Abidjan, 15 dec 2024 (AIP) – Situé dans le village de Lokoa, dans la commune de Yopougon (Niangon à droite), le Centre Amigo Doumé est dirigé par les religieux chrétiens catholiques capucins de Notre-Dame-des-Douleurs aussi connu sous le nom d’Amigoniens.
Fondée en Espagne en 1889 par Monseigneur Luis Amigo, cette congrégation aidait et éduquait la jeunesse désorientée par la crise socio-politique de l’époque. Depuis, elle s’est étendue à travers le monde, étant présente dans 22 pays dont la Côte d’Ivoire et le Bénin en Afrique.
Présente en Côte d’Ivoire conformément à ses missions de socialisation
Monseigneur Laurent Akran Mandjo, premier évêque du diocèse de Yopougon, a constaté la présence de nombreux enfants marginalisés ou en conflit avec la loi dans les rues, suite à la crise socio-politique des années 1990 en Côte d’Ivoire. Après des discussions avec ces enfants, il se rend compte qu’ils souhaitent apprendre un métier. Pour les aider, Mgr Mandjo cherche une congrégation avec un programme socio-éducatif et a contacté les Amigoniens via Rome (Vatican). Cela a conduit à l’implantation progressive du Centre Amigo Doumé en Côte d’Ivoire en 1993, en collaboration avec la communauté villageoise de Lokoa.
Ouvert en septembre 1995, le Centre Amigo Doumé (CAD) est actuellement dirigé par le frère Sylvestre Bini Kouamé. Bâti sur une superficie de 7,5 hectares débouchant sur la lagune Ebrié, le Centre offre aux pensionnaires un cadre agréable et paisible pour l’apprentissage.
Le visiteur qui y arrive pour la première fois, après les formalités d’usage, doit parcourir près de 300 mètres d’un large sentier d’herbes vertes bien tondues et parsemé d’arbres fruitiers tout autour. Au terme de ce parcours, apparaissent les premiers bâtiments au milieu de palmiers et d’arbres. L’atelier de menuiserie, avec devant, une terrasse aménagée qui sert aussi bien d’espace d’exposition des articles fabriqués mais aussi de cour de récréation pour les apprenants.
En effet, les pensionnaires sont dehors, en petit groupe pour certains, c’est la récréation. Il était un peu plus de 10 heures ce mercredi matin quand démarre cette visite. D’autres assis sur des bancs en béton ou en fer forgé en train de papoter. Ils portent tous des combinaisons, le marron pour les menuisiers, le gris pour les ferronniers/soudeurs et le vert pour ceux de l’agro-pastoral.
A quelques mètres de l’atelier de menuiserie, se trouve l’atelier de ferronnerie/soudure, plus bruyant, car le bruit des machines à souder sont perceptibles de loin. Chaque atelier dispose d’un bureau pour le coordinateur de formation, et d’un magasin où sont stockés les machines et des outils nécessaires pour la formation théorique et pratique.
Ensuite, en s’enfonçant dans la propriété plus loin, nichée dans des arbustes et palmiers, se donnent dos à dos le bâtiment administratif et celui contenant le presbytère pour les religieux, les dortoirs des 30 pensionnaires et une chambre pour les éducateurs. Les dortoirs, au nombre de quatre, comprennent chacun six à huit lits avec salles d’eau, une buanderie générale, et un appatam (préau) comme lieu de réunions et de rencontres. Face à ce tout ce bloc, se trouve un long bâtiment abritant, lui également, la salle multimédia, la salle de jeux (tv), le réfectoire et la cuisine.
Après ces bâtiments, l’on doit emprunter une allée bordée de grands palmiers avec des feuilles sèches pendantes. Les troncs des palmiers sont recouverts de fougères et d’autres plantes grimpantes. Le sol est en terre battue avec de l’herbe verte autour. L’environnement est calme, bien entretenu, avec une végétation luxuriante. Au bout de ce prolongement, se trouve les parcelles compartimentées pour la culture des maraichers (tomate, aubergine, piment…) Tout au bout de ce chemin de près de 500m, l’on débouche sur l’espace dédié à l’élevage. C’est une petite ferme pour la volaille, le porcin, la cuniculture.
