Daloa, 1er oct 2024 (AIP) – La production de café vert est en baisse dans le monde. Selon le rapport sur le marché du café publié par l’Organisation internationale du café (OIC) en avril 2023, elle a diminué de 1,4 % au cours de la campagne 2021-2022 et dans la même proportion au cours de celle de 2022-2023.
La Côte d’Ivoire n’échappe pas à cette situation. Le pays est passé du rang de 3ème producteur mondial dans les années 1960 à la 15è place aujourd’hui. Ce recul s’explique par le vieillissement des vergers, la faiblesse des rendements, les maladies des arbres et la concurrence des autres cultures de rente comme le cacao, le palmier à huile et l’hévéa. La baisse de la production de café vert impacte le secteur dans son ensemble, mais plus particulièrement les cultivateurs qui font face une baisse de leurs revenus et conséquemment de leur pouvoir d’achat et de leur niveau de vie.
Un programme de formation et d’appui pour une culture durable du café
Afin d’assurer son propre approvisionnent en café vert et continuer à fournir le marché, la société Nestlé a lancé en 2012 le Plan Nescafé en Côte d’Ivoire.
Composé de plusieurs de projets, ce plan repose sur quatre piliers censés lui permettre de créer de la valeur partagée, de contribuer à l’augmentation de la production et à l’amélioration de sa qualité. Ces piliers sont la formation des cultivateurs aux techniques agricoles modernes, leur initialisation à l’agriculture durable, la distribution de plants améliorés et un système d’achat direct de la production aux paysans, avec des primes de bonnes pratiques à la clé.
Dans sa mise en œuvre, des agronomes de la société et des structures techniques partenaires au programme tels que le Centre nationale de recherche agronomique, le Conseil du café-cacao et l’Agence centrale coopération allemande collaborent sur le terrain avec les cultivateurs et les communautés pour promouvoir les techniques et les pratiques culturales recommandées.
Il s’agit notamment de la régénérescence caféière incluant la mise en place de cultures intercalaires qui augmentent non seulement les rendements mais aussi procurent des revenus supplémentaires aux paysans, du compostage pour réduire la dépendance aux produits chimiques et de la fourniture de plants à haut rendement et résistants aux maladies pour le rajeunissement des vergers.
Le plan Nescafé s’est fixé pour objectifs d’atteindre des rendements de 700 voire 1000 kg par hectare contre 350 actuellement sur les parcelles où sont adoptées les méthodes agricoles recommandées.
Le programme ne vise pas seulement la production d’un café de qualité en grande quantité. Il ambitionne également de promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement et de renforcer le pouvoir économique des communautés qui le cultivent dans une perspective d’autonomisation, souligne le manager en Côte d’Ivoire, Yapi Yapo Adolphe.
La production de café a recommencé à augmenter et les revenus des cultivateurs à s’améliorer
En Côte d’Ivoire, le Plan Nescafé touche près de 22 000 cultivateurs dont ceux des campements Djarabana et Petit Yamoussoukro, dans la sous-préfecture de Dania. L’Ivoirienne coopérative Anouanzè du Haut Sassandra (ICAHS) qui les regroupe a été introduite dans le programme 2014.
« La situation de la caféiculture était précaire dans notre zone. Le marché n’était pas garanti, les prix étaient bas. Le découragement gagnait les paysans et certains ont abandonné leurs plantations », lit-on dans une note de la coopérative sur l’impact du programme dans les communautés de Djarabana et de Petit Yamoussoukro.
Mais depuis la mise en œuvre du plan, « la production de café a recommencé à augmenter et les revenus des cultivateurs à s’améliorer », assure le secrétaire général de cette coopérative, Joachim N’guessan.
Si la communication est discrète en ce qui concerne les gains financiers individuels, les actions sociales de l’ICAHS au profit des communautés témoignent de l’impact positif du programme à Djarabana et à Petit Yamoussoukro.
« Au niveau des écoles, nous avons construit un bâtiment de trois classes à Djarabana et posé une toiture à Petit Yamoussoukro. Nous avons surtout réalisé un forage équipé d’une pompe solaire pour fournir de l’eau potable aux habitants à Djarabana », énumère fièrement M. N’guessan, en soulignant que ces réalisations ont été financées grâce aux primes perçues par la coopérative dans le cadre de l’achat direct aux paysans.
