Gagnoa, 19 août 2024 (AIP)- Selon le ministère de la Santé, les décès de nouveau-nés représentent plus de la moitié des décès infantiles enregistrés en Côte d’Ivoire, et la première cause de ces décès est due à la prématurité (31,6 %). Les mortalités néonatales et infantiles, qui étaient respectivement de 34 % et de 60 % en 2016, sont passées en 2019, respectivement de 33 % et 58,6 %. À l’Hôpital Général de Gagnoa, malgré le plateau technique « satisfaisant », la mortalité hospitalière pédiatrique est restée élevée, surtout celle des nouveau-nés hospitalisés. En 2020, le service de pédiatrie de l’hôpital général, rebaptisé hôpital du Bonheur avait enregistré 662 nouveau-nés, dont 123 décès. Soit un taux de mortalité de 18,58 %. Pour corriger cette situation, le directeur de cet établissement hospitalier, Dr Kouakou Yao Adolphe, expert en management, a signé un partenariat avec le CHU de Bouaké en vue de la création d’une unité de Soin Mère Kangourou dans son hôpital.
Le 22 avril 2021, le chef du service de pédiatrie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bouaké, Pr Assè Vincent, commence l’encadrement et le coaching du personnel de l’hôpital du Bonheur. Trois mois durant, et cela deux fois par semaine, le spécialiste assure la formation du personnel, l’équipement de l’unité de néonatalogie, ainsi que la mise en place de la méthode Soins mère Kangourou.
« Les résultats ne se sont pas fait attendre », révèle Dr Kouakou, parlant d’un accroissement de la fréquentation avec 737 patients (bébés) admis, avec malheureusement 130 décès, soit 16,94 %. Poursuivant la dynamique nouvelle, les efforts de tout l’hôpital vont se poursuivre. Ainsi, dans l’ensemble, l’hôpital du Bonheur aura fait des progrès, passant d’un taux de mortalité de 18,58 % en 2020, à 16,94 % en 2021, pour chuter à 12,02 % en 2022.
Selon l’ancien directeur régional de la Santé du Gôh, Dr Guédé Gnolou Abel, « bien que le taux de mortalité des mères en couche soit en baisse notable, celui des décès néonataux est resté encore élevé, surtout les prématurés, lorsque ces nouveau-nés sortent tôt et sont confiés à leurs parents ». Mais, avec l’arrivée de Pr Assé Vincent, les décès néonataux ont été réduits de moitié, sur la période d’avril à juin de la même année, passant d’environ 24 % à 11,5 %, a-t-il révélé.
Malheureusement, « malgré ces efforts, le nombre des décès néonataux est resté encore élevé », souligne le directeur de l’hôpital du Bonheur. L’on fait donc recours au Pr Assé Vincent. Mais cette fois, pour y installer une unité de Soins Mère Kangourou (SMK) afin que « la mère s’approprie les bons gestes vis-à-vis d’un bébé de très faible poids, » dit-il. Le 23 juillet 2021 est lancé officiellement au service pédiatrique de l’Hôpital Général de Gagnoa, l’unité SMK, avec pour objectif, de faire chuter le taux de mortalité néonatale et infantile.
La solution était trouvée, surtout que ce système faisait ses preuves au niveau national. En effet, de 2019 à 2023, ils étaient 3 888 prématurés sur 4 278 à être sauvés, soit 91 % de survie, et ce, grâce aux 15 premières unités de Soins Mères Kangourou ouvertes sur le territoire national, selon les chiffres du Programme national de nutrition.
« Nous étions à cette époque, le seul hôpital général à disposer d’une telle unité et la seule, qui l’a fait de sa propre initiative », a précisé le Dr Kouakou. À partir de 2022, l’hôpital amorce progressivement la baisse du taux de mortalité néonatale et de morbidité.
Rôle joué par l’unité de SMK de l’hôpital du Bonheur
Pour les sept premiers mois de l’année 2023 (janvier-juillet), le nombre d’admissions de nouveau-nés enregistré est de 886 dont 119 décès. « Il ressort de cette analyse situationnelle que sur la période de 2020 à 2023, le nombre d’admissions a doublé alors que la mortalité a diminué de près de 40 % », note le directeur de cet hôpital qui attribue cette performance « à la double prise en charge des faibles poids de naissance » dans l’unité SMK. En effet, la mortalité des nouveau-nés de faible poids de naissance est passée en deux ans, de 24 % à 7 % en 2023, avec la méthode de SMK.
Dans la mortalité des nouveau-nés, il y a ceux du fait de leur faible poids, mais aussi ceux nés à terme avec un bon poids de naissance admis pour un problème de santé. La stratégie trouvée était d’ouvrir une unité rattachée à l’unité de néonatologie. À ce niveau, l’observation a montré une augmentation de la fréquentation de l’unité, une diminution de la mortalité des prématurés et, d’une manière générale, celui des enfants. Ce qui, toujours selon le professeur de pédiatrie, a fait qu’en fin d’année, non seulement le niveau de consultation a augmenté, mais aussi, il y a eu une diminution importante du taux de mortalité.
Le praticien a fait savoir que cette technique « de peau à peau » augmente les chances de survie des bébés prématurés. En effet, le simple fait de serrer son bébé contre sa peau après l’accouchement est une intervention « hautement efficace et facile à réaliser » qui a démontré son efficacité pour sauver la vie de prématurés de faibles poids à la naissance.
À titre d’exemple, Pr Assé Kouadio Vincent a révélé que dans son service, « 250 bébés pris en charge de manière conventionnelle en couveuse et 230 autres, par le système de Soins mère kangourou a permis de faire le constat qu’il y a eu plus de décès chez les bébés mis en couveuse que ceux pris en charge dans l’unité mère kangourou ».
Aux dires du directeur de l’hôpital, Dr Kouakou Adolphe, l’on a dénombré en 2023, que sur 60 enfants reçus en SMK, six sont décédés, soit 10 %, six ont été perdus de vue, soit 10 % et 48, soit 80 % ont survécu et sont « notre fierté ». Il rappelle qu’à Gagnoa, l’unité SMK de l’hôpital général, rebaptisé Hôpital du Bonheur pour ses performances, est la seule unité dans la région, à offrir une prise en charge aux prématurés et aux petits poids de naissance.
«Avec le Système Mère Kangourou, les mamans nous aident à mieux nous occuper de leur bébé», se réjouit le directeur de l’hôpital général de Gagnoa, Dr Kouakou Adolphe. Il explique que l’implication de la maman dans la gestion et l’alimentation du nouveau-né prématuré a favorisé la réduction de la charge du travail du personnel déjà insuffisant, les infections chez l’enfant, la mortalité néonatale, ainsi que la durée d’hospitalisation des nouveau-nés prématurés dans le service.
Parler d’unité de soins mère Kangourou, selon le Pr Assè, c’est parler d’une alternative thérapeutique, un moyen de traitement peu coûteux des nouveau-nés prématurés qui, de manière classique, sont gérés avec des incubateurs, qui, eux nécessitent une grande technicité pas toujours à la portée des hôpitaux des pays en développement.
Mais comment réussir à maintenir le taux de mortalité néonatale et infantile en constante baisse, quand on n’a pas encore pu résoudre le cas des mamans qui, une fois parties de l’unité de soins, ont du mal à respecter correctement le protocole exigé pour maintenir l’enfant en bonne santé, s’interroge tout de même, le directeur de l’hôpital.
(AIP)
dd/fmo
Une enquête de Dogad Dogoui
Chef du bureau de Gagnoa