Le « tour du propriétaire » fait en compagnie du frère Thespis (un religieux amigonien), se termine par le terrain de football et la petite chapelle (qui peut contenir une vingtaine de personnes). Ce qui nous ramène au bureau du directeur du CAD, le Frère Sylvestre Bini Kouamé.
720 pensionnaires formé depuis l’installation en 1995
Selon le directeur, le Centre accueille les enfants et adolescents de 14 à 21 ans, vulnérables, pour des formations en menuiserie, en ferronnerie/soudure et en agropastorale (élevage et agriculture).
Depuis sa création, le CAD a formé 720 pensionnaires, avec une moyenne de 80 enfants/an. En 1996, les formations se limitaient à la menuiserie et à la ferronnerie /soudure, sous l’œil du Ministère de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. Deux ans plus tard, la formation en agropastorale (agriculture et élevage) a été intégrée. La formation dans chaque filière dure deux ans.
Les formations proposées étant qualifiées de « métier de garçon », la plupart des pensionnaires sont effectivement les garçons. La vague actuelle comprend 83 pensionnaires dont cinq filles, à savoir, deux à la ferronnerie et trois à l’agropastoral.
Cependant, la congrégation possède également un centre de formation en pâtisserie « le Centre Zagal », situé à Yopougon Andokoa. La vague actuelle comprend une trentaine de pensionnaires dont un garçon.
Population cible
Le CAD accueille les enfants dans la rue, ceux en proie à la délinquance juvénile, les enfants non scolarisés et/ou déscolarisés, les enfants ayant des problèmes avec la drogue… envoyés par le ministère de la Justice (par le biais du Centre d’observation des mineurs) et/ou par le Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant (MFFE), à travers le Programme de Protection des Enfants et Adolescents Vulnérables (PPEAV).
« Au fil des années, nous avons constaté qu’il y a aussi des enfants qui sont chez leurs parents, mais qui vont dans la rue pour travailler (faute de moyens) et retournent le soir dans leur famille. Nous donnons la possibilité à leurs parents de les inscrire pour leur faire bénéficier d’une formation en déboursant la somme de 10.000FCFA à l’inscription, car notre vocation est sociale. S’ils ne sont pas pris en charge, ces enfants peuvent devenir un danger pour les familles et pour le pays », souligne le directeur du CAD.
Avec les cours d’alphabétisation, le Centre propose ses élèves à l’examen national du CEPE. Pour les collégiens sortis du circuit, le CAD est en partenariat avec un collège voisin pour les cours du soir (après leurs cours en ateliers), afin de les proposer à l’examen national du BEPC. Le CAD accueille de plus en plus d’enfants qui ont le niveau 5e et 4e.
« Les internes du Centre viennent pour la plupart du MFFE à travers le PPEAV, avec qui nous avons une convention pour leur prise en charge. L’internat a une capacité d’accueil de 30 places. Les externes rentrent chez eux à la descente des cours, car généralement, ils habitent dans le village ou dans les sous-quartiers de Niangon, donc non loin du centre », explique le Frère Bini.
Dès son arrivée, l’enfant bénéficie d’une semaine d’essai en pratiquant deux jours dans les quatre différents ateliers (menuiserie, ferronnerie, élevage, agriculture), afin de se faire sa propre expérience et choisir sans pression la formation qui lui sied le mieux. Ensuite, vient l’entretien avec un éducateur qui lui fait un test de niveau. « Cette entrevue avec le futur pensionnaire est suivie d’échanges avec les parents ou les responsables des programmes gouvernementaux qui nous les confient. Nous voulons que les enfants qui partent d’ici aient, non seulement la formation pratique mais aussi un niveau intellectuel, parce que les deux vont de paire », affirme le Frère Bini.
Une méthode éducative visant à motiver le changement de comportement et l’apprentissage des normes sociales
La Pédagogie Amigonienne a comme caractéristique principale d’être une pédagogie constructive de la personne qui renforce les qualités de chaque enfant et motive le changement de comportement. Cette méthode met l’accent sur un traitement individuel qui permet d’élaborer un projet éducatif pour chaque jeune et faire d’eux les protagonistes de leur propre éducation; une pédagogie occupationnelle basée sur la pratique d’activités programmées dans la journée, visant à reconstruire les habitudes de travail et loisirs chez le bénéficiaire; une stimulation dans l’apprentissage des normes sociales dans le cadre d’un groupe hétérogène de jeunes; une pédagogie progressive dans l’acquisition de nouvelles connaissances qui respecte le rythme et les différences intrinsèques de chaque personne.
Une journée au Centre Amigo Doumé
Le foyer (internat) du Centre Amigo Doumé a pour objectif d’encadrer les enfants sans protection dans un cadre propice pour leur développement intégral, à savoir, offrir un cadre de vie agréable, créer des conditions optimales pour son épanouissement, accorder à chaque enfant une éducation intégrale sur tous les volets, c’est à dire l’hygiène corporelle, l’hygiène environnemental, l’apprentissage de valeurs humaines, la prise de décisions…
Les internes du Centre se réveillent à 6H du matin selon le programme chronologique suivant : ménage des chambres et des salles d’eau (à tour de rôle), bain, réfectoire, vaisselle (par équipe), prière à la chapelle. Le grand rassemblement au préau se fait à 7H30 (rejoint par les externes), suivi de l’appel, et des recommandations de la journée par les éducateurs. Ensuite, tous les pensionnaires rejoignent leurs différents ateliers.
Une pause de 15 minutes se fait à partir de 10H, suivie de celle de 12H30 au cours de laquelle les internes vont au réfectoire, font la vaisselle (par équipe tournante) après le repas, sieste, et la reprise des cours de 14H30 à 16H30.
A 18h, un éducateur accompagne les internes qui prennent les cours du soir hors du Centre. « Les enfants issus des milieux musulmans par exemple, n’ont pas obligation d’assister aux messes/prières du matin ou au début des repas. Lorsqu’il y a du porc au menu, leurs repas sont concoctés séparément. Ils peuvent même pratiquer le jeûne musulman. Leur programme de repas est respecté durant cette période. Nous respectons les différences religieuses», explique le Père.
Vente d’objets produits
Les articles fabriqués dans les ateliers menuiserie, ferronnerie/soudure et quelques produits de l’élevage sont vendus par les pensionnaires sur place. Les riverains et autres populations sont invités à y passer des commandes pour leurs besoins (meubles de maison et/ou de bureaux en bois ou en fer forgé, poteaux, portes, portails, antivols de fenêtre, décorations, œufs, volaille, lapin, viande de porc…). « Cela motive les pensionnaires, sans oublier qu’ils auront les critiques pour améliorer la qualité de leurs productions/travaux », soutient le directeur.
Les pensionnaires apprennent aussi bien l’outil informatique que la comptabilité simplifiée. « A l’ère des réseaux sociaux, ils apprennent l’usage sain pour une meilleure réinsertion socio-professionnelle, une bonne gestion de leurs finances et/ou de leur futur atelier », soutient le Frère Thespis, éducateur et formateur en informatique au Centre Amigo Doumé.
La réinsertion socio-professionnelle
C’est le pic de l’aide apportée aux enfants recueillis au CAD. Tout au long de leur séjour, le Centre et le PPEAV, par exemple, accompagnent personnellement chaque jeune dans son processus de réinsertion familiale et sociale, les préparent en fonction de leur caractéristique pour une réinsertion réaliste dans le monde du travail, les aide à trouver un lieu de travail/stage où il va développer ses capacités d’ouvrier spécialisé.
« Au niveau du gouvernement, il y a souvent des recrutements dans l’armée pour des gens qui ont un métier, comme dans la gendarmerie, la marine, etc. Nous proposons nos pensionnaires à ces concours. Aussi, leurs +ainés+ sortis du centre et qui occupent des postes de responsabilités dans des entreprises, nous font signe lorsqu’il y a un recrutement », se réjouit le directeur.
« Normalement, chaque enfant qui vient à Amigo Doumé a cinq ans à passer avec nous, soient deux ans de formation, et trois ans de suivi post formation professionnelle, que nous appelons +le programme d’insertion+. Il y a une équipe éducative qui se charge de suivre tous ces enfants qui ont fini leur formation pour leur insertion sociale, professionnelle et familiale. Généralement, nous arrivons à leur faire accepter le retour en famille et vice-versa. Notre rôle est conciliateur. N’oublions pas que nous sommes des religieux et des travailleurs sociaux», affirme-t-il.
« En réalité, quand l’enfant est à six mois de finir sa formation, il rentre chez lui tous les vendredis, et est appelé à trouver lui-même un petit stage à l’extérieur, qu’il doit faire tous les samedis. Tout cela, afin de leur donner un avant-goût du monde extérieur. Nous avons un taux d’insertion professionnelle de 80%. Aussi, quelques-uns arrivent à intégrer des lycées professionnels pour passer des diplômes supérieurs», se réjouit-il.
Les collaborations extérieures
Le Centre est en partenariat avec des académies de football, autonomes, qui utilisent gratuitement le terrain de sport. Ces responsables d’académies recrutent eux-mêmes les enfants, qui viennent de partout. « C’est une manière pour nous de soutenir les enfants qui veulent s’insérer par le football. Il y a de véritables pépites du football parmi ces enfants. Les pensionnaires et les encadreurs du CAD en profitent pour faire leur sport prévu au programme deux fois/semaine ». Les entrainements se font les mercredi et samedi après-midi.
D’énormes besoins techniques et financiers
Le Centre dispose de huit formateurs, à raison de deux formateurs par atelier. Chaque atelier a deux niveaux d’apprentissage : un niveau pour l’apprentissage (la première année) et un niveau pour la production/fabrication (la deuxième année). En plus de l’animateur en alphabétisation, de deux cuisinières, en plus du personnel administratif.
« Au niveau des ressources humaines, les besoins se définissent surtout en termes de personnel d’encadrement pour nous permettre de +souffler+ un peu. Nous souhaitons dans un premier temps que ces formateurs soient affectés par la Fonction publique, via les ministères de tutelle tels que le MFFE et le Ministère de l’enseignement technique et de la formation professionnelle », espère le Frère.
Sur les six éducateurs, trois ont été affectés par le Ministère des droits de l’homme et de la Justice, tandis que les trois autres sont les religieux eux-mêmes, sur un total de six dans le CAD dont le directeur.
Cette quinzaine de personnels civils qu’il faut étoffer, vu la charge de travail, sont payés sur fonds du centre (avec certaines aides aussi) après appel à candidatures.
Le deuxième gros besoin permanent est celui des matières premières pour les apprentissages, à savoir, les barres de fer et autres matériels de protection (atelier ferronnerie/soudure), les planches en bois et autres matériels connexes (ateliers menuiserie), la nourriture pour l’élevage des porcs, des lapins et de la volaille (poulets, canards), les semences pour l’agriculture… sans oublier les charges fixes du Centre (électricité, eau), les vivres et non vivres. Les besoins sont énormes.
Trente ans au service de la communauté et l’impérieuse nécessité de pérenniser et renforcer l’aide pour un meilleur suivi à long terme des pensionnaires
« Certes, nous bénéficions de financement de la part de notre congrégation à partir de Madrid (Espagne), de certains appuis, et de partenariats tissés avec l’Agence Emploi jeunes et l’UNICEF sur certains projets. Mais vous savez que les projets ont un début et une fin, alors que les besoins permanents du centre sont énormes et les pensionnaires arrivent toujours par vagues discontinues. On peut estimer cela à pas moins de 200.000 millions FCFA/an », soutient le premier responsable du Centre Amigo Doumé.
