriétaires d’embarcations, ainsi que par 68 pêcheurs ivoiriens et 25 propriétaires d’embarcations. Les Togolais comptent également 68 pêcheurs et 2 propriétaires d’embarcations.
La secrétaire générale de la préfecture de Sassandra, Séraphine Djè Adjo Soro, salue le vivre-ensemble et l’harmonie qui règnent entre les autochtones et les allogènes, essentiels pour le bon fonctionnement de la ville.
« Les Ghanéens se consacrent à la pêche en mer, tandis que les autochtones privilégient le fleuve, où les quantités sont plus limitées. Nous sensibilisons les autochtones à s’intéresser davantage à la pêche maritime, ce qui pourrait contribuer à lutter contre l’oisiveté et le chômage des jeunes », explique-t-elle.
L’autorité préfectorale souhaite également que l’État dote Sassandra d’un port de pêche pour accroître la production halieutique.
L’approche écosystémique au cœur des préoccupations
Le pêcheur Daniel Korantene exprime sa satisfaction quant à la mise en place du comité de cogestion, qui a permis l’adoption de filets conformes pour éviter les prises de juvéniles. La mareyeuse Gneba Irène souligne que cette plateforme a également permis de sensibiliser les communautés à la préservation des mangroves, cruciales pour le fumage du poisson et la protection des écosystèmes côtiers.
Suite à l’installation officielle du comité, ses membres ont suivi un atelier de formation sur l’Approche écosystémique des pêches (AEP), qui reconnaît l’interconnexion entre l’environnement et les sociétés humaines.
L’objectif est de favoriser une appropriation commune des mesures de gestion par les décideurs et les acteurs de la filière, afin d’assurer la durabilité sociale, écologique et économique des ressources pour les générations futures.
En 2023, la ville de Sassandra a généré environ 5,517 millions de tonnes de produits halieutiques, pour une valeur marchande supérieure à cinq milliards FCFA, représentant plus de 70 % des activités économiques et englobant environ 2 500 acteurs de la pêche et 2 300 femmes.
L’IPC-AO, qui couvre le Cabo Verde, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, collabore avec les parties prenantes et les autorités locales pour renforcer la gouvernance et la gestion des pêches, améliorer la chaîne de valeur des produits de la mer et les conditions de travail, tout en mettant l’accent sur l’autonomisation des femmes.
Ce projet est mis en œuvre par la FAO en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE)/Convention d’Abidjan et financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM).
Bsp/haa