Si trois investissements en 10 ans peuvent paraître insignifiants, l’histoire qui se cache derrière chacun d’eux incline à faire une appréciation différente quant à leur impact sur les bénéficiaires.
Impact positif sur les communautés
Prenons l’école de Djarabana. Une école primaire publique de six classes fonctionnelles, avec un effectif de 425 écoliers l’an passée. Il y a deux ans, les cours étaient dispensés sous des d’apatams faits de planches grossières sciées couverts de vielles tôles.
Située en périphérie des habitations, elle est bordée aux trois quarts de broussailles, de cacaoyères et de caféières. Les maîtres et les élèves étaient exposés aux intempéries et à toutes sortes de dangers.
« Chaque fois qu’il pleuvait beaucoup, les eaux de ruissellement parvenaient sous les tables-bancs et inondaient le sol. Il fallait alors suspendre les cours pour deux ou trois jours, le temps que le sol se raffermisse un peu », raconte le directeur, Brou Eugène.
Quelques fois, des serpents apparaissaient dans les classes. « Un jour, au moment où je m’approchais du tableau, j’en ai vu un dans les planches de toit au-dessus de ma tête. J’ai dû vider la classe et appeler les collègues pour m’aider à le tuer », se souvient l’un des maîtres de l’école. « Chez moi, le serpent était à la poursuite d’un margouillat. Il l’a suivi jusque dans la classe », appuie un autre.
Face à l’urgence, les trois salles de classe ont été mises en exploitation dès que la toiture du bâtiment a été posée. Les murs n’ont pas encore été crépis, les portes sont inexistantes et les chapes restent à être tirées. Les vielles tables-bancs des abris de fortune ont été déposés directement sur le sol nu. Qu’à cela ne tienne. Au moins, ils se sentent en sécurité et à l’abri des ruissellements d’eaux et des vents chargés de gouttelettes.
Un forage qui soulage toute une communauté
L’histoire du forage est fort apitoyante. Depuis plus de 60 ans, les habitants du Djarabana avaient toujours consommé l’eau d’un marigot situé au pied du plateau sur lequel ils sont installés. Un grand marigot de couleur verdâtre. A la surface, quelques feuilles mortes. « Quand il pleut, l’eau ruisselle de là-haut et vient s’y déverser, avec les saletés », note un habitant du campement. « C’est une eau très fraiche et légèrement sucrée », plaisante un autre.
En fait, la qualité de l’eau n’était pas la plus grande préoccupation de ces braves paysans qui semblent avoir développé une sorte d’immunité. Le gros problème était plutôt de la rapporter au campement, situé en hauteur, après en avoir puisé. Un trajet d’environ 800 m que les jeunes filles et les femmes parcouraient quotidiennement, des cuvettes d’eau sur la tête. Le sentier était étroit, sinueux et crevassé par l’érosion. La pente un peu trop raide rendait cette remontée plus éreintante.
« Dire que certaines d’entre nous y allaient en étant en grossesse ou avec des bébés au dos », soupire une dame.
« Nos mères se levaient très tôt pour remplir des futs ou des barils. Lorsqu’elles revenaient des champs, en fin d’après-midi, elles devaient encore approvisionner la famille en eau, tout cuisinant le repas du soir », justifie le secrétaire général de l’ICAHS, à la base du projet de forage du puits.
Alors, quand la coopérative a perçu une prime, il a décidé de convaincre les autres membres de la nécessité de réaliser le forage pour soulager les femmes du campement et aussi pour offrir de l’eau potable à tous.
L’ouvrage a coûté huit millions de francs CFA. Equipé d’un robinet de puisage et situé dans le campement même, il permet aux femmes de disposer d’eau potable à proximité de leurs maisons en fournissant peu d’efforts. « Chaque fois que je viens puiser de l’eau à la pompe ici, je repense au marigot et au chemin qui y mène », confie une jeune fille.
Ainsi, le Plan Nescafé relance-t-il la culture du café et redonne la joie de vivre aux cultivateurs de la forêt Dania qui se croyaient abandonnés, livrés à eux-mêmes face aux difficultés d’une vie dans une zone difficile d’accès, sans électricité, ni eau courante.
(AIP)
kaem/fmo/tm