Avec l’aide de partenaires du secteur public et privé, de fondations et de personnes de bonne volonté, les responsables du CAD (qui célébrera ses 30 ans en Côte d’Ivoire en 2025), souhaitent développer des métiers alternatifs afin de donner plus de chances à la réinsertion professionnelle de certains enfants très limités au niveau intellectuel, les regrouper en coopératives qui seront dirigées par un responsable de projet afin de permettre à un grand nombre d’être réinsérés à court terme et rendre crédible leurs prestation dans les ateliers; développer les partenariats avec les entreprises pour faciliter les temps d’essais; mais surtout, mettre en place un réseau des anciens pensionnaires en vue de faciliter leur réinsertion professionnelle en cas d’opportunités d’emploi ou de stage. Toutes ces actions ont besoin d’être boostées par des financements. Ainsi, chacun pourra œuvrer pour le bien-être de ces enfants qui sont l’avenir de la Côte d’Ivoire.
(AIP)
tls/cmas
Encadré 1
Côte d’Ivoire-AIP/ Plus 200 enfants en “situation de rue” réintégrés dans leurs familles grâce au PPEAV (Coordonnateur)
Créé en 2015 et rattaché au Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant (MFFE), le Programme de Protection des Enfants et Adolescents Vulnérables (PPEAV) a pour mission de garantir un environnement sûr à tous les enfants. Il vise à prévenir et à réduire toutes les formes de violence et d’exploitation dont ils peuvent être victimes, en développant des mécanismes de protection efficaces, tant au niveau étatique que privé. Le PPEAV intervient également sur le terrain pour apporter une aide concrète aux enfants en difficulté et collabore avec d’autres institutions pour élaborer une politique nationale de protection des groupes vulnérables. Dans cet entretien, le directeur coordinateur du PPEAV, Sylvain Kra, nous présente le partenariat avec le CAD et ses implications dans la mise en œuvre des actions du programme. (Interview)
Comment identifiez-vous les enfants que vous mettez sous tutelle au Centre Amigo Doumé ?
Depuis 2022, la ministre Nassénéba Touré mène des opérations de maraude d’urgence pour retirer les enfants des rues. Ces enfants, souvent confrontés à des parcours de vie difficile, sont recueillis dans des centres de transit du PPEAV comme celui de Yopougon Toits-Rouges. La place de ces enfants ne se trouve pas dans la rue, chaque enfant est mieux dans la cellule familiale. Notre rôle est de recueillir ces enfants, procéder à leur resocialisation pour rejoindre leur famille, pour apprendre un métier ou retourner à l’école.
Comment sont organisés ces centres de transit?
Ces centres comportent des dortoirs avec des salles d’eau, une salle multimédia, un préau et un petit espace vert. Les enfants y sont pris en charge pendant six mois à un an maximum, le temps de retrouver leur famille, car la place de l’enfant est dans sa famille. Les encadreurs sont composés de travailleurs sociaux, de pédopsychiatres, de toxicologues, de personnel d’appui, etc.
Que deviennent ces enfants sortis de ces centres?
Nos centres de transit ne sont pas si spacieux et les enfants, après entrevue tout au long de leur séjour, manifestent le désir d’apprendre un métier. Ainsi, après enquête, nous avons trouvé le Centre Amigo Doumé (CAD), un établissement dirigé par des religieux catholiques, bâti sur plus de sept hectares qui a pratiquement la même cible et les mêmes objectifs que nous. Nous avons ainsi établi un partenariat avec ce cadre apaisant situé à Yopougon Niangon Lokoa, pour la prise en charge des enfants que nous recueillons. Ce centre est composé d’ateliers de menuiserie, ferronnerie, d’élevage et d’agriculture, de classes d’alphabétisation, de dortoirs, d’une salle multimédia, d’un grand terrain de football… avec un pan sur la lagune ! Tout cela répondait à une très grande partie de nos besoins.
Quelle est la contribution du PPEAV aux enfants placés au Centre Amigo Doumé ?
Notre assistance comprend deux volets, à savoir, une contribution financière pour la prise en charge totale, c’est-à-dire, hébergement, repas, médicale, vestimentaire, forfait pour les équipements d’apprentissage et pour les formateurs des différents ateliers, et ensuite, la réinsertion socio-professionnelle (recherche/retour en famille, placement/stage chez des maîtres-artisans pour parfaire leur apprentissage, embauche dans des entreprises et/ou des particuliers, et suivi) après leur apprentissage et séjour qui dure deux ans. Pour la cohorte actuelle de 30 enfants, le montant s’élève à quatre millions de Francs CFA par trimestre, soit 20 millions FCFA/an. Cette contribution doit être revue à la hausse, vu le paquet d’activités énumérées, des réalités, des difficultés économiques, de la cherté de la vie, etc.
Y a-t-il des résultats probants de ce partenariat avec le CAD ?
Les résultats sont probants et pour aller encore plus loin, nous sommes prêts à aller rencontrer des structures et/ou les inviter à visiter les sites propres au PPEAV et ceux de nos partenaires, pour mieux comprendre nos activités, afin de les concrétiser en actes.
Nous avons 80% de réinsertion familiale et professionnelle réussie. Le CAD est d’un grand soulagement pour nous, car les pensionnaires reçoivent également des enseignements sur le Divin, un accent sur le civisme, et les normes sociales.
Le pourcentage de cas d’échec (20%) est composé de fugues d’enfants qui, malgré toutes les médiations, replongent dans la rue, ou refusent de retourner en famille… Notons que ces cas doivent être inversés, car nous devons relever le challenge.
Tout citoyen a droit au bonheur, et c’est notre leitmotiv pour arriver au principe de « zéro enfant dans la rue » dans notre pays. Les enfants constituent le devenir de la nation, un principe qui est bien au-delà des différences socio-économiques et culturelles.
En terme de chiffres, combien d’enfants ont été pris en charge par le PPEAV ?
Depuis septembre 2022, cette opération d’urgence du PPEAV a enregistré 552 enfants retirés des rues d’Abidjan, pris en charge psychologiquement, socialement et financièrement; 84 en rupture sociale, dont 18 filles et 266 garçons, ont été réintégrés dans leurs familles respectives à Abidjan et à l’intérieur du pays. À l’issue des médiations menées auprès de leurs parents, 99 enfants utilisés à des fins de mendicité par des adultes, ont été réunifiés dans leurs différentes communautés.
En outre, 87 en rupture sociale, dont sept filles et 63 garçons, ont été placés dans des établissements de protection des ONG partenaires, 67 s’adonnant au commerce ambulatoire ont été interceptés et ramenés en famille après des séances de sensibilisation sur les dangers qu’ils encourent, 22 filles impliquées dans la prostitution ont été sensibilisées sur leur activité et conduite en famille.
Quels sont les défis particuliers dans la mise en œuvre de votre mission?
Notre défi est de sensibiliser les parents sur ce phénomène des enfants dans la rue. Aussi, la communication parents-enfants doit être instaurée dans les familles, car les adolescents doivent pouvoir faire confiance en leurs parents, leurs tuteurs…Ils doivent avoir un modèle de réussite digne, qui les poussera plus haut dans la vie. Dans le cas contraire, ils sont exposés à la drogue, aux violences basées sur le genre, la délinquance, etc.
De nombreux besoins également?
Nos besoins sont multiformes, à savoir, des vivres et non vivres, des équipements pour les différents ateliers (bois, barres de fer, semences agricoles, poussins, porcelets… et les accessoires connexes à chaque atelier pour le cas d’Amigo Doumé par exemple. Aussi, il faut des efforts financiers pour renforcer/recruter davantage d’encadreurs sur nos différents sites…
Les enfants dans la rue sont nombreux et nous faisons de notre mieux pour multiplier les maraudes pour les sortir de leur situation de précarité, de vulnérabilité. Il faut les protéger. Cette prise en charge peut être estimée au bas mot à plus d’un million FCFA/an par enfant. Le besoin financier est énorme et spécifique à chaque enfant. Nous demandons l’aide de personnes de bonne volonté, de fondations à soutenir cet idéal qui est d’assister les enfants et les adolescents à s’éloigner du vandalisme, de la drogue, des crimes, etc. Et par-delà, faire d’eux de futurs citoyens heureux et responsables.
(AIP)
tls/